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C’est Felipe qui, le premier, vit la voiture.

Une masse verte sous un arbre. Il fallait des yeux de lynx pour reconnaître un véhicule. Une plante en forme de bananier retombait sur le pare-brise. Les quatre portières étaient fermées. Felipe ut le tour du véhicule. Miracle : les pneus étaient à peu près gonflés ! Il essaya la portière avant gauche. Elle s’ouvrit.

Les sièges étaient recouverts d’une mousse verdâtre, mais l’intérieur ne semblait pas avoir souffert. Evidemment, pas de clef de contact ! Felipe trifouilla sous le tableau de bord et arracha deux fils. Il réunit les cosses. Rien.

— Il n’y a pas de courant, annonça-t-il.

— La batterie est certainement à plat, dit Malko

Maintenant, il faisait grand jour : sept heures. Cent mille piaillements d’oiseaux et bourdonnements d’insectes animaient les arbres autour d’eux. Ils n’avaient plus beaucoup de temps. Felipe appuya sur une tirette et le capot s’ouvrit. Malko se pencha sur les batteries, couvertes d’oxyde blanchâtre. Les fils des bougies étaient en place, le Delco aussi.

— Il y a peut-être une manivelle dans le coffre, mais nous n’avons rien pour l’ouvrir, dit Felipe.

— Poussons-la, proposa Malko. En principe elle doit démarrer.

Du côté opposé, la rue du village descendait, en assez forte pente. Felipe sortit de la voiture et s’arc-bouta contre le pare-chocs arrière. La voiture ne bougea pas d’un centimètre. Malko le rejoignit. Ils recommencèrent à deux. Toujours rien. Suant et soufflant, ils glissaient dans l’herbe humide, mais la lourde voiture restait collée au sol spongieux.

— On n’y arrivera pas, soupira Felipe. Filons d’ici avant qu’ils ne viennent nous chercher.

— Attendez, dit Malko.

Il venait de sentir quelque chose sous ses doigts à l’intérieur du pare-chocs arrière. Il gratta et ramena une clef, fixée par du chatterton.

— La clef du coffre, dit Malko. Ce pauvre Lentz nous fait peut-être un beau cadeau posthume.

C’était aussi la clef de contact, mais elle ne leur était guère utile. Malko l’engagea dans la serrure du coffre et tourna doucement. Le coffre s’ouvrit.

Il y avait une roue de secours, une manivelle et deux jerrycans d’essence.

Vingt secondes plus tard, Felipe tournait la manivelle comme un fou. Malko, au volant, donnait de petits coups d’accélérateur. Mais le moteur ne toussait même pas.

Felipe lâcha la manivelle et prit une trousse à outils. Il démonta rapidement les huit bougies, les essuya, les cajola, en rapprocha les électrodes et les remit en place. Il ouvrit le Delco et le nettoya aussi, enlevant une bonne couche de moisissure. Puis il se remit à la manivelle.

— Si elle part, dit-il, vous accélérez à fond.

À deux mains, il empoigna la manivelle et la lança de toutes ses forces.

Le moteur crachota et démarra. Malko lui donna quelques coups d’accélérateur et le laissa tourner au ralenti. La jauge d’essence indiquait un réservoir à demi rempli. Avec les deux jerrycans du coffre, ils arriveraient jusqu’à Guadalajara.

— Maintenant, il s’agit de passer la ferme, dit Malko. Avec la Lincoln, ils nous rattraperaient facilement. Et ils ont des armes.

— Laissez-moi prendre le volant, réclama Felipe. J’ai l’habitude des vieilles guimbardes.

Il passa la première et accéléra tout doucement. La voiture trembla, les roues patinèrent un peu, mais elle s’arracha de l’herbe. Le policier conduisait avec des délicatesses de jeune marié. Dès qu’il fut sur la route, il prit de la vitesse, pour grimper la côte. Le moteur tournait rond, ils arrivèrent au sommet de la colline. Dans le creux, à un kilomètre sur la gauche, il y avait la ferme du Chamalo.

Felipe lança la voiture. A mi-pente, alors qu’elle atteignait 80, il coupa le moteur. Il n’y eut plus que le chuintement des roues et de l’air.

— De la ferme, ils ne peuvent rien entendre, dit Felipe. Le vent est pour nous.

Lorsqu’ils passèrent devant l’embranchement de la ferme, ils roulaient encore à 50. Il n’y avait personne en vue. Felipe attendit d’être presque arrêté pour relancer le moteur. Malko surveillait l’arrière. Ils firent ainsi dix kilomètres avant de repartir à fond.

Malko avait une drôle de lueur dans ses yeux dorés.

— Cette fois, dit-il, j’ai une raison personnelle de régler son compte à ce Japonais de malheur. Je n’oublierai jamais la cage et les rats.

— Dans quatre heures, nous serons à Guadalajara, dit simplement Felipe.

— J’ai une bonne surprise pour M. Tacata, dit Malko. Une surprise dont il ne se remettra pas, D’autant qu’il doit nous croire en train d’errer dans la jungle.

Tenue d’une main ferme, la vieille Ford tanguait à 100 sur la route de latérite rouge. Ils aperçurent un panneau délavé : « Guadalajara, 476 km. »

Chapitre XII

La ville grouillait d’une foule criarde. Avec ses innombrables vieilles églises et sa raffinerie de pétrole toute neuve, Guadalajara offrait tous les contrastes des cités en pleine expansion. Malko et Felipe n’eurent pas un regard pour les maisons de pierres roses et foncèrent droit à l’aéroport. Abandonnant la voiture au parking, ils se renseignèrent : coup de chance, un avion pour Mexico partait une heure plus tard. Malko avait encore sur lui près de mille dollars. Il prit deux billets et ils attendirent.

— Pourquoi allons-nous à Mexico ? demanda Felipe. Ici, je peux demander l’aide de la Securitad. Ils feront ce que nous voulons. Ce soir, nous attaquons la ferme.

— Vous avez vu les lieux ? D’abord, avec les armes qu’ils ont, cela va coûter très cher. Ensuite, ils peuvent nous échapper à travers la jungle, ont peut-être d’autres repaires. Et c’est une propriété privée, qui appartient à une femme riche et considérée, ne l’oubliez pas.

— Qu’allez-vous faire, alors ?

Malko laissa errer ses yeux sur la foule autour de lui. Il se sentait extrêmement las.

— Me servir des moyens que le service « action » de la C.I.A. met à ma disposition.

Felipe écoutait attentivement.

— A votre avis, Felipe, quel est le seul moyen de détruire ce nid de vipères, en étant absolument sûr que rien ne survivra, même pas les rats contaminés, qui peuvent se reproduire à une vitesse terrifiante ?

Le Mexicain rit et balaya l’air de son bras droit : une bonne bombe atomique et pffhutt, plus rien !

— Oui, dit Malko, c’est la seule méthode.

Le sourire du Mexicain se figea, en voyant l’expression de Malko.

— Vous plaisantez, señor S.A.S. ! commença-t-il.

— Non, fit Malko, je ne plaisante pas. Nous allons jeter une bombe atomique sur cette ferme de malheur. Tacata, ses rats, ses mouches et ses dingues de complices vont être réduits en poudre. C’est affreux, mais cela coûtera moins cher que le reste.

Felipe était totalement dépassé.

— Mais, mais, señor SAS, vous n’avez pas de bombardier ! Ce sont des machines énormes. Et le scandale international ? Nous sommes au Mexique, ici ! Il faudrait l’autorisation du gouvernement. Vous allez détruire toute une région. C’est impossible…

— Ce n’est pas impossible, dit Malko. La C.I.A. a tout prévu. Depuis trois jours, un avion m’attend à Mexico. En apparence, c’est un bimoteur civil, appartenant à une famille d’Américains du corps diplomatique.

En réalité, l’appareil est piloté par un officier supérieur de l’Air force, vétéran des missions spéciales. Il est assisté de trois hommes de la Spécial force de la C.I.A., spécialistes de l’armement atomique.

— Mais la bombe ?

— La bombe est dissimulée dans une fausse soute. Il y a un système de visée rudimentaire. Ce n’est pas vraiment une bombe. Le Président ne l’aurait pas permis, même pour une affaire aussi grave. C’est la plus petite des armes atomiques tactiques dont dispose l’U.S. Army, un obus de mortier. Il détruit tout dans un rayon d’un kilomètre, mais ne laisse pas de retombée radioactive. Néanmoins rien ne résiste à la chaleur qu’il diffuse. C’est ce qu’il nous faut.