Выбрать главу

— Pas avant demain matin. On vous rappelle ensuite.

L’homme lui confia son numéro de portable et mit rapidement fin à la conversation. Jenni posa son téléphone.

— Qu’est-ce que c’était ?

— Une grosse firme que notre travail intéresse.

— Ils sont incroyables. Ils te harcèlent sur ton numéro perso.

Jenni semblait contrariée. Scott le remarqua :

— Un truc qui cloche ?

— Deux points me chiffonnent : le premier, c’est que les instances officielles n’ont pas eu l’air de réagir à ma demande d’alerte sanitaire, mais qu’elles ont quand même aussitôt repassé le dossier à un groupe pharmaceutique privé.

— Et le deuxième ?

— Quand je lui ai dit que je ne pouvais pas t’en parler tout de suite, j’ai eu l’impression qu’il savait que tu étais là… Je sais, ça a l’air dingue mais j’ai vraiment eu la sensation qu’il n’était pas dupe de mon mensonge.

— Effectivement, ça a l’air dingue. Écoute, les dernières heures ont été éprouvantes, je t’emmène manger un morceau et on verra ensuite.

Jenni se tourna vers les collines. D’une voix étonnamment calme, elle déclara :

— Scott, tu réalises que nous sommes peut-être les premiers à comprendre ce qui est en train d’arriver à notre propre espèce ?

— Je n’arrête pas d’y penser.

Elle croisa son regard.

— Et qu’est-ce que ça te fait ?

— Peur.

10

Une ambulance passa rapidement en direction des urgences. Quelle détresse se cachait derrière ses vitres opacifiées ? Scott faisait les cent pas au pied de l’hôpital. La journée s’annonçait magnifique. Il regarda sa montre une nouvelle fois. Greenholm avait annoncé que quelqu’un viendrait les chercher, Jenni et lui, à 10 heures précises à l’entrée principale.

Kinross avait passé une bonne partie de la nuit à lire les notes de Jenni sur l’étendue insoupçonnée de la maladie. Alzheimer se manifestait sous bien des formes, et en découvrir de nouvelles n’était pas surprenant. Mais tout en posant un problème de prolifération inédit au plan mondial, cette nouvelle piste ouvrait un tout autre champ d’investigation. Les idées et les questions se bousculaient dans sa tête. Si ces patients étaient d’une façon ou d’une autre prédestinés à déclarer la maladie, pourquoi l’avaient-ils fait aussi jeunes et aussi violemment ? S’ils l’avaient développée en étant soumis à certains facteurs, desquels pouvait-il s’agir ? Ce qui avait engendré leur dégénérescence brutale venait-il d’eux ou de leur environnement ?

Scott fit un effort pour penser à autre chose. Il devait se concentrer sur le rendez-vous. Il était moins cinq et Jenni n’était toujours pas là. S’avançant jusqu’au talus qui dominait le parking, il remarqua une Jaguar, garée juste à côté d’une Ford rongée par la rouille. C’est incroyable ce que l’on trouve sur un parking d’hôpital, se dit-il. Il y a de tout. Nulle part ailleurs on ne voit une telle promiscuité de toutes les strates de la société. Quel que soit le rang, quelle que soit la fortune, tout le monde finit par venir se garer là.

En entendant quelqu’un courir, Scott se retourna. Jenni arrivait, essoufflée.

— Pile à l’heure, fit-elle.

Elle l’embrassa sur la joue.

— Tu as réussi à dormir un peu ? demanda-t-il.

— Pas vraiment. Et toi ?

— Il aurait mieux valu que non. Je n’ai fait que des rêves idiots et des cauchemars.

— Je croyais que tu ne cauchemardais jamais.

— C’était avant que tu me parles des bambous…

Dans la brise du matin, Jenni remit machinalement en place une mèche blonde dérangée par sa course. Elle commenta :

— Greenholm doit vraiment craindre pour sa santé pour nous fixer rendez-vous aussi vite.

Kinross ne réagit pas. Il regardait la jeune femme avec un petit sourire amusé.

— Quoi ? fit-elle, levant les yeux vers lui.

— Tu t’es maquillée ce matin…

— Et alors ? C’est un rendez-vous important.

— Ne t’énerve pas, c’était juste une remarque. Tu es superbe.

Elle leva un sourcil et changea de sujet.

— Comment ça s’est passé avec le milliardaire au téléphone ?

— Mieux qu’à notre première entrevue. Il a même dû me prendre pour un petit soldat rentré dans le rang parce que je me suis excusé. Un comble !

Kinross sourit à nouveau.

— Qu’est-ce qui t’amuse ? demanda Jenni.

— Rien, je me disais juste un truc, mais j’ai peur que tu me tapes.

— Arrête, c’est puéril.

— C’est vrai, mais j’aime bien quand tu es maquillée.

Elle se crispa.

— J’ai vu la lueur dans tes yeux, fit-il. Si nous n’étions pas à la vue de tout le monde devant cet hôpital, tu m’aurais encore donné un de tes sales petits coups de pied.

— Comment peux-tu t’amuser comme un gosse avec ce qui nous arrive ?

— C’est comme ça que je décompresse. Et puis c’est toi le stratège, hein, moi je suis le praticien…

Venant du fond du parking, un homme marchait vers eux. Kinross reconnut le garde du corps.

— Professeur Cooper, docteur Kinross, salua l’arrivant. Je suis chargé de vous conduire à M. Greenholm.

— Où est-il ? demanda Scott.

— Chez lui, ce ne sera pas long. Notre taxi arrive…

Dans un timing parfait, l’homme désigna le ciel. Un hélicoptère approchait. Jenni et Scott échangèrent un regard. Le docteur protesta :

— Il ne devait s’agir que d’un rendez-vous. J’ai des consultations cet après-midi.

— Vous serez rentré à temps. Ne vous inquiétez pas.

L’homme les invita à rejoindre l’héliport de l’hôpital, situé sur l’angle du parking. L’engin était en phase d’atterrissage. Le souffle des pales faisait voler les feuilles mortes gelées dans les massifs.

En forçant la voix pour compenser le bruit des rotors, Scott essaya d’engager la conversation :

— Vous travaillez pour M. Greenholm ?

— Évidemment, répliqua l’homme. Sinon je ne serais pas là.

Sur ce coup-là, Scott ne se trouva pas très malin. Jenni demanda à son tour :

— Votre patron est inquiet pour sa santé ?

— Il vous en parlera. Ce n’est pas à moi de le faire.

L’hélicoptère noir en imposait. Le garde ouvrit le panneau latéral et leur désigna le marchepied.

— Si vous voulez bien prendre place…

— C’est la première fois que je monte dans un hélico, souffla Jenni.

Scott ne répondit pas, mais c’était inédit pour lui aussi. L’engin décolla et prit aussitôt la direction de l’ouest. Même avec les casques de communication intérieure, le bruit était omniprésent. Le garde du corps échangea quelques mots avec le pilote, puis il se retourna vers le docteur en précisant :

— Lui aussi travaille pour M. Greenholm !

Il fit un clin d’œil et reprit sa position. Jenni se pencha vers son voisin et lui glissa :

— Il t’a bien eu !

Scott lui fit aussitôt signe qu’avec le casque, tout le monde pouvait entendre ce qu’elle venait de dire.

— Effectivement, commenta la voix du garde dans le casque.

Scott crut y déceler un certain amusement. L’homme reprit :

— Là où nous allons, vos portables ne captent pas. Si vous voulez rester joignables, je peux les faire transférer sur notre relais. Il faut seulement que vous me donniez vos numéros.

— Vous n’allez pas les vendre à des démarcheurs de laboratoire ? ironisa Scott.

— Pourquoi dites-vous cela ?

Jenni leva les yeux au ciel et lui donna le sien. Scott l’imita.