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«Pour "bander", c'est très simple: il suffit que l'homme oublie qu'il a quelque chose entre les jambes – car c'est en concentrant toute son attention sur cette plus ou moins infime partie de son corps, en exigeant d'elle, à la manière d'un maître sévère et impressionnant, un comportement de premier ordre, qu'il lui fait peur. Il faut donc penser à tout autre chose, comme par exemple au corps de la femme. L'homme ne la connaissant pas, il ne lui est pas difficile de s'y intéresser, car toute découverte peut présenter certains attraits pourvu qu'on ait l'esprit curieux. D'autre part, il ne doit en aucun cas se laisser impressionner par sa partenaire: c’est souvent l'une des principales causes de défaillance (celui qui se sent tout petit ne peut guère espérer une abrogation soudaine et miraculeuse des lois de la proportion). Même si c'est tout à fait regrettable, il doit donc se résoudre à considérer la femme qui est en train d'écarter les jambes devant lui comme une prostituée sans désir, qui n'attend rien de lui. C'est révoltant, mais l'heure n'est pas aux sentiments. Et comme, encore une fois, il ne connaît pas la femme, il pourra aisément éviter les problèmes de conscience.

«Lorsque la jonction des corps est faite, il ne faut pas jouir tout de suite. Ce serait encore pire que de ne pas pouvoir "bander" (car on ne pourrait invoquer aucune excuse). Pour passer le cap délicat des premières étreintes des muqueuses et atteindre bon an mal an le quart d'heure fixé par les conventions, il est préférable, si l'homme se sait fort émotif, qu'il ait songé à boire quelques verres avant de se lancer dans la bataille – l'alcool est certainement l'atout le plus précieux de l'expéditif. Mais s'il n'en a pas eu l'occasion, ou si deux whiskies le terrassent, il devra se défendre seul. Pour cela, il lui faudra impérativement oublier que la femme est un être capable de jouir. Car c'est par crainte de ne pas être en mesure de faire jouir sa partenaire que l'homme s'affole, perd la tête, panique, se met à vibrer, explose. De nouveau, malheureusement, il est obligé de se figurer qu'il a affaire à une sorte de créature sans âme qui n'est là que pour lui donner du plaisir. (En prison, certains détenus ont mis au point un système ingénieux: lorsqu'on leur sert des pâtes dans la cellule, notamment des coquillettes ou des nouilles, ils en gardent la moitié et les fourrent, quand elles sont tièdes, dans le thermos qu'ils utilisent pour le café. Ils se fabriquent ainsi une sorte de "vaginette" des plus réalistes, paraît-il, si l'on ferme les yeux. Dans le cas qui nous intéresse, il s'agit de se comporter de manière inverse: fermer les yeux et se représenter la femme comme un thermos rempli de nouilles tièdes.) Avec un rien d'imagination, il lui devient donc inutile, voire incongru, de chercher à procurer un orgasme à sa partenaire: elle s'en fiche et n'attend aucune prouesse particulière de sa part. Cette pression supprimée, il ne pense plus qu'à lui et se défoule en toute quiétude. Le problème, c'est que la femme se met souvent à gémir de plus en plus bruyamment, occasionnant ainsi des interférences pénibles: il devient presque impossible à l'homme de continuer à croire qu'elle n'a pas l'intention de prendre du plaisir. Et cette fois, l'orgasme de la dame semblant tout proche, il serait vraiment dommage d'échouer si près du but. Pourvu que… Oh non.

«Ce qu'il doit prendre en compte, c'est le côté facultatif de la jouissance féminine lors de ce premier contact. L'orgasme de la femme est bien moins "mécanique" que celui de l'homme, il ne suffit pas de l'astiquer un moment pour qu'elle l'atteigne par lien de cause à effet. Bien des femmes ne jouissent que lorsqu'elles sont parfaitement détendues, lorsqu'elles ne pensent à rien d'autre qu'à ce qu'elles sont en train de faire (ou à ce qu'elles pourraient faire dans le même genre avec quelqu'un d'autre), c'est-à-dire, somme toute, assez rarement. (Tandis qu'un homme, et c'est parfois dommage pour lui, peut jouir même s'il s'efforce désespérément de se représenter les fesses blanches et poilues de son coéquipier de rugby sous la douche.) On n'imagine pas le nombre de femmes qui restent deux fois sur frois à la frontière de la terre promise sans pouvoir, pour une raison ou une autre, effectuer le dernier pas. Combien d'entre elles, en plus de cette frustration, sont obligées de pousser de grands cris et de se tortiller à la façon des actrices mélo des années 20 pour ne pas froisser le brave artisan qui s'échine entre leurs jambes? Bref, elles ont l'habitude. En outre, la première fois, elles sont plus tendues que de coutume, comme l'homme, elles pensent avant tout, elles aussi, à plaire à leur partenaire, il est donc tout à fait compréhensible que certaines ne se laissent pas aller jusqu'à l'orgasme. L'homme ne doit pas s'en inquiéter. Justement parce qu'il sait que la femme, même si elle a la bascule facile en d'autres circonstances, ne songera pas elle-même à s'en inquiéter, ni à s'en plaindre.

«Néanmoins, il est primordial de lui donner tout de même un peu de plaisir. C'est la moindre des choses. Pour cela, et pour une fois, l'homme va devoir penser avant tout à elle. (Ce n'est pas simple, mais l'esprit humain est capable de choses étonnantes.) Pour découvrir ce qu'elle aime, il faut se comporter avec elle comme avec un coffre-fort: tourner le bouton, essayer tous les chiffres jusqu'à ce qu'on perçoive un déclic dans le stéthoscope. En l'occurrence, il s'agit par exemple de tester toutes les positions de base jusqu'à ce que la femme entre en vibration. Attention: même si l'on sent que la levrette, disons, la laisse tiède comme un thermos de nouilles, il ne faut pas imiter l'expert en coffres et passer aussitôt à la suivante. Sinon, l'acte d'amour risque de se transformer en tourbillon endiablé, en un mélange de combat de lutte et de rock acrobatique, et la pauvre femme, balancée de tous côtés, soulevée, poussée, pliée, retournée à toute vitesse, se demandera inévitablement ce qu'est en train de faire ce dangereux malade. ("Pourquoi faut-il toujours que ça tombe sur moi?") Non, même si l'homme sent que la position choisie n'obtient qu'un vague succès d'estime, il doit s'y tenir pendant un minimum de trois minutes.

«Lorsqu'il a découvert celle que sa partenaire goûte le plus (elle est aisément identifiable: même si la femme n'est pas foudroyée de plaisir, elle aura à cœur d'indiquer clairement à l'homme que c'est encore ce qu'il y a de plus supportable, en secouant la tête de manière comique et en poussant de petits cris, un peu trop fort), il devra s'employer à régler la puissance et la vitesse de ses va-et-vient. Là encore, la seule méthode convenable est celle du coffre-fort. Inutile de revenir là-dessus, c'est enfantin.

«Ensuite, s'il veut peaufiner son travail (ce qu'on ne saurait trop lui conseiller, pour sortir de la masse), il peut s'attacher (en suivant toujours la méthode dite "du coffre-fort") aux détails, aux condiments. Les gestes accessoires, par exemple – caresser ou tirer les cheveux tandis qu'il la secoue, glisser un doigt dans la bouche ou ailleurs, taper sur les fesses, pincer les mamelons, lécher la bouche ou toucher le clitoris qui commence à se sentir bien seul (à ce propos, l'homme ne doit surtout pas hésiter, mettant sa fierté de côté, à saisir la main de la femme pendant le rapport et à la guider vers son clitoris (certaines n'osent pas le faire d'elles-mêmes): cette main deviendra sa meilleure alliée dans la course à l'orgasme; ou bien les paroles – certaines femmes adorent que l'homme leur parle pendant qu'il les cloue au matelas, d'autres détestent. Pour les gestes comme pour les paroles, il est impératif de commencer au bas de l'échelle et de monter graduellement si l'on sent que ça accroche. Un homme qui, dès les premières poussées à l'intérieur de la femme, se mettrait à lui griffer les seins jusqu'au sang ou à grogner "Tu aimes quand ça tape au fond, hein, chienne?", prendrait de gros risques.

«Une fois que tous ces réglages sont effectués, l'homme n'a plus qu'à attendre sereinement le moment opportun (après, approximativement, un quart d'heure a une heure d'activité (pas trop longtemps non plus, car les muqueuses sont fragiles et la femme peut commencer à éprouver une sensation de détérioration)), et quand il estimera avoir suffisamment payé de sa personne, il pourra enfin donner le meilleur de lui-même.

«Pour conclure (mais on l'a dit des millions de fois depuis les premières copulations préhistoriques, et c'est faire injure à l'homme que de le rappeler), il est formellement déconseillé de tourner le dos à la femme dès qu'on s'est extirpé d'elle, et de s'endormir. L'homme doit la serrer dans ses bras et la caresser, l'embrasser longuement, même si ce n'est pas de gaieté de cœur.

«L'accouplement de deux êtres pose toujours des problèmes au début. Mais, comme on l'a vu, cet animal suprêmement intelligent qu'on appelle l'homme peut les surmonter en ne se fiant qu'à deux mots: modération et jugeote. L'instinct, dans ces cas-là, ne donne jamais rien de bon.»

Allongée magnifique sur le dos, le visage tourné vers moi, un ovale limpide et pâle, les yeux clairs, les yeux lubriques, Olive me regarde.

Il me fait marrer, mon oncle.

Mais je vais tenter de me ressaisir. Les yeux brumeux, je la regarde.

Je vais me déshabiller sans gêne, avec souplesse comme un artiste de cabaret, me coucher naturellement à côté d'elle et la prendre dans mes bras sans lui mettre un coup de coude dans l'œil au passage.

Je lui tourne le dos pour m'asseoir sur le lit et enlever mes chaussures, elle voit ma nuque ployée, mon échine voûtée, de quoi j'ai l'air, un bon bougre qui se prépare dans le vestiaire avant un match de foot, mes chaussettes, je me relève, qu'est-ce que je suis lourd, j'arrive à peine à me remettre sur pied, j'ai trop mangé à l'indien, je me retourne vers elle, un bulldozer qui pivote lentement, et lentement je commence à me déshabiller, elle ne me quitte pas des yeux, clairs et lubriques, il faut que j'évite de forcer sur le côté langoureux, il n'y a pas grand risque, je me demande ce qui m'a pris de choisir ce caleçon miteux ce matin, je l'enlève vite, puis le tee-shirt, vite, je suis nu, mon Dieu, qu'est-ce que c'est que ce ventre?

D'où sort ce ventre?

J'aimerais beaucoup assumer mon corps mais je ne sais plus comment on fait. Pourtant ce serait l'idéal en ce moment critique, je devrais profiter qu'elle me regarde pour lui faire comprendre que je suis serein, moi aussi, et qu'elle peut s'attendre à passer une bonne heure de détente instructive. Mais j'ai beau retourner le problème de tous les côtés, je n'arrive pas à remettre le doigt sur la pensée qui permet de se sentir à l'aise. Impossible. J'ai l'impression d'être nu devant un jury dont tous les membres seraient nageurs ou danseuses au Lido, je suis debout bossu les bras le long du corps, bronzé comme un lavabo d'hôpital, musclé comme un cocker, et ce ventre, il faudrait que je sois vraiment débile pour me sentir à l'aise. Aussi je me ramasse sur moi-même, afin qu'elle ne distingue plus qu'une masse confuse de muscles et de chair tendre, je roule en quelque sorte sur le lit, puis me dénoue et m'allonge. Elle sourit avec indulgence. Qu'est-ce qui me prend? C'est une fille, non?

Il faut que je me dénoue davantage. Physiquement, je suis bien dénoué, là. C'est mentalement, surtout. Allez, je me dénoue, je me dénoue.

Alors que je m'apprête, malgré ma sournoise promesse de chasteté, à entamer sans tarder les merveilleux préliminaires (tu es tombée dans la gueule du loup, petit chaperon rouge (le temps que je me dénoue, et tu vas voir)), elle se tourne vers moi, m'embrasse sur la joue et me prend la bite à pleine main.

En une seconde, je comprends tout. Je deviens génial, j’analyse aussi vite qu'un puissant ordinateur. C'est elle qui a mené la soirée comme elle le désirait, c'est elle qui m'a engourdi au restaurant, qui m'a fait monter ici, qui m'a conduit jusqu'au lit en bâillant. Ah la garce! Enfin non, c'est bien, au contraire. Sauf que… Saperlipopette, malgré mon cerveau très rapide je n'ai plus le temps de réfléchir car elle m'a pris la bite à pleine main et je bande aussitôt comme un jeune homme, c'est toujours ça de gagné mais je ne peux plus penser à rien d'autre. C'est parti pour les préliminaires!