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« Harras, les heures ?… ils m'en ont parlé à Berlin… le fils Leiden mort à “vingt-deux heures” ? le cul-de-jatte ? stupide ! Isis alors héritière ?… non ! incorrect ! impossible !… Marie-Thérèse héritière !… il faut !… elle reste là ! le Rittmeister est mort premier !… Isis s'en va loin !… le Rittmeister “vingt heures” mettons !… n'est-ce pas ?… il faut ! »

Oh, nous sommes d'accord !… je vois surtout qu'il faut faire vite !… Harras remarque…

« Les heures sont du juge d'instruction n'est-ce pas ?… son enquête ?

— Le niais !… le niais !… qu'en savait-il ?… il n'était pas là… ! témoins ?… aucun !… vous étiez tous au Tanzhalle ! le fait, n'est-ce pas ? le Rittmeister est mort premier !… il faut !… vous savez Harras, le temps !… le moment ! »

Des agonies bien emmêlées !… mais la Chancellerie de Berlin qui avait tant de soucis d'ailleurs trouvait tout de même le moyen s'occuper de pareils chichis ! et douteux « constats » !… et de faire venir un général tout exprès…

L'illustre confrère hésite… il peut faire ce qu'il veut, certainement !… Harras me l'a dit… annuler les heures…

« Non !… je préfère !… vous êtes bien d'avis ?… ce sera mieux !… »

Il biffe les heures au crayon vert… chaque heure des décès… et il écrit au crayon rouge de sa propre main, par-dessus… unbestimmt !… incertain !

« Cela leur fera des procès, de quoi s'occuper !… elles s'amuseront !… après la guerre ! dix ans !… n'est-ce pas Harras ? voulez-vous signer, cher ami ? »

Harras signe…

« Vous aussi voulez-vous confrère ? »

Mon tour…

« Et puis Kracht ! »

Il signe…

« Maintenant un peu, mes pleins pouvoirs ! »

Il sort un gros tampon de sa poche… d'incroyable grosseur !… il a du mal.. une paume de main…

« Voilà confrère !… regardez ! jamais vous ne pourrez lire tout !

— Je vais essayer ! »

Vraiment important, en effet !

Tout le monde rit ! notre Göring s'en amuse !… je déchiffre…

« Quelqu'un, n'est-ce pas ? »

Je lis tout haut…

« Der Reichsbevollmächtigter ! »

Et je traduis… j'écourte :

« Le plénipotentiaire du Reich ! »

J'admire… il m'interrompt… il se frappe la poitrine…

« C'est moi !… c'est moi !… paranoïaque n'est-ce pas ?… évident ? n'est-ce pas ?

— Oh, mon général !

— Si ! si !… n'ayez pas peur ! mais je vais leur rendre !… je ne l'ai que pour ici ! pour mission.. pour cette affaire ! là-bas les pouvoirs ! tous les pouvoirs !… là-bas, il faut ! il faut !… n'est-ce pas ? la Chancellerie : tous paranoïaques !… c'est la guerre !… il faut !

« A présent confrère, je tamponne ! »

De l'autre poche !… avec encore bien du mal… la boîte !… la boîte à encre… et ptaff ! ptaff !… deux fois sous chaque signature !…

Harras me parle…

« Dites confrère !… pour votre voyage à Rostock ? c'est le moment ! »

Certes, j'y pensais, mais je n'osais pas… lui ose ! même il explique… « nous voulons aller à la mer !… voir la plage… Warnemünde… Lili et moi… trois jours !… vacances !… quatre jours !. touristes !… »

La Vigue reste ici… lui ira plus tard…

« Mais certainement !… bien volontiers !… pourquoi aurais-je les pleins pouvoirs ? voyons !… voyons !… »

Il prend une grande feuille… blanche… il la tamponne à trois endroits… et il signe…

« Vous, vous la remplirez Harras ! »

On ne peut pas être plus gracieux…

« Maintenant mes amis, au départ ! »

Toujours la hâte !… c'est vrai, c'est le moment !… il fait jour, enfin presque… nous sortons tous… il ne reste plus au salon que Marie-Thérèse et le Revizor… imbibés ! alcool et morphine !… sûrement ils n'ont rien entendu.. abrutis… ils ont tout de même vomi un peu… nous ne porterons pas la comtesse… Kracht me fait signe : les bibel sont là, six !… ils l'emporteront sur son divan… telle quelle !… alors à l'isba !… enfin au chariot !… il est chaud le chariot, bourré de paille… attelé… à huit vaches… pas des bêtes grasses, mais pas très maigres… le chariot est chargé, ils y ont mis de tout… je vois… balles de foin, sacs de pain, sacs de riz, caisses de conserves, boîtes, bouteilles… elles auront de quoi jusqu'à Stettin… puisque Stettin…

« Ils ne seront pas mal… »

Göring regarde…

« Par où ? »

Je demande à Harras…

« Je vous ai dit, Stettin d'abord !… la Kommandantur est prévenue… là, on leur donnera un traîneau… pas loin Stettin !… trois jours… quatre jours… très doucement… on leur donnera une autre escorte, d'autres S.A… et puis Est et Nord… Dantzig… Königsberg… vers Memel.. là la comtesse sera chez elle !… toutes ses forêts.. sa fille avec et la petite Cillie… la Kommandantur de Stettin leur prendra leurs vaches… leur donnera des chevaux… des petits chevaux tartares… exprès pour les neiges… tout cela n'est-ce pas dépend du froid ! »

Je pense bien !… nous sommes fin octobre… le principal qu'elles partent tout de suite !… le Général et Harras vont voir… ils n'ont pas le temps… les voici !… ils étaient prêts… d'abord les Kretzer en larmes… ils n'ont pas dû dormir beaucoup… ils se donnent le bras… elle tient ses deux tuniques contre elle… ils titubent vers le chariot…

« Ils sont ronds, dis ?

— Non ! non ! c'est le chagrin !… »

Je sens La Vigue tout prêt à les provoquer… je le calme…

« Bien !… bien ! »

Du coup il chante… plutôt il fredonne… les Kretzer s'assoient sur les sacs… elle sanglote toujours… les bibel amènent la comtesse, sur son divan, emmitouflée dans les couvertures, ils la déposent là telle quelle sur le fourrage… très doucement…

« Vous savez confrère, j'ai des souvenirs de jeunesse !… l'embarquement pour Cythère !… »

Cet embarquement le rend pensif… il regarde… je veux dire notre médecin général…

« Vous savez confrère j'ai dansé souvent par ici !… le vieux comte von Leiden, pas le Rittmeister, son père, Hugo, donnait de très grands bals… j'étais alors lieutenant-médecin à Moorsburg, aux Grenadiers-Gardes… j'ai dansé souvent avec la petite Tulff-Tcheppe… Dieu, comme nous sommes devenus pas beaux !… moi mon tampon, elle ses forêts !… son monument ! vous savez aussi grand que triste ! son château !… vous verrez ! Bastille teutonique ! deux guerres !… presque trois !… à rire !… à rire ! »

La première fois que je le vois rire… pas un ooah ! comme Harras… mais rire tout de même…

« Oh, ce château mes amis ! de quoi loger tout Königsberg !… et tous les ours, et leurs familles !… et les Russes !… le comte s'y ennuyait déjà, il chassait toute la journée… elle maintenant seule ?… je comprends qu'elle emmène tout ce qu'elle trouve !… elle vous a parlé de Paris ?