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« La promenade ! spazieren !

— Oh, danke !… danke ! »

Un coup ravi !… et sa lubie !…

« Die Frauen ! die Frauen ! les femmes ! »

Ça le reprend ! que les furies rappliquent !

« Nein ! nein ! kaput ! kaput ! alle kaput ! »

Je le rassure… broum ! broum !… qu'on rigole !… j'imite les bombes moi aussi !… je connais le moral, je connais ses lois ! le pire en mieux !

« Je reviendrai vous voir avant la nuit, Herr Revizor ! broum !… vous n'avez pas faim ? hunger ?

— Ja ! ja !… très !… sehr ! »

Je lui apporterai sa gamelle.. si l'autre est là, le juge d'instruction coiffeur pour dames, on verra… et ses Wehrmacht

* * *

Tout de suite descendant de notre paille je me dis : le Revizor !… lui d'abord !… pas eu de mal à me réveiller, j'attendais le jour… à vrai dire il fait encore nuit… « quatre heures » à mon chronomètre… en avance, donc !… je descends, je pousse la porte, j'entre au salon… rien !… pas de barbu, pas de factionnaires… lui là sur le flanc me parle, le Revizor… il a basculé de sa civière dans un effort pour faire pipi… il est à même le parquet… tout de suite il me renseigne…

« Ils ne sont pas venus, vous savez… ils sont partis, ils ont eu peur !…

— En auto ?

— Nein ! nein !… zu fuss ! à pied ! sofort !… immédiatement ! ein !… zwei ! »

Il rigole, il les imite, et ça lui fait mal… ein ! zwei ! le pas cadencé !… je le remonte, le rééquilibre sur sa civière… je lui demande…

« Peur de quoi ?

— Die Frauen !… les femmes ! »

Sa manie !… y a pas de femmes du tout… elles sont loin… hanté, qu'il est !… le souvenir de la ratatouille !…

« Elles sont à Hambourg à présent ! »

Qu'il se rassure !… Hambourg c'est au moins trois cents bornes…

« Ça a été tout de même cette nuit ? »

Sa jambe ?… ses côtes ?… son cerveau ?… oui, très bien !… seulement un peu mal… mais se lever ? comment ?… il veut pas se recasser quelque chose… non ! non ! je l'aiderai !… je reviendrai avec ce qu'il faut… j'apporterai ma seringue et je lui arrangerai sa fracture ! mais qu'il ne bouge pas !

« Vous me ferez mal ?

— Oh, pas du tout !… mais maintenant je vous quitte !… il faut !…

— Vous allez à l'enterrement ?

— Je crois… je crois… »

Sur ce je l'embrasse et je sors… déjà ils sont rassemblés !… au moins cinquante… les Bibelforscher avec pioches, pelles… un rien, au moins une heure d'avance !… nous aussi, nous trois et Kracht… avec ses torch !… je comprends que tout est prêt au cimetière, qu'ils ont creusé toute la nuit, qu'on n'a pas des forçats fainéants… que ce soit pour abattre des arbres, monter un théâtre, préparer le cimetière, ils sont là, acharnés, capables, et pas un mot !… combien ils sont ?… je peux pas savoir, je vois les cercueils, les trois… rabotés, cloués… prêts au départ, si j'ose dire… côte à côte… les noms sur chaque… les noms non ! les initiales… en rouge… deux grands LS… sans doute le Landrat, Simmer… un autre L… von Leiden ?… le cul-de-jatte… enfin un grand R… le troisième cercueil… le

Rittmeister… qu'on les reconnaisse… maintenant voilà : rassemblement ! par trois comme dans l'armée allemande… mais eux pelles, pioches, sur l'épaule… d'autres escouades pour les cercueils… quatre bibel sous chaque… peu à peu, au jour, je vois qu'ils se sont mis tout ce qu'il y a de propre, leurs bourgerons n° 1, cerclés violet, jaune, et rouge… sabots récurés, rabotés, à vif, à sec !… où ont-ils trouvé le temps de tant de soins ?… je regarde nous trois… et même Kracht !… question tenue : affreux !… eux pourtant pas à la noce !… après toute une nuit de terrassement !… question travail, c'est dur à dire, il faut opter, c'est bibelforscher ou jean-foutre !… alors attention ! on y va !… départ ! les trois cercueils l'un derrière l'autre… et puis les bibel et leurs pioches… et puis La Vigue, Lili, moi… et puis Kracht avec ses « torch » et son revolver à la main… il se méfie, il a raison… tous ces forçats à pelles et pioches pourraient bien se sauver… ils sont religieux, entendu, mais la frayeur ? ils peuvent être pris… panique… surtout survolés comme nous sommes !… qu'un « Marauder » se détache, pique, arrose la cérémonie, tout s'égaille !… malin qui en rattrapera un !… à la route nous prenons du monde… des prisonniers, des travailleurs… et encore d'autres que je connais pas… on va être la foule au cimetière !… on dépasse l'église… au moment j'entends un tambour, de derrière un buisson… tout le monde tourne la tête… des mois qu'on l'entendait plus… Hjalmar revenu ?… et puis un chant, un cantique… enfin un genre… le pasteur serait revenu aussi ?… forcément les gens vont voir… pas à croire, mais oui ! Hjalmar et le pasteur Rieder… bien eux !… l'un au tambour, l'autre à chanter… où ils ont pu être si longtemps ?… les gens leur demandent, Kracht aussi… ils répondent pas… c'est bien eux pourtant !… le pasteur ne chante plus juste… non… Hjalmar a crêpé son tambour… trois épaisseurs !… où il a pu trouver les crêpes ?… son roulement fait mat… très mat… forcément… drrr !… drrr !… le deuil… maintenant on les voit au grand jour… le pasteur a mis sa fraise… son grand col à fraise… sa robe noire est presque verte, il a bien plu dessus… lui Hjalmar fait guenilleux, mais pas plus qu'avant… peut-être un peu plus… son pantalon au-dessus des genoux, vieux boyscout… ses tatanes dépareillées, l'une demi-botte, l'autre escarpin… oh, mais le baudrier rachète tout !… astiqué, luisant… ils sont bien rasés, bien mieux que nous !… où ils pouvaient vivre ?… ça faisait bien deux mois qu'ils avaient pris la clé des champs… pas engraissés non, mais pas si maigres, ils avaient vécu… ce que tout le monde voulait savoir : comment ? ils disaient pas !… zéro !… le pasteur chantait, l'autre son drrr… drrr… c'est tout !… ils s'étaient mis dans le cortège juste après les bibel à pioches… le pasteur en plus de chanter portait un énorme livre sous le bras… sûrement la Bible… les ménagères faisaient leurs remarques… qu'ils étaient aussi dingues l'un que l'autre, mais que le pasteur lui en plus était responsable des ruches… et qu'il avait tout déserté oui ! abandonné ! que les abeilles étaient parties !… fameux trouillard et saboteur ce pasteur Rieder !… il pouvait y aller à chanter !… elles y faisaient entendre, elles aussi, ce qu'elles pensaient !… « honig !… honig ! miel ! »… et qu'on aurait dû l'arrêter !… lui et son complice !… les pendre tout de suite !… tous les deux !… honig ! honig !… pas besoin de cercueils !… « au trou !… au trou ! » tout de suite puisque c'était le moment !… honig ! honig ! mais ça les troublait pas du tout, le pasteur et l'autre… très tranquilles… un au tambour, l'autre aux psaumes, ils suivent les cercueils… on aurait dit des gens d'ailleurs, un peu comme La Vigue… ah, voilà ça y est !… on y est !… nous y sommes !… le cimetière… une haie… et de l'autre côté un versant de sable… et des dalles… des petites… des hautes… des noms… allemands… rien qu'allemands !… pas de français comme à Felixruhe… je vois la fosse… quelque chose !… profondeur, largeur… de quoi en mettre vingt… et plus !… les bibel ont pas roupillé !… hop là ! nos cercueils descendent !… pas cinq minutes tout est recouvert !… vous dire les terrassiers que ce sont !… c'est à regarder… le pasteur chante plus il a ouvert son énorme livre, Hjalmar lui tient, lui fait pupitre… le pasteur lit… il récite… les bibel restent pas se les tourner, actifs toujours, ils tapotent le tertre, le sable, fignolent… posent les dalles… tout le monde est autour… les ménagères répètent… répètent… et fort !… « cochons ! honig ! saboteurs !… lâches !… » c'est pour Rieder… pour l'autre aussi, le pupitre… et que ça ne les gêne pas !… la cérémonie est finie… les bibel raplatissent les mottes… des nuées de piafs rappliquent et des mésanges… tout ça après la terre remuée… les vermillons… qu'il faut être oiseau pour voir ces petits vers… tout le ciel vous diriez volette !… la fête !… des rouges-gorges aussi !… et des corbeaux et des mouettes !… Lili et le sergent manchot font ptaff !… que les corbeaux se sauvent ! le pasteur a fini enfin de réciter !… il referme son gros livre… les ménagères l'engueulent toujours : « cochon ! voleur !… trouille !… » drr… drr !… derr ! Hjalmar se remet à son tambour, et ils s'en vont… ils montent vers le bois de bouleaux en haut du cimetière, personne va courir après ! nous on pouvait se demander… Kracht trouve que c'est pas la peine… « kein sinn ! aucun sens ! » je ne veux pas être plus curieux que lui… ça crie encore « honig ! honig ! » les villageoises… que les ruches sont vides… que le pasteur et l'autre chienlit ont tout emporté ! trouillards que nous sommes aussi !… et que nous sommes complices !… tout le miel de Zornhof !