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« Tous qui êtes ici, savez-vous quelque chose ?… vu, entendu quelque chose ? »

Personne répond… il pointe du doigt Isis von Leiden.

« Nein ! »

Elle était au Tanzhalle… « et vous ? »… à nous qu'il s'adresse…

« Nein ! »

Nous aussi nous étions à la séance…

« Und der ? »

Der c'est Nicolas, il dort sur le tas de feuilles, il ne peut pas répondre…

« Später ! plus tard !… »

Ah, Kracht !… qu'il approche !… il lui donne un ordre… je comprends qu'il s'agit de cercueils… särge… Kracht y avait déjà pensé… les cercueils sont prêts… le barbu veut les voir… un mot, les voici !… trois cercueils épais… sapin rouge… y a plus qu'à mettre les trois en boîte… le barbu veut que ce soit fait tout de suite !… encore les bibelforscher !… ils sont là… le corps du cul-de-jatte entre mal… il a la tête presque dans le dos, retournée… l'effet des efforts qu'il a faits dans la cuve, ou bien les autres pour le sortir ?… là maintenant ça y est !… les couvercles !… Léonard ?… Joseph ?… Kracht me demande… je les ai pas revus ?… absolument pas !… ni l'un ni l'autre…

« Demain matin, six heures ! »

Le barbu annonce… encore l'enquête ?… non !… l'enterrement des trois !… « provisoire » !… le définitif dans deux mois, après l'autopsie ! ils ont tout ce qu'il faut à Berlin mais en ce moment tout est ailleurs, déménagé… leurs Instituts et leur Morgue… maintenant il paraît vers Brême… enfin nos trois là seront enterrés « provisoire »… nous connaissons le petit cimetière… un peu après l'école « volkschule »… un enclos tout sable, en pente, pas loin… deux… trois cents mètres… avant le bois de bouleaux…

« Entendu !… au péristyle ! »

Et je dis moi, j'ajoute…

« Cinq heures trente ! »

Comme enquête, ça a été vite… enlevé, je dirais… ce barbu doit avoir une raison… on saura peut-être plus tard… pour le moment : cinq heures trente ! je vois qu'on ne va pas dormir beaucoup… oh, il ne s'agit pas de sommeil ! La Vigue dort un peu… plutôt somnolent, absent… et là je le regarde… il recommence à loucher !… le coup que je le regarde, il crie ! il s'y met… et en allemand !…

« Leute ! leute !… ich bin der mörderer !… ich ! ich ! »

Il se frappe la poitrine ! il s'accuse !…

« Moi ! moi ! l'assassin !

— Tais-toi voyons ! con ! t'étais avec nous ! »

Tout le monde l'avait vu avec nous ! heureusement ! et entre Kracht et Isis !… ça la foutait mal tout de même !… le barbu veut savoir… je vais lui expliquer… Kracht lui explique…

« Nichts !… nichts… schauspieler ! nervös ! comédien ! hystérique !

— Il est comédien ?…

— Die Bühne ! die bühne gesehen ! »

Je veux qu'il comprenne que c'est la scène !… d'avoir vu la scène, de pas en être !… que c'était tout !… l'accès de jalousie ! le juge répond…

« Ach !… ach ! »

Les gens tous qu'allaient s'en aller reviennent… ils l'écoutent gueuler : ich ! ich ! moi… mörderer ! mais ils y croient pas, ils se moquent… ils savent… tous !… même les Russes et les ménagères… ils étaient tous au Tanzhalle !… que ce franzose est complètement louf ! « schauspieler ! verrückt » qu'il est !… « überspannt !… surexcité ! »… ils le connaissent, ils savent ! je vois un mouvement de sympathie… pas très agréable, mais un… le seul qu'on ait eu à Zornhof… l'untersuchungsrichter barbu se met un peu plus loin, dans la boue… il se planque là, nous regarde… La Vigue gueule plus, il a repris son expression « homme de nulle part »… et sa loucherie…

« Sie nehmen ihn mit ? »

Il me crie…

« Ja ! ja ! ja ! »

Je suis catégorique, certainement je le prends avec moi !

« Sie sind verantwortlich ? »

Bien sûr que je suis responsable !

« Sicher ! sicher ! »

Marie-Thérèse vient à mon aide, elle a peur que j'aie pas compris…

« Il vous a demandé si vous le prenez avec vous ?

— Oui ! oui Mademoiselle !… parfaitement d'accord !… mille grâces ! et la responsabilité ! de tout, d'abord, je suis responsable ! »

Elle va trouver le juge à travers la boue… elle lui parle… il sort un monocle de la poche de son gilet, il nous toise… je remarque, ils se parlent… ils parlent ! ils sont embourbés, tous les deux… ils se donnent le bras, ils s'extirpent… ils reviennent… ils passent tout près de nous… pas un mot !… comme si on n'existait pas… très bien !… bon ! nous n'avons plus qu'à remonter, mais là : hep ! hep !… Kracht m'arrête… pour nous : un ordre !… nous devons tout de suite déménager !… le juge d'instruction prend le salon… lui et ses quatre soldats Wehrmacht… je dois seulement passer matin, soir, pour les soins au Revizor… et lui porter sa gamelle… c'est tout !… et rester là-haut dans notre tour… attendre !… on n'était pas mal au salon… Marie-Thérèse, la si aimable, nous avait salis, gentiment, de ça qu'ils s'étaient parlé avec le barbu, pardi !… une minute, que je réfléchisse… je dis à Lili et à La Vigue :

« Vous, vous allez voir là-haut ! arrangez un peu !… je vous rejoins !… je vais faire une piqûre !… d'abord ! »

Une idée… le Revizor doit savoir qui c'est ce barbu, juge d'instruction… je frappe au salon, j'entre, y a personne… sauf le Revizor sur le flanc, sur sa civière… rien bougé… le Revizor qui me parle… il me voit… il me demande…

« Untersuchung ?… l'instruction ?

— Ja ! ja ! »

A mon tour !

« Ce gros-là ?… dieser dicke ?…

— Ja ! ja !

— Qui c'est ?

— Je l'ai connu coiffeur… coiffeur pour dames… Gegmerstrasse… avant Hitler… il a fait de l'agitation ! vous savez ?… politik !

— Nein !… nein ! »

Je veux pas qu'il m'en raconte plus, ça va !…

« Votre bras ? »

Je l'examine… et sa jambe… sûr, une fracture du péroné, tiers inférieur… je lui ferai un petit appareil avec deux attelles… il marchera… deux cannes… ça sera beau, mais mieux que rien… je lui annonce…