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« Vous mes amis restez tranquilles !… je vais voir à l'isba et je reviens ! »

Non !… ils veulent venir avec moi… parfait !… je préfère… mais vite !… il faut convenir, du moment où vous vous déshabillez plus tout va très vite… quel temps gagné !… regardez les pompiers, les sinistres… ils réfléchissent pas, ils sautent !… une minute ! attelés, et dehors !… la vraie cadence du genre humain… pas le temps de réfléchir… attelés et dehors ! nous dégringolons… le péristyle… nous y sommes !… je regarde l'heure à ma montre… bien !… Kracht nous voit… il revient de l'isba…

« Docteur, vous y allez ?… elles sont impossibles ! tout le village leur apporte des meubles… vous verrez !… les bibel leur construisent un poêle ! oui !… vous verrez !… en briques !… elles sont impossibles ! »

On a affaire à forte partie, je m'en doutais… hâtons-nous !… déjà un joli tapis de neige… fin octobre… nous ne sommes pas seuls !… tout le hameau trimbale des meubles, des chaises, des coussins… pour les prisonnières ! nous nous avions vu le village vide !… où ils se cachaient ?… ils voulaient pas nous voir nous, c'est tout !… maintenant si ça fonce à l'isba !… de quel entrain ! que ça barde ! quels déménageurs ! et plein de mômes avec, pieds nus… qui apportaient aussi des trucs, casseroles, cuvettes… ces dames s'installaient… surtout des mômes russes je crois… qui nous connaissent… qui nous tirent la langue et nous appellent de tous les noms.. sûrement des gros mots… et que ça rigole !… filles et garçons… chacun à présent porte une brique… et chacune… ils tombent les uns sur les autres… les briques avec !… et que ça se ramasse !… hop ! et se bat, s'empoigne ! boum !… braoum ! même les tout-petits font broum !… imitent ! font les bombes comme sur Berlin ! là-bas ! et zzzz ! comme les avions !… aussi, ils savent !… braoum ! et zzzz !… que tout culbute ! mômes et les briques !… zzz ! et en avant !… le plus fou rire, la bombe ?… la brique ?… l'âge où tout est drôle !… aucune importance… qu'une autre culbute ! et ptaf ! la gifle !… et zzz là-haut ! l'avion qu'arrête pas !… la brique qui bascule.. trop lourde !… on y va tous !… l'extirpe… du trou de neige… jamais tant ri !… ptaf ! une autre beigne !… voici l'isba !… ah, je vois au premier coup d'œil, tout le village y est… toutes les ménagères… et les oies… et les canards… je vois l'intérieur, le fameux poêle, en briques… modèle d'Ukraine, énorme… avec la cheminée à travers le chaume… ils sont au moins dix bibel plus les mômes… ça va ! ça ira ! ça se bâtit ! que ce soir, ça sera prêt ! dix bibel maçons, et qui s'amusent pas, les mômes escaladent, passent les briques… dégringolent… hurlent !… s'esclaffent !… et tout recommence !… tout s'arrange ! toute la diablerie ! avec éclatement des vraies bombes… braoum ! au loin… et imitations !… broum ! là tout près !… en même temps le mobilier arrive… tout l'hameau à transbahuter… dans le froid et la neige… que ces dames manquent de rien ! affreux, ces dames en isba !… bien victimes des brutes !… si tout le village est ému !… et les Russes et les Polonais et les ménagères et les prisonniers… tous !… question du cul-de-jatte et de Simmer et du Commandant héroïque on en parlait plus, inventions vous auriez pu croire… estourbis qu'ils avaient été ?… garrottés ?… vraiment ?… broyés papillotes ?… taratata ! mais Mme von Leiden, chassée de chez elle, traitée comme une fille, et nous là, trois rebuts de franzosen, derniers des derniers, nous nous moquions ?… Zornhof connaissait des épreuves, terribles, au moins une veuve par chaumière, mais nous trois là, notre arrogance, dépassions tout !… en somme nous aussi au purin ! vite !… c'était dans l'air… ça se préparait… les mômes avaient les pieds gelés… brasero tout de suite !… rigolade encore !… brasero de fortune… branches amoncelées sur piquets de mine… et au feu !… Kracht veut pas, crie… verboten ! verboten ! les mômes s'en foutent ! « ta gueule ! maul zu ! » je crois qu'il aurait bien tiré, mais là dans l'état de la colère, on y coupait pas ils enlevaient le manoir et la ferme, je veux dire les mômes et les mères et les prisonniers… et nous y passions ! nous les monstres !… Kracht avait plus la loi, même ils attendaient qu'il tire… je lui dis « Kracht pas la peine ! » c'est vrai y avait qu'à regarder… tout le hameau entrait sortait, apportait encore d'autres coussins, d'autres petits meubles… « pour ces pauvres dames… » mieux qu'on revienne plus tard quand ils auraient fini le grand poêle… Kracht est d'avis, nous reprenons le même sentier… neige partout… nous nous faisons huer par les mômes… « heil ! heil ! mörderer ! » heil ! heil ! assassins !… tout simplement !… rien à répondre, l'opinion est contre nous !… enfin, ils ne nous ont pas massacrés !… ils auraient pu !… ce que je l'ai répété depuis 39, ce « ils auraient pu ! »… mille occasions ! rengaine !… Herold Paqui allant au poteau, pleurait, dépité… « ils ont pas fusillé Céline !… » il serait mort content… Cousteau de même, cancéreux insatisfait… ce brave Cousteau !… qu'avait fait tout ce qu'il avait pu pour qu'on m'écartèle… oh, mille autres, certes !

Là, il s'agissait, plus sérieux, que nos dames « surveillées » ne se sauvent pas !… et que personne nous suive… nous allons donc très prudemment, fourré par fourré… la neige tombe… nous voici au péristyle… deux femmes sont là, très emmitouflées… pas des paysannes… pour nous !… pour nous, je crois… nous approchons… oui ! Marie-Thérèse l'héritière et la comtesse Tulff-Tcheppe… debout dans la neige… que nous veulent ces dames ? elles s'adressent d'abord à Kracht… ce qu'elles veulent ?… savoir si on les arrête, si elles vont aussi à l'isba ?… il fait presque jour à présent… elles ont pas bonne mine, leurs nez coulent… elles nous attendent depuis longtemps ?… je les avais jamais vues ensemble, je crois même qu'elles ne se voyaient pas… l'une chez sa fille, à la ferme, l'autre dans sa tour… maintenant amies, bras dessus bras dessous… elles grelottent… le froid et la peur… la comtesse Tulff-Tcheppe m'explique… elles veulent plus retourner à la ferme… pourquoi ?… Nicolas là-bas !… le géant russe !… et Léonard et Joseph !… et tous les autres… ils remettront le feu !…

« Le feu ? le feu ? »

Je rectifie…

« C'est Isis von Leiden qui mettait le feu !… et elle est enfermée Isis !… vous voulez la voir ? »

Je propose…

« Oh, non !… oh que non ! »

Elles ont encore plus peur d'Isis que du géant Nicolas… « alors ? alors ?… » Kracht demande… elles vont demeurer là-haut ?… ensemble chez Marie-Thérèse ?… et puis ?… le soir elles descendront dans l'ancien bureau du frère… elles auront moins peur d'Isis…

Ça sera aussi une compagnie pour notre Revizor !… à propos que je le présente !

Elles me suivent…

« Mme la comtesse Tulff-Tcheppe ! Mlle Marie-Thérèse von Leiden ! »

Lui là qui gît est bien content… il voudrait se lever, saluer… il ne peut pas… il voudrait accueillir les dames… il fait un geste, un bras… pas plus ! mais les honneurs !… il se croit chez lui…

« Ici vous voyez, Mesdames, deux divans ! vous pardonnerez ce grand désordre ! là, un fauteuil !… et là-bas, je crois, un piano !… au fond, les fenêtres ! Kracht l'S.S., vous le connaissez, défend qu'on ouvre les persiennes ! son idée !… hi ! hi ! »