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II n’en fut point. Presque 30 ans se sont ecoule depuis, mais l’abime est reste plus grand que jamais. Je devins par mon professorat a Moscou Г ami intime de Nicolas Rubinstein, j’avais le bonheur de voir de temps en temps Antoine, j’ai toujours continue a l’affectionner d’une maniere tres intense et de le considerer comme le plus grand des artistes et le plus noble des hommes, – mais je ne suis jamais devenu et ne deviendrai jamais son ami. Cette grande etoile fixe gravite toujours dans mon ciel – mais tout en apercevant sa lumiere, je la sens tres loin de moi.

И me serait difficile d’en expliquer la raison. Je crois cependant que mon amour propre de compositeur у est pour beaucoup. Dans ma jeunesse j’etais tres impatient de taire mon chemin, de me creer un nom, une reputation de compositeur de talent et j’esperais que R., qui deja alors avait une grande position dans le monde musical, m’aiderait dans ma course apres les lauriers. Mais j’ai la douleur de Vous confesser qu’ A. R. ne fit rien, mais rien du tout pour seconder mes plans et mes projets. Jamais, certainement, il ne m’a nui – il est trop noble et trop genereux pour mettre des batons dans les roues d’un contrere, mais jamais il ne se departit a mon egard de son ton de reserve et de bienveillante indifference. Cela m’a toujours profondement afflige. La supposition la plus vraisemblable pour expliquer cette tiedeur blessante, c’est que R. n’aime pas ma musique, que mon individualite musicale lui est antipathique. Maintenant de temps en temps je le vois, toujours avec plaisir, car cet homme extraordinaire n’a qu’a Vous tendre la main et vous adresser un sourire pour qu’on se mette a ses pieds; j’ai eu le bonheur a son jubile de passer par beaucoup de peines et de fatigues, il est pour moi toujours tres correct, tres poli, tres bienveillant, – mais nous vivons tres loin l’un de l’autre et je n’ai positivement rien a vous dire sur sa maniere de vivre, sur ses vues et ses projets, enfin rien qui fut digne de l’interet des lecteurs futurs de votre livre.

Je n’ai jamais recu de lettres de R. et je ne lui en ai ecrit que deux pour le remercier d’avoir mis sur son programme entre autres morceaux russes, quelques uns des miens, dans ces demieres annees.

Vous voyez, cher et tres respecte M. Zabel, que ma lettre n’a pour votre livre aucune signification. Mais, tout en comprenant que tout ce que je Vous ai ecrit n’a aucune valeur au point de vue biographique, j’ai tenu a remplir. Votre desir et ai dit sur R. tout ce que je pouvais dire. Si malheureusement j’ai dit trop peu, – ce n’est pas ma faute, ni celle d’Antoine, mais de la fatalite.

Um Gotteswillen argern Sie sich nicht dass ich so viel geschmiert habe. Ich muss Morgen abreisen und habe nicht mehr Zeit zum Abschreiben.

Ihr ergebenster P. T.*)

*) Клин. 24 мая 1892.

Глубокоуважаемый господин Цабель!

Получив ваше письмо, я считаю приятною обязанностью немедленно ответить вам, но, к сожалению, ужасно плохо владея немецким языком, должен продолжать по-французски. Я думаю, что вы в моих строках найдете мало интересного и важного для вашего биографического труда. Обещаю, однако, сказать вам откровенно все, что чувствую к Антону Рубинштейну и что знаю о нем.

В первый раз я услышал имя Антона Рубинштейна в 1858 году. Мне было тогда 18 лет, я только что перешел в высший класс Императорского Училища правоведения и занимался музыкой по-дилетантски. Несколько лет до этого я брал каждое воскресенье фортепианный урок у известного пианиста – Рудольфа Кюндингера. В то время, по части виртуозов не зная никого другого, я искренно верил, что лучшего нет на свете. Однажды Кюндингер явился на урок рассеянный и невнимательный к моим гаммам и экзерсисам, и когда я спросил этого милейшего человека и превосходного артиста о причине, он мне ответил, что накануне он слышал пианиста Рубинштейна, только что вернувшегося из-за границы, что этот гениальный человек произвел на него впечатление такое глубокое, что он не может прийти в себя и что все по части виртуозности на фортепиано ему кажется столь жалким, что ему так же невыносимо слушать мои гаммы, как и играть самому.