Выбрать главу

Un bruit sourd balaya la cabine. L’avion fit un bond en avant, comme poussé par une main géante. Crispé à son manche, le pilote le maintenait tant bien que mal.

Il l’inclina un peu sur l’aile. A gauche Malko vit, montant de la jungle, un gros champignon gris.

— Formidable, hein !

Clarke lui tapait sur l’épaule, épanoui.

Malko, le visage fermé, ne répondit pas.

— Repassez au-dessus de la ferme, ordonna-t-il au pilote. Vous ne risquez rien. Il n’y a pas de retombées radioactives, avec cet engin.

Le pilote ne répondit pas. À l’arrière, Clarke ouvrit une batterie de quatre compteurs Geiger. A tout hasard.

Cette fois, le pilote réduisit les gaz au maximum. Volets baissés, ils arrivèrent au-dessus de la clairière, à moins de 200 à l’heure.

La ferme n’existait plus. Il n’y avait plus qu’une énorme tache de poussière grise qui stagnait au ras du sol, dans un rayon de 500 mètres. Quelques troncs d’arbres émergeaient, calcinés. L’espace d’une seconde, Malko aperçut une carcasse tordue : ce qui avait été la Lincoln blanche.

Jamais Christina ne verrait le beau château de Malko ! Quelle saloperie de métier ! Il avait envie de pleurer. Tous les dollars du monde ne remplaceraient jamais la peau cuivrée de la belle métisse.

Et le cauchemar n’était pas fini, puisque Tacata avait échappé presque certainement. Se sachant découvert, il n’aurait plus qu’une idée : atteindre la frontière et frapper.

— Mettez le cap sur Guadalajara, ordonna Malko au pilote. Là, nous trouverons une voiture pour continuer.

Maintenant que la bombe était lancée, la tension se relâchait. A part Malko, qui savait que Tacata était encore en liberté et plus dangereux que jamais, les autres pensaient que l’expédition était un succès complet. Le major Clarke se pencha vers Malko :

— C’est une date historique, dit-il. La première fois depuis 1945 qu’on utilise une arme atomique à des fins militaires.

— Il n’y a pas de quoi en être fier, dit Malko sèchement. Nos adversaires n’étaient vraiment pas de taille.

Le silence retomba, meublé seulement par le ronronnement des deux moteurs. Au bout d’une demi-heure, les clochers de Guadalajara apparurent dans le soleil. L’avion se posa doucement et roula vers les hangars.

Aussitôt une grosse Cadillac vint se ranger près de lui. Malko descendit le premier par une petite échelle. Entrant dans la voiture, il y trouva le général Higgins. Depuis 48 heures, celui-ci se trouvait à Mexico, sous l’apparence d’un paisible touriste américain.

— Alors ?

— La ferme est détruite. Mais le Japonais a presque certainement échappé.

Le général, de son poing fermé, frappa le siège.

— Il faut le rattraper. A tout prix. Impossible de raconter notre histoire aux Mexicains et encore moins d’alerter la population américaine !…

— Il faudra bien, pourtant, dit Malko tristement. Si Tacata parvient à franchir la frontière, il peut causer dix millions de morts. Vous savez à quelle vitesse se répand le CX 3…

— Je sais, je sais, grommela Higgins. Mais nous n’agirons qu’à la dernière minute. Tous les postes frontières sont prévenus et des patrouilles aériennes et terrestres de l’armée surveillent tous les points de passage.

Malko alluma une cigarette.

— Ce n’est pas suffisant.

— Je le sais, coupa le Général. C’est pour cela que vous allez partir immédiatement en hélicoptère, avec nos deux hommes et votre policier mexicain. Allez d’abord à la ferme, vous assurer que tout a été détruit. Et prenez en chasse le Japonais.

— Où est-ce que je vais trouver un hélicoptère ? Vous avez débarqué avec les Marines ?

L’autre haussa les épaules.

— Nous avons réquisitionné l’appareil d’une compagnie privée américaine. Un Sikorski huit places. Il vous attend au bout du terrain. Partez immédiatement. Pendant ce temps, je rends compte à Washington.

Malko remarqua alors les deux combinés téléphoniques vert olive posés sur une tablette. La voiture était un peu truquée. Pour une Cadillac du corps diplomatique !…

A regret, il s’arracha aux coussins moelleux et sortit. Felipe et les deux Américains l’attendaient.

— Nous repartons, dit-il. En hélicoptère. Il faut rattraper Tacata, qui n’est certainement pas seul. Deux ou trois Mayo doivent être avec lui. L’hélicoptère nous attend.

Dix minutes plus tard, ils volaient de nouveau au-dessus de la forêt. Malko profita de son inaction forcée pour brosser soigneusement son costume d’alpaga, imprégné de poussière comme un vieux châle.

Au-dessus de la ferme, le paysage n’avait pas changé, mais la poussière était presque dissipée.

— Vous allez descendre très doucement, ordonna Malko au pilote de l’hélicoptère. Si je vous dis « stop », vous remontez immédiatement.

Armé d’un compteur Geiger, Malko observa la descente. L’appareil cliquetait très faiblement, mais à aucun moment l’aiguille ne dépassa la barre rouge indiquant la limite des radiations dangereuses. L’hélicoptère se posa doucement, au milieu d’un nuage de poussière, et le pilote arrêta le rotor.

Quand le bruissement des pales se fut tu, Malko remarqua le silence absolu. D’ordinaire, la jungle est bruyante de cris d’oiseaux et d’insectes. Là, on se serait cru à cent mètres sous terre.

Tous descendirent.

— Qu’est-ce qui s’est passé ici ? demanda le pilote. On dirait une éruption volcanique.

— C’est à peu près cela, dit Malko, sans insister.

Il se dirigea vers ce qui avait été les bâtiments de la ferme.

Quelques pans de murs tenaient encore debout, recouverts d’une couche brillante : sous l’effet de la terrifiante chaleur, la pierre s’était vitrifiée. Le général Higgins pouvait être tranquille. Les « cultures » de Tacata n’existaient plus, car aucun être vivant ne peut supporter une température d’un million de degrés.

Malko n’avait pas le courage d’aller jusqu’à la carcasse noircie de la Lincoln, à l’autre bout de la clairière. Il était sûr de ne rien trouver : tout avait fondu.

Ils remontèrent dans l’hélicoptère. Le pilote était très intrigué. Si on lui avait dit la vérité, il se serait sauvé en hurlant.

Volant au ras des arbres, ils tentèrent de suivre la route, chose assez facile, car elle épousait étroitement le contour de la vallée.

— Ils ont pu s’échapper, murmura Felipe. Autrement, nous aurions déjà trouvé la voiture.

— Cela va être dur, de les rattraper, dit Malko, si on ne les coince pas avant la tombée de la nuit.

— D’autant plus que les frères Mayo sont du pays et ont certainement prévu des planques. S’ils passent par la Basse Californie, autant chercher une aiguille dans une botte de foin.

— Regardez, cria le pilote.

La route sortait de la forêt et devenait une large piste découverte, serpentant vers le nord, vers la frontière. Mais il n’y avait rien en vue.

— Quelle distance, jusqu’à la frontière ? demanda Malko.

— Six ou sept heures, en roulant vite, s’ils prennent la route directe. Mais ils perdront du temps à passer la douane et la police. S’ils passent… Ils ont près de quatre heures d’avance.

A mesure qu’ils remontaient vers le nord, le paysage changeait. La jungle faisait place à une sorte de savane moutonnée.

Ils passèrent plusieurs petits villages. Mais la piste était toujours aussi déserte.

— J’ai encore une demi-heure d’essence, annonça le pilote. Il faut que je m’arrête à Los Mochis sinon nous tombons en carafe.

Malko écarquillait les yeux. Soudain, il vit un point noir disparaître derrière une colline, un peu à gauche de la route.