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Il rit, mais ça lui fait mal… il se crispe..

« Oh ! oh !

— Monsieur le Revizor nous voyons ! ne bougez pas !… ne bougez pas ! »

Il insiste…

« Vous verriez la mare ! juste sous le balcon, votre frère est mort ici, là, à côté de moi… le Landrat est mort dans cette mare… votre neveu Madame me dit-on est mort dans la fosse… vous savez n'est-ce pas dans la fosse ? »

Le souci de précision… même très abîmé comme il est, souffrant au possible, il ne veut pas d'erreur, que ces dames aillent croire n'importe quoi !… Kracht écoute, ne dit rien… Le Vigan se tortille, lui ce qu'il voudrait, qu'on retourne à l'isba… sa lubie… « tout à l'heure ! » je devais y aller encore trois fois… Kracht la nuit… moi, pour la santé, le jour… sûrement on allait être reçus !… je demande à ces dames si elles veulent faire un petit tour ? non ! elles remonteront pas non plus chez elles… elles s'installeront au salon, tout de suite… le Revizor n'est pas gênant, sitôt qu'il essaye de remuer, il geint… et il geint encore bien plus quand nous devons le tenir sur le vase… c'est le moment, avant que nous sortions… nous le soulevons, le maintenons, il se plaint, mais pas trop, il est brave… il nous remercie affectueusement, ça va jusqu'à la prochaine fois… sa fracture est pas à être fier… je veux dire la consolidation, l'œdème est assez résorbé, mais le cal me fait honte… qu'il reste allongé, sapristi !… avisons qu'il ne gêne pas ces dames !… ces dames ne s'occupent pas de nous, elles en ont après les persiennes, tout au fond, elles essayent de les ouvrir… défendu !… mais elles s'en moquent !… y voir, qu'elles veulent !… très bien !… parfait !… elles s'arrangeront des divans… nous y avons couché… on séparera le salon en deux… en trois… elles seront mieux que nous dans notre grosse paille… le Revizor gémit assez fort, mais quand il a eu sa piqûre, ça va… maintenant il leur faut des matelas… pas se demander d'où, de chez les Kretzer, l'étage au-dessus… on fera ça en revenant de l'isba !… maintenant mon tour, la visite ! je tiens que La Vigue vienne… je veux pas qu'il reste avec les femmes et le Revizor, il bafouillerait… je lui dis « arrive La Vigue ! »… je commande, j'ai pas très envie d'aller voir Isis, mais enfin, il faut… nous voilà dehors… vous connaissez… le sentier… le dernier buisson avant l'isba… je fais à La Vigue : attention ! très peu de gens autour, seulement les bibel de garde, ce qu'était entendu… ils allaient venaient, la garde à eux, pas en fusils, en pelles et pioches… je leur crie…

« Rien de nouveau ?… nichts neues ?

— Nein ! nein ! niemand weg ! personne parti ! tout en ordre ! »

Ils me connaissent bien… j'en demande pas plus… je suis rassuré, mais pas tant… l'Isis est capable de tout… je reviendrai, mon autre ronde, dans deux heures… ah, encore !… j'oubliais !… « niemand krank ? personne malade ? nein !… nein !… » alors ça va !… demi-tour !… au manoir ! le péristyle !… le salon… ça va pas mal… ces dames se sont installées… pas en galetas, des vraies chambres !… débrouillardes !… je connaissais pas les paravents… elles ont déniché ces belles choses ! de très belles feuilles, hautes, brodées… ce manoir von Leiden avait eu du style… pas que le parc… un tout petit Versailles…

« Ce n'est pas tout !… maintenant aux gamelles ! »

Mais non !… que non ! Lili ne veut pas !… le village est tout prêt à nous faire un sort, tous les deux nous et nos gamelles ! ils n'attendaient que ça ! y a du vrai… en plus le ciel est de pire en pire… « forteresses » sur « forteresses ! »… exact !… j'écoute… et pas besoin de toucher les murs… ils vibrent, on les voit vibrer… et le parquet… braoum !… pas que des explosions, du vrombissement après chaque bombe… rrrrrrr… l'engin qui crève !… se répand partout, s'étale… loin… loin… là-bas… et puis plus près… Lili a raison… et nos gamelles ?… pas qu'on ait très faim, mais plus tard ?… et puis nous sommes six, sept avec Bébert… bien sûr y a la réserve, l'armoire, toujours l'armoire !… mais devant les rombières ?… sûrement elles sont au courant, mais elles me gênent… nous comparant à l'isba, je crois qu'eux sont gâtés, je suis sûr qu'on leur porte… si nous on nous envoie quelque chose ça sera Isis, avec ce qu'il faut, essence… allumettes… et que cette fois-ci ça sera sérieux ! que tout prendra !… certain ! l'est-ce rigolo !… si on rit encore !… le Revizor est installé lui aussi !… on lui a mis des paravents… trois !… et il se plaint… je l'entends, j'y vais… sa jambe lui fait mal.. pas que ça, il a faim !… il me demande… il voudrait un peu de pain noir… une envie !… zut ! je préviens Lili… je préviens les blèches… elles savent bien sûr que j'ai déjà tapé dans l'armoire, que j'ai régalé tout Zornhof… et Léonard et Joseph… et les gitans… et la cuisine Bibelforscher… alors là pour le Revizor, blessé comme il est qui peut passer d'un moment l'autre… il serait inhumain que j'hésite…

« Natürlich ! naturellement ! »

Elles m'approuvent… que si Harras revient jamais, il comprendra…

« Bien sûr… bien sûr !… »

Hardi !… zut ! s'il en reste !… j'ai déjà tellement prélevé !… il faut aussi que ces dames mangent… et peut-être nous trois un petit peu… et notre Bébert… pas que le Revizor ! «  Charité bien ordonnée… » sûr aux Bibel on se débrouillerait… ils nous refuseraient pas, mais l'aller retour ? bien périlleuse expédition, vue l'effervescence… non !… on se nourrirait de certaines conserves, y en avait au moins dix douze boîtes, je les avais palpées, sous les cigarettes, tout au fond… mais ces dames en voulaient pas ! pas d'haricots !… des sardines oui ! très bien !…

« Je chercherai ! »

Je suis sûr qu'à l'isba y avait des sardines… ils avaient de tout… on leur apportait ! pourquoi ?… comment ?… alors, un échange ?… on verrait, peut-être ?… maintenant, le pain !… certes on pouvait se passer de pain… c'était mieux avec. le Revizor tenait à son pain noir…

« Les gonzesses, Ferdine ! »

J'oubliais !… les dactylos sûrement en ont !… les filles furieuses du « troisième » que si Kracht avait pas tiré, Isis piquait une de ces têtes !… pas qu'elle ! la Kretzer avec !…

Qu'elles aillent aussi nous basculer… possible ! cependant nous mettons pas le feu !… on voulait juste un bout de pain, et pour un malade.. certes y avait du risque… elles pouvaient être encore en nerfs..

« Allons-y ! »

Je vous ai raconté, les portes de leurs chambres donnaient toutes sur le même balcon au-dessus du grand escalier… je leur proposerai de leur rendre ce pain !… nous montons donc… chaque porte toc ! toc ! was ? quoi ?… pas aimables !… je gueule fort… plus fort ! « un peu de pain pour le Revizor ! »… les lourdes s'entrouvrent… ah, une demi-boule !… une entière ! et encore une !… on a assez… « danke ! danke ! merci ! »… on redescend… nous revoici au salon… le Revizor me demande…

« Elles ne vous ont pas parlé des registres ? de mes comptes ?

— Si !… si ! ils sont prêts !

— Ah ! ah ! »

Je vois qu'il faudrait d'abord qu'il pisse… ces dames pourraient un peu nous aider… elles veulent bien… on s'y met tous… la manœuvre très délicate, il souffre… là, ça y est !… il fait… il n'a pas de fièvre, mais sa fracture… ses fractures… elles ne sont pas belles… tout sera à refaire !… plus tard… plus tard… maintenant c'est qu'il mange… il avait faim tout à l'heure… le pain noir tout sec ? avec quelque chose !… je crois qu'il aimera les rillettes… mais d'où les rillettes ?… j'ose pas dire, je sais !