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Ils sont certains…

« Mais si !… mais si !…

— Pas commode !

— Mais si !… mais si !… très commode !… on va vous dire ce qu'est délicat… très !… »

Et là alors ils m'en apprennent !… et ils en demandent… oh Léonard je me doutais… Joseph encore vous pouviez le voir, le regarder de biais, mais tout de même… tandis que Léonard lui, vous tournait toujours le dos… il fixait le fond de l'étable… le noir… vous pensez dans leur condition de prisonniers-travailleurs, et sûrement « résistants » de l'endroit, ils étaient pas aux confidences !… surtout avec nous !… alors qu'est-ce qu'ils voulaient nous dire ?

« Amenez la gnole, vous saurez !… ce qu'est important à vous dire, que vous soyez pas là ! »

Quelle salade encore !

« Revenez demain !… avec ce qu'il faut !…

— De quoi ?

— De tout !… vous trouverez !… dans le fond à gauche !… le double fond !… vous poussez fort ! »

Ils étaient un peu renseignés !… et qu'ils nous précipitaient… signe qu'Harras revenait ? ou autre chose ?

Je vois ici nos chiens, Dieu sait si on les traite doucement, tout de même ils sont toujours inquiets, ils se demandent toujours ce qu'on va faire… aussi nous là-haut, toutim… ici encore nos si vieux clebs… et l'autre là-bas, en Argentine…

* * *

La Vigue parle tout seul… « tu sais vraiment !… tu sais vraiment !… » l'effet… il couche plus du tout en bas, au bout du couloir, il veut plus dormir qu'ici, dans notre paille… son couloir est assez dangereux… depuis que Iago y est plus, les rats font ce qu'ils veulent, fondent des familles, se battent, ramènent des canards, les dévorent vivants… même son réduit est pas à tenir… ces hardis rongeurs lui ont emporté deux serviettes et un pantalon… question de se débarbouiller, tous les seaux sont à la ferme… Lili peut encore là-haut chez Marie-Thérèse…

Là somnolent dans la paille, on peut pas dire qu'il sait ce qu'il dit… La Vigue… je gratte une allumette pour lui voir les yeux… ouverts qu'ils sont, fixes… aucun mouvement des paupières… il répète, c'est tout « tu sais, vraiment !… » il en sort pas… il dort sans fermer les yeux… très bien !… je voudrais aussi dormir comme lui, en somnambule… je ferme bien les yeux, mais je rumine, je revois les choses, elles me font rire… bien rire… je classe… je dors pas… là je vous raconte un petit peu… je garde l'ensemble pour moi… eux les mondains, la différence, parlent tout le temps, gardent rien pour eux, que quelques crimes, empoisonnements, que vraiment ils ne peuvent pas avouer… sauf la prescription bien acquise… mais alors qui s'intéresse ?… mondains à table, au salon, parlent tout le temps, sont en scène… au lit, encore !… ils ne sont vraiment simples qu'aux w.-c… et un peu au moment du râle…

Je parle tout seul j'avoue, comme La Vigue… je sais que je bourdonne, j'ai l'habitude… certes, je suis porté à la plaisanterie… maintenant là, je bafouille, « comic, comic » Roger dira… mais non ! mais non ! l'âge !… maintenant à être accusé de tout, vous pensez qu'on ne se fait pas faute !… vendu par-ci !… vendu par-là !… traître !… satyre !… faussaire !… si je considère, bien calmement, je trouve tous les autres bien plus fous que moi… mille preuves !… une chose, ils roupillent… mon tourment, mon gril !… le bonheur, le malheur des êtres, c'est de dormir, plus, moins… lui là, les yeux grands ouverts, dormait… je craque encore une allumette… il cille même pas… il s'en fout… « tu sais vraiment !… tu sais vraiment !… » tout ce qu'il marmonne… moi je crois vraiment que c'est bien fini… se sauver ?… mais par où ?… vers où ?… je vous ai parlé du Danemark, là-haut… pas à côté ! pas tout près le Danemark ! combien de bornes ? et s'embarquer où ? Warnemünde ?… Rostock ?… en temps de paix… mais à présent ? je vais pas aller demander les heures !… Rostock… Rostock d'alors ?… pas un mot bien sûr à La Vigue… ni à Lili… ils verront bien…

* * *

L'heure des trains ?… j'étais à rire !… d'abord, quelle gare ? et les bateaux ?… d'où les bateaux ?… je nous voyais pas aller demander… à qui ?… retourner exprès à Moorsburg ?… la route aimable… les trains existaient peut-être plus ?… d'après ce qu'on entendait comme bombes, ils devaient pas partir souvent !… Rostock, je me souvenais, la ville… mais maintenant dans quel état ?… c'était peut-être plus qu'un cratère ?… je pourrais demander au manchot, lui devait savoir, je crois qu'il venait de par là… il parlait toujours d'Heinkel… les moteurs… voyons, je rassemble mes souvenirs… j'ai un peu beaucoup voyagé pour la S.D.N… j'ai fait souvent le Danemark… Berlin… c'était par Rostock… mais Rostock ?… La Vigue ronflait… les yeux mi-fermés… je chuchote à Lili…

« On n'a pas emporté une carte ?

— Non… non… je crois pas… une carte d'où ?

— Rien… »

J'allais pas me mettre à parler…

« Dors ! »

Je pense tout seul à ces détails… Rostock, les usines… le manchot déconne pas tout le temps, vous pouvez le faire parler un peu sur d'autres sujets que les infâmes von Leiden… je crois… il a des moments d'éclaircies… si le Diesel cognait pas trop fort, et pas trop d'« objecteurs » autour, j'en sortirais peut-être un mot… deux… sur l'énigme Rostock-Warnemünde… je l'avais pris il y a déjà longtemps ce petit ferry, mi-bois, mi-fer… mi-diligence, mi-sous-marin… le sergent manchot devait savoir… je dormais un peu, mais tout de même je guettais… j'avais raison… par la meurtrière là, un petit jour…

« Debout, La Vigue ! »

Pas d'histoires !… je le secoue dans sa paille, il sursaute, il se lève, il me suit… on est de bonne heure, très bien ! il faut ! maintenant en bas, vite ! au péristyle, et à la route !… les ménagères nous voient passer… elles dorment pas, les garces… remuent les rideaux… les oies, deux troupes d'oies viennent nous voir… couac ! couac !… l'église, tout de suite… et à deux pas, le Tanzhalle… leur Diesel marche pas encore… le manchot se rase, on le surprend…. « chutt ! chutt ! » je lui fais… je veux lui demander que personne entende… il me fait signe : le cuistot est sorti !… bon !… alors vite !

« Le train marche toujours ? celui de Rostock ?

— Trois fois par semaine ! »

Enfin, un qui sait !

« D'où ?

— Moorsburg, Rostock ! »

Bon, ça va !… j'explique…

« Je voulais savoir pour ma femme… elle veut voir la mer… elle connaît pas la Baltique… La Vigue, là, non plus !…

— Oh, perfekt ! parfaitement ! bonne idée ! »

Il trouve !… merci ! merci !… on se serre les poignes et on s'en va… La Vigue se demande…

« Qu'est-ce que tu veux à Rostock ?…

— Tu le verras, pote !… tu le verras !… mais tais-toi !…

— C'est ton idée la Baltique ?

— Oh, c'est une de mes idées !

— T'en as des idées !…

— Tu peux le dire ! »

Et on reprend la route… les ménagères sont sur leurs portes… les oies s'occupent du fond des mares, elles couaquent plus… voilà ! le manoir… nous y sommes !… pas été longs !… Lili me demande ce que nous avons ?

« Rien ! mais toi tu peux me trouver quelque chose !… »

Elle veut bien, mais que je lui dise… je veux pas parler devant La Vigue, lui qui bafouille en plein sommeil ! la petite bossue frappe…

« Mahlzeit frühe ! »

Elle vient nous dire que notre mahlzeit est tout de suite !…

« Bien ! bien ! on y va ! »