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Par conséquent, la première partie du livre est consacré à l’analyse de l’image des musulmans dans les chroniques de la Première croisade qui datent par excellence du début du XII s. Les chapitres de cette partie sont consacrés aux sujets divers: la représentation des musulmans en tant que les païens idolâtres, l’idée de la conversion, l’hiérarchie politique, le portrait moral et intellectuel des musulmans, la vie quotidienne des musulmans, la tactique guerrière des musulmans, les miracles de l’Orient représentés dans les chroniques. Ce sont presque les mêmes sujets (la religion de l’islam, la structure du pouvoir, le genre de vie des musulmans, le portrair des régents musulmans) qui sont traités dans la deuxième partie du livre qui est consacré à l’analyse de l’image de l’islam dans la chronique de Guillaume de Tyr datée du milieu du XII s. La troisième partie du livre est consacrée enticement à l’image visuelle des musulmans qui est étudiée d’après les sources iconographiques (les illustrations de la chronique de Guillaume de Tyr).

On étudiait la logique du récit, le détail narratif qui est produit par une certaine représentation de l’autre. La question se posait ainsi: par quels moyens les autres deviennent compréhensibles, quels procédés les chroniqueurs utilisent-ils pour faire croire au destinataire du réel. En analysant les chroniques, on partait des prémisses suivantes. Le texte n’est pas chose inerte: il s’inscrit entre un narrateur et un destinataire. Entre eux il existe un ensemble de savoir symboliques — c’est-à-dire de valeurs et de représentations communes. T. Todorov le qualifie comme le «savoir partagé». Selon M. Bachtine le texte est le dialogue entre le narrateur et le destinataire, cette relation se reflète dans la structure de l'énoncé. C'est à partir de cet ensemble de savoir que peut se dévélopper le texte et que le destinataire peut décoder les divers énoncés qui lui sont adressés. Le texte des chroniques est donc le message «traité» par le savoir partagé. Comment déhiffrer ce code? On essaie de découvrir les marques du «savoir partagé» à l’intérieur du texte. Car c’est de cette manière qu’on peut étuduier les pratiques narratives des chroniqueurs. Ce savoir symbolique, ces représentations sont implicites, mais on peut trouver les références directes (les chroniqueurs expliquent l’absence des réalités families ou s’étonnent de découvrir les mêmes réalités qui existent dans le monde chrétien). Tous ces énoncés renvoient à la tradition familière. C’est la tradition qui lie l’inteprétateur avec l’«interpretandum». Tout ce qui est dit au sujet des musulmans est interprété dans l'esprit de la tradition culturelle symbolique (savoir partagé) — c’est ainsi que les chroniqueurs donnent sens aux institutions musulmanes et produisent «l’effet du réel». La présente recherche a montré que les traditions diverses ont coopéré à la création de l’image des musulmans: la tradition ecclésiastique, la tradition biblique, antique et littéraire. Les chroniques s’appuient par excellence sur la tradition ecclésiastique — c’est pourquoi on attribue à la religion des autres la démonolatrie, le polythéisme etc. C’est la religion qui est la marque la plus profonde de la différence. Dans l’esprit de la tradition ecclésiastique les musulmans sont interprétés en tant que les peuples de l’Antéchrist. Aussi les chroniqueurs superposent-ils souvent leurs connaissances du monde antique sur le monde islamique. La tradition vétéro-testamentaire a aussi coopéré à la création de l’image des musulmans — le mythe de l’idolâtrie et de l’immoralité est inspiré par les images bibliques. Les motifs littéraires sont les plus caractéristiques pour l’image de l’islam. On a montré que les traditions historique et littéraire partagent les mêmes topos et les mêmes stéréotypes. Pour créer «l’effet du réel», les chroniqueurs soumettent leur narration aux principes de la traditon littéraire et ecclésiastique et apporte dans leurs récits la fiction inconsciente.

«L’effet du réel» est crée non seulement par le jeu des topos et des stéréotypes, mais aussi par le jeu des figures rhétoriques. Pour traduire l'alterité, les chroniqueurs disposent des figures de la rhétorique. C’est d’abord la figure de l’inversion où l'alterité est transcrit en anti-même. Les usages, les traditions et les institutions autres sont renversés, on leur donne le sens négatif: le sanctuaire des musulmans — ce qui est «fanum» chez eux s’avère à être «profanum», la religion vraie (fides) des chrétiens est opposée à l’idolâtrie, la religion fausse des musulmans, le culte religieux (religio) chez les chrétiens est opposé à la superstition païenne (superstitio) chez les musulmans. C’est le même principe de l’inversion qui est à la base de la description de la vie de Mahomet — le vrai prophète des chrétiens — le Jésus Christ — est opposé au faux prophète Mahomet. C’est de même manière que les chroniqueurs racontent des qualités morales des musulmans: «humilitas» (humilité) des chrétiens est opposée à la «superbia» (l’orgueil) des musulmans, «virtus» (la vertu) des croisés est opposée au «vitium» (vice) des non-chrétiens. Le même sens est donné à la description de la tactique guerrière des musulmans, perfide du point de vue des chrétiens et opposée aux règles du combat chevaleresque chez les chrétiens. L’autre est transcrit selon le principe de l’inversion en anti-même: il est demonisé, le musulman c’est l’incarnation du Diable, des forces du Mal. Cettte dichotomie se reflète dans la langue — les «fideles» (chrétiens) sont opposés aux «païens» (gentiles, pagani). En somme, la figure de l’inversion rend compte de l’alterité, elle donne sens aux traditions de l’Autre. Pour traduire l’alterité, les chroniqueurs utilisent aussi les figures de la comparaison et de l’analogie. Cette figure établit la différence entre le monde chrétien et le monde musulman. C’est une autre façon de saisir l’alterité des musulmans. Les comparaisons entre les institutions politiques chrétiennes et musulmanes marquent des ressemblances. Mais le procédé le plus fréquent est le parallèle qui repose sur le jeu de quatre termes associés deux à deux, selon la formule a est à b ce que c’est с à d. Ainsi pour les chroniqueurs le calife de Bagdad dont la résidence est a Bagdad est la même chose que le pape catholique dont la résidence est à Rome. Le parallèle, on le sait, peut indiquer une certaine tolérance envers les autres quand il s’agit des traditions et des usages religieux — ce qui est le cas de Guilalume de Tyr. Par exemple, on compare la Mecque qui est le lieu de pèlerinage chez les musulmans et Jérusalem qui est le lieu du pèlerinage chez les chrétiens.

La rhétorique de l’alterité est dans son fonds l’opération de traduction et c’est l’une des procedures de dire l’autre. On a montré qu’il у a des non-coïncidences dans la culture et dans la langue: ou bien l'équivalent sémantique qui désigne un certain phénomène est absent ou bien le phénomène même est absent ainsi que son équivalent. Il у a des exemples du procédé de traduction dans les chroniques. Le principe de la métonimie opère le plus souvent dans ce cas — il s’agit des noms et des appelations. L’alterité du nom et la métonimie de l’alterité du phénomène. C’est ainsi que le titre du préfet (prefectus) sert à dé signer l’emir chez les musulmans. Pour traduire l’autre on invente un autre nom. Cette différence entre les chrétiens et les musulmans est, pour ainsi dire, nominale.

L’une des procéures de l’alterité est le récit des merveilles de l’Orient qui est le topos important du discours éthnographique.

Le discours narratif change dans la chronique de Guillaume de Tyr. Les chroniqueurs de la Première croisade s’appuient sur les chansons de geste. Le monde musulman est interprété dans l’esprit de la culture médiévale. On observe revolution du symbolisme vers réalisme dans la chronique de Guiilaume de Tyr. Il perçoit le monde musulman non seulement en s’appuyant sur la tradition précédente et la mémoire, mais aussi sur leur propre expérience. La manière de narration change — le portrait collectif est représenté dans les chroniques de la Première croisade, tandis que les portraits des musulmans chez Guillaume de Tyr sont beaucoup plus individualisés.