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« Vous savez Confrère, tout ça est mensonges !… que mensonges !… rien de vrai ! »

Il réfléchit…

« Une chose, je pense… une seule chose sérieuse ! on nous a enlevé trois femmes, là-bas à Grünwald, la semaine dernière… parties je ne sais où !… polonaises aussi… »

Je le laisse réfléchir…

« Si !… si ! je sais !… blanchisseuses ! ils les ont prises pour le front de l'Est !… je sais !… »

Il est content !… maintenant à celles-ci !…

« Nun !… ernst ! sérieux maintenant !… waschen ? wollen sie waschen ?… voulez-vous laver ?…

— Ja !… ja !… ja !…  »

Tout ce qu'on veut !… là ça se décide, il les emmène…

« Komm !… voulez-vous Confrère, nous les prendrons avec nous… mais que je les fouille d'abord !… rien à les croire !… »

Elles se relèvent d'à genoux, plus en larmes… il les palpe… leurs loques… les plis… et puis les cheveux… les entre-jambes… elles veulent bien… elles veulent bien tout… il ne trouve rien… sauf des poux… il me montre…

« Elles n'en auront plus là-bas ! »

Il s'adresse à elles maintenant, qu'elles disent que vraiment elles veulent ?… ah, et comment !

« Ja !… ja !… ja !…  »

Dans le bonheur !… autres larmes ! heureuses ! heureuses !…

Allez ouste !… tout le monde en voiture !… Lili, moi, La Vigue, Bébert, et nos deux fillettes blanchisseuses… qu'elles ont de beaux cheveux, je remarque… ourlés, blondeur de blé… à présent on peut voir leurs yeux, grands, bleus d'une certaine pâleur… slave, nous dirons… le charme slave… le charme slave, le charme couperet que tous les bourgeois se jettent dessous, têtes premières, les prolos avec !… enfin d'accord !… titubants comme saouls ! oh pas le cas d'Harras ! s'il les voyait futées salopes, nos deux trouvailles, bien prêtes à tout !… pas d'illusions !… zéro pour le charme slave ! mais un fait exact, Grünwald manquait de blanchisseuses, alors ces garces-ci ou d'autres !

« Surveillez-les n'est-ce pas, surtout ! qu'elles fassent pas de gestes aux carreaux ! tenez-les entre vous ! »

La Vigue ne demandait pas mieux… ils se faisaient déjà des sourires… plus du tout de larmes ni de sommations qu'on les tue… Harras regarde encore la route… rien !… et le hameau… plus personne !… il rempoigne son gros Mauser et ptaf ! tout un chargeur ! en l'air !… et d'un autre !… dans la direction de l'église !… que personne vienne voir comme on part… là, voilà, il prend le volant… en route !… peut-être deux cents mètres, il freine… il descend… cette fois de sous son siège il sort une belle mitraillette… et accessoires, pivot, pied, cartouches… il se plante au milieu de la route, et il tire… vrrrrrai ! une fois… deux fois… sur Felixruhe…

« Vous savez Confrère, ces gens-là ont l'air d'avoir peur… ils n'ont pas !… si vous oubliez de tirer… eux, tirent !… ils n'ont pas l'air d'avoir d'armes… ils ont !… »

Maintenant ça pouvait aller… il remonte au volant et on fonce ! pas le modèle « faiblard gazogène » sa Mercédès, la vraie à essence… dans la voiture personne dit rien… La Vigue, pourtant si galant, est repris par ses réflexions… il songe… l'idée qu'on rentre à Grünwald ?… pourtant je lui avais rien dit de ce qui se préparait… moi, je pouvais être un peu songeur, j'avais des raisons… il verrait !… pas beaucoup à regarder dehors… le paysage… des gens à biner, pieds nus, des femmes surtout, des Polonaises, des Russes… la terre du Brandebourg, grise et beige… une terre à sillons de patates… au bout, une espèce de grandeur, entre ciel et terre… une immensité à eux… nos immensités à nous, ne sont pas sinistres, les leurs, si… pas à ça que pensait Le Vigan… peut-être ?… en tout cas qu'est-ce qu'on prenait !… la route, elle, était pas songeuse !… rempierrée on dirait exprès, qu'on cahote fort ! casse ! beng !… boum !… assis ! un autre trou !… prang ! nos têtes dans le plafond ! et re-prang !… les petites blanchisseuses s'amusaient !… vite fait la jeunesse, tourne tout éclats de rire !… à chaque ramponneau !

« Vous avez déjà été ? »

Je demandai en « petit allemand ».

« Nein ! nein ! »

Pas des mômes blasées…

« Vous avez été à Berlin ?

— Nein ! nein ! »

Heureusement Harras avait des forts bras, pour tenir la route, il fallait… de plus en plus de fondrières !… de ces embardées, d'une à l'autre ! il la fait voler, cette énorme ! plein gaz par-dessus les crevasses ! moins vite, à l'aller !… le retour, on peut dire, on chargeait ! il chantonne…

Vater ! ô Vater !
Ô père ! ô père !

Le roi des Aulnes !

« Il faut cher Céline ! il faut !… je ne m'amuse pas ! »

Amuse, pas amuse, on va aller s'emboutir !… retourner les sillons !… mais ça s'approche !… une longue descente… plus de champs… des ruines… droite et gauche… et des pavés… je reconnais… Grünwald… le genre des villas éventrées, les balcons pendants… ça y est ! c'est nous ! Reichsgesundt… maintenant il s'agit pas de distractions !… que nos demoiselles nous jouent l'air !… Harras est gros, lourd, mais rapide… il saute de son siège… un autre bond !… il ouvre la portière…

« Restez là tous ! attendez ! »

Il donne l'ordre au lieutenant Otto d'aller lui chercher quelqu'un… Frau ?… un nom que je ne connais pas… elle arrive… cette frau… je l'avais jamais vue, grisonnante, assez ronde, en uniforme bleu… une figure pas du tout à rire… je comprends à ce qu'ils se disent qu'elle commande quelque chose… Harras lui présente nos demoiselles… ah, à peine nos demoiselles la voient, elles se jettent à genoux, encore à genoux ! et elles l'implorent… même scène qu'on a eue là-haut à Felixruhe… mais cette femme en bleu, peut-être la lavandière en chef, leur parle leur langue, tout de suite, polonais… elles lui répondent dans les sanglots, finis les fous rires !… et toujours à genoux… et par là ! et par là !… elles font le geste vers la voiture qu'elles ont quelque chose par là ! par là !… qu'elles veulent bien lui montrer à elle… non ! non !… quelque chose en arrière ! plus encore !… encore !… dans le coffre ?… quoi ?… elles avaient rien !… on les a pas vues mettre dans le coffre… on y va tous… toute la garde et le lieutenant Otto et tous les Volksturm et la frau X, et nous… que nos demoiselles profitent pas pour se sauver ! c'est un fourbi d'ouvrir ce coffre !… d'abord six boulons… et puis trois pneus… on désosse tout… qu'est-ce qu'elles peuvent avoir camouflé ?… dans le fond du coffre ?… ah, ça y est ! un paquet ! un gros ! des loques !… et dedans un môme emmitouflé !… et qui roupille !… un garçon !… elles l'avaient mis sans qu'on les voie… qu'est-ce qu'il avait pris !… il se plaint pas… il est enveloppé, ficelé dans plein de morceaux de linges… il se met à rire de nous voir…

« Quel âge a-t-il ? »

Les demoiselles savent pas… moi je crois trois ans… trois ans et demi…

« A qui est-il ?

— C'est mon frère ! »

Harras coupe court…

« Elles mentent ! toujours ! toutes !… pour tout, Confrère !… tout le temps !