Il le lâcha et tourna les talons. Le docteur resta sous le coup de la surprise. Thomas arriva, croisant Hold.
— Vous n’avez pas l’air très frais, docteur. Si vous avez la trouille, vous pouvez rester en arrière…
Fawkes vérifia que son couteau de combat était bien à sa ceinture. Il s’assura que le silencieux de son arme était vissé correctement, abaissa le cran de sécurité et la replaça dans son holster. Il positionna ses mains autour des barres, prêt à sectionner l’axe. Hold tenait fermement le volant.
— Trois, deux, un…
Le jeune homme serra de toutes ses forces. Il se cramponna et fit peser tout son poids sur le levier de sa cisaille de fortune. Les barres commencèrent à se tordre, mais ce fut le verrou qui céda le premier. L’opération n’avait provoqué qu’un claquement sec. Fawkes déposa ses barres et vint prêter main-forte à David.
Ensemble, ils firent pivoter le volant. Ces verrous-là étaient à peine moins grippés que ceux des portes précédentes. Lorsqu’ils furent tous désengagés, Hold saisit son arme et tira le panneau métallique. À sa grande surprise, il tomba face à un drapeau américain qui pendait comme un rideau. Le passage donnait sur une pièce éclairée. Une télé diffusait une série avec des rires préenregistrés. À travers l’étoffe du drapeau, Scott identifia un lit, des posters de filles et de motos sur les murs et une petite armoire ouverte. Il écarta le tissu. Fawkes venait de franchir le drapeau lorsqu’un homme entra dans la chambre, une serviette sur les hanches.
— Qu’est-ce que…?
Hold n’hésita pas une seconde et tira droit au cœur. Éclat de rire de la télé. Fawkes se précipita pour traîner le corps hors de vue. Applaudissements. Hold s’avança jusqu’à la porte et passa la tête. Un couloir, d’autres portes. Une seule était ouverte, sur une salle de bains dont il ne pouvait voir que des lavabos et les miroirs qui ne révélaient aucune présence. Le bruit de l’eau qui coule, une douche. Il fit signe à Fawkes d’attendre et se glissa dans la salle d’eau. Une seule personne, sous la douche derrière un rideau opacifiant. Il se plaça sur le côté, le silencieux de son arme posé contre sa joue.
— Vance, c’est toi ? appela l’homme sous la douche. Arrête avec ta série à la con. C’est l’heure du match. Change de chaîne, j’arrive.
Fawkes entra à son tour. Il saisit une serviette qu’il enroula sur elle-même avant d’aller se placer de l’autre côté de la sortie de douche.
L’homme coupa l’eau. Il sortit en sifflotant. En un éclair, Fawkes lui passa la serviette autour du cou et serra. Hold lui fit une clé au bras en lui braquant son revolver sous l’œil.
— Combien vous êtes à cet étage ?
L’homme nu suffoquait, mais il ne prononça pas un mot.
— Ne m’oblige pas à répéter, menaça Hold en resserrant sa prise.
— Deux, lâcha-t-il d’une voix étranglée. Les autres sont de permanence.
Il toussa.
— Tu fais quoi, ici ?
L’homme essaya de dégager son bras. David pesa dessus, lui arrachant un gémissement.
— L’informatique.
— Tu me prends pour un abruti ?
L’homme jeta un coup d’œil vers la porte.
— Si tu espères voir arriver Vance, n’y compte pas trop. À mon avis, tu ne verras pas le match non plus. Donc tu bosses à l’informatique. Et vous êtes combien de gentils informaticiens physiquement entraînés comme toi ?
Une silhouette s’encadra dans la porte. David releva vivement son arme et reconnut Kinross juste à temps.
— Qu’est-ce que vous foutez là ? Je vous avais dit d’attendre.
— J’aime pas ce qui passe à la télé, alors je suis venu voir ce que vous faisiez.
— Retournez de l’autre côté.
Kinross s’avança et dévisagea l’homme immobilisé qui avait de plus en plus de mal à respirer.
— Son visage rougit, variation de vascularisation typique en cas de strangulation.
Il s’approcha encore plus près et ajouta :
— Les yeux commencent à s’injecter de sang. Encore quelques minutes et il perdra connaissance.
Hold grogna :
— À quoi vous jouez ?
— Cet homme sait peut-être où est Jenni.
— Ce n’est pas comme ça qu’on s’y prend, gronda David, les dents serrées.
L’homme avait beau suffoquer, la stupéfaction dominait dans son regard. Scott sortit son arme et la pointa contre son flanc.
— Qu’est-ce que vous foutez, Kinross ?
— Je ne sais pas bien me servir d’un flingue, mais je sais exactement où tirer pour le paralyser à vie sans le tuer.
L’affolement commença à s’emparer de l’homme. Kinross s’adressa à lui :
— Nous cherchons une jeune femme blonde de taille moyenne, les yeux bleus. Elle s’appelle Jenni Cooper. Vous savez peut-être où elle est ?
— Kinross, laissez-nous faire ça !
Le docteur enfonça un peu plus son canon dans le flanc de l’homme. Il essaya d’articuler quelque chose.
— Elle est… dans l’autre aile, râla-t-il.
— C’est un bon début. Maintenant, il va falloir nous conduire à elle.
83
L’ouverture de la porte tira Jenni d’un demi-sommeil angoissé. Même en ayant perdu la notion précise du temps, elle devinait qu’il était tard. Aveuglée par la lumière du couloir, elle ne distingua qu’une grande silhouette qui s’approchait d’elle. Elle se redressa, sur la défensive.
— Professeur Cooper ? fit l’homme.
Elle reconnut la voix.
— Monsieur Hold ?
Elle se frotta les paupières.
— Qu’est-ce que vous faites ici ?
Soudain, son visage se durcit.
— Espèce de salaud, lança-t-elle. Scott avait raison de se méfier : vous êtes avec ces ordures !
Le docteur Kinross apparut dans l’encadrement de la porte.
— Je vous l’avais dit, David : quand elle n’a pas son compte de sommeil, elle peut vous sortir des trucs horribles…
— Scott ! s’exclama Jenni, abasourdie.
— On en reparlera plus tard, répondit Hold, l’expression neutre, en aidant la jeune femme à se lever.
Affaiblie, Jenni avait du mal à émerger complètement de sa torpeur.
— Vous êtes avec la police pour arrêter Brestlow ? demanda-t-elle.
— Pas exactement, fit Scott.
— J’espère au moins que tu n’as pas négocié avec ce malade mental ?
— Sur ce coup-là, je partage ton diagnostic, mais non, je n’ai rien négocié. En fait, il ne sait pas que nous sommes là.
Pour la première fois, Jenni ouvrit grands les yeux.
Kinross s’avança et prit le visage de la jeune femme entre ses mains. Elle s’abandonna à la chaleur de ses paumes. Il étudia rapidement ses pupilles. Elle n’avait pas été droguée. Il la serra dans ses bras.
— J’ai cru que j’allais y rester, murmura-t-elle.
Il lui caressa la tête et lui souffla à l’oreille :
— Je suis désolé. Vraiment.
84
Kinross et Schenkel aidaient Jenni à marcher pendant que Hold et Fawkes les encadraient, arme au poing. Le petit groupe se déplaçait avec prudence, sécurisant chaque intersection de couloir et vérifiant les ouvertures potentiellement dangereuses. Hold se servait du badge pris au garde pour ouvrir les portes. Jenni suivait le mouvement et, malgré la nécessité d’être discrets, elle ne pouvait s’empêcher de raconter tout ce qu’elle avait vu, tout ce qu’elle avait cru. En chuchotant, elle parlait vite, se soulageait, et posait aussi beaucoup de questions.
— La tempête de neige est finie ?
— Depuis hier, répondit Scott. Il t’a retenue prisonnière longtemps ?