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— C’est eux, cria-t-il au pilote. Là devant !

L’hélicoptère s’inclina et le pilote augmenta légèrement la vitesse. Maintenant, ils volaient le long de la route, à dix mètres du sol. Ils parvinrent très vite à l’endroit où Malko croyait avoir aperçu quelque chose. En effet, à cet endroit, la piste se divisait.

— Prenez à gauche, ordonna Malko.

La nouvelle piste s’enfonçait entre des collines calcaires. Ils n’eurent pas longtemps à attendre. La voiture noire était là, cachée sous un arbre, portières ouvertes. L’hélicoptère s’arrêta dessus en vrombissant.

— Ne restez pas là…

Malko n’eut pas le temps de finir. Devant lui, le plexiglas de la cabine vola en éclats. Il se rejeta en arrière. L’hélicoptère trembla, sous le choc des impacts. Tacata et ses hommes leur avaient tendu un piège. Ils étaient bien en avant de la voiture, cachés sous le feuillage.

Un jet d’huile jaillit sous le nez de Malko. Derrière lui, Clarke jura et lâcha une rafale de mitraillette.

— Accrochez-vous, on se pose, annonça le pilote.

Le choc fut brutal. Malko donna du front contre le plexiglas et demeura inconscient quelques secondes. Il sentit qu’on le tirait par les épaules. Plusieurs détonations claquèrent à ses oreilles.

Quand il reprit complètement connaissance, il était couché dans un fossé, son beau complet était plein de terre et à côté de lui, Clarke, la mitraillette en batterie, ne bougeait pas. Un peu plus loin son adjoint brandissait un gros colt 45.

Clarke se leva, l’arme à la hanche.

— Ils sont partis. C’était bien joué.

La voiture noire avait disparu. L’hélicoptère avait piteuse allure. Le train avait cassé sous le choc et une des pales s’était fichée en terre. Inutilisable.

— La radio marche ? demanda Malko.

— En miettes, répliqua le pilote de mauvaise humeur. Vous auriez dû me prévenir qu’on faisait la guerre, j’aurais pris mon armure.

— Où sommes-nous ? demanda Clarke.

— À 50 kilomètres du premier village, fit amèrement le pilote. Une paille ! En courant, on fera ça en deux heures. Si vous êtes capable de courir pendant deux heures.

— Pour la radio, vous êtes sûr ? demanda Felipe.

Il avait une énorme bosse au front et sa veste était déchirée.

Les quatre hommes se regardèrent. La situation n’était pas brillante. Dans deux heures, la nuit serait tombée. Tacata serait loin. Sauf miracle…

— Il n’y a pas de temps à perdre, dit Malko. Mettons-nous en route. Il faut atteindre un endroit d’où nous puissions donner l’alarme.

Se tournant vers le pilote, il lui suggéra :

— Si vous n’avez pas envie de marcher, restez là. On vous enverra du secours.

L’Américain n’avait pas l’air très chaud. Mais marcher toute la nuit, c’était encore moins alléchant.

— Entendu. Je reste. Bonne chance pour la balade. La prochaine fois, demandez une forteresse volante. C’est mieux, pour ce que vous faites.

Malko prit la tête de la caravane. Clarke avait gardé sa mitraillette, qu’il traînait à bout de bras. Pendant ce temps-là Tacata roulait à cent à l’heure vers sa vengeance.

La nuit tomba très vite. Les quatre hommes marchaient en silence. A part Felipe, les trois autres avaient l’air de ramper. Malko, en particulier, pestait intérieurement. Il aurait dû prévoir la ruse du diabolique petit Japonais. Et maintenant, l’autre avait repris l’avantage.

Neuf heures. Si tout se passait bien, ils arriveraient au premier village vers minuit. Débarquer à cette heure-là dans un village mexicain perdu, ça promettait ! Avec un peu de chance, ils termineraient à dos d’âne.

— Une voiture ! s’écria Felipe.

Des phares arrivaient vers eux. À un kilomètre.

— Cachez-vous, fit le Mexicain. S’il voit quatre hommes, il ne s’arrêtera jamais. Je vais me mettre au milieu de la route.

Les trois hommes plongèrent sur le bas-côté.

Clarke arma sa mitraillette :

— Moi, je ne continue pas à pied, grommela-t-il. Il a intérêt à s’arrêter.

Felipe, au beau milieu de la route, agitait les bras. Le véhicule approchait. C’était un camion.

Le chauffeur aperçut Felipe. Il klaxonna plusieurs fois. Felipe ne bougeait pas, agitant les bras de haut en bas ; le geste qui signifie « stop » dans tous les pays du monde. Clarke suivait le camion dans le viseur de sa mitraillette… si le chauffeur avait vu son expression, il aurait accéléré.

Au dernier moment, il freina pour ne pas écraser Felipe. Aussitôt le policier sauta sur le marchepied. Clarke bondit de son fossé, Malko et Philipps sur ses talons.

Il y eut un concert de hurlements : sur le chargement de liège, il y avait une vingtaine de personnes !

Le camion fit un bond en avant, eut un hoquet et stoppa. Une masse épaisse jaillit de la cabine : le chauffeur se releva le premier et tira de sa botte un long couteau.

— Hold it !

Clarke avait crié en anglais. Le Mexicain ne comprit pas, mais il vit le canon de la mitraillette braqué sur son ventre et laissa tomber son couteau. Il se mit à injurier le groupe, les promettant à la potence, au minimum. Quand Felipe expliqua qu’il était policier, l’autre ne l’écouta même pas…

Il fallut une demi-heure de palabres pour éclaircir un peu la situation. Mais quand Felipe lui ordonna de faire demi-tour, le chauffeur, de rage, se roula par terre, et déclara qu’on lui passerait plutôt sur le corps. Le chœur antique des passagers renchérit. Clarke fut obligé de brandir sa mitraillette. Sous la menace de l’arme, le chauffeur monta derrière et Felipe prit le volant. Malko et Philipps se tassèrent à côté de lui. Clarke restait sur le marchepied, pour prévenir tout incident. Après un demi-tour grinçant, le camion se lança vers le nord.

— Foncez, fit Malko.

Felipe haussa les épaules.

— Si je dépasse 50 milles, je casse tout…

Mais il grimpa à 65 milles et s’y tint. Pas un instrument ne marchait. Un phare éclairait le ciel. Après plusieurs secousses, la poignée de la portière tomba sur les genoux de Malko. Il la jeta par la vitre ouverte. De derrière parvenaient les hurlements effrayés des « passagers ». Accroché à sa portière, Clarke avalait un cent de moustiques à la minute.

Ils passèrent ainsi en trombe des villages endormis. Felipe avait décidé d’aller jusqu’à Los Mochis, un gros bourg où ils pourraient trouver un moyen de transport. Ils y furent à minuit. Sur la place, l’arrivée du camion fit sensation. En vingt secondes, il y eut cinquante personnes agglomérées autour du véhicule. Les passagers pleuraient et criaient. Une femme vint vociférer sous le nez de Clarke. De ses explications confuses, il ressortait que son mari, durant la course folle, était tombé du camion…

Clarke répondit dignement que le gouvernement américain la dédommagerait de sa perte. Il était crevé et n’avait pas envie de discuter.

Le chauffeur du camion embrassait le capot de son véhicule comme si c’était sa mère. Il l’avait vu dix fois dans un ravin et c’était son gagne-pain. Finalement, il remercia la madone à genoux.

Felipe avait disparu. Il revint avec un homme complètement endormi : le chauffeur de taxi de l’endroit. Pour 1000 pesos, il acceptait de les conduire à la frontière, c’est-à-dire à Mexicali. En se dépêchant, ils y seraient le lendemain matin. Il alla chercher son taxi, une vieille Pontiac, et les quatre hommes y montèrent. À la sortie du village, le poste d’essence était encore ouvert. Felipe descendit, interrogea le pompiste et revint :

— La voiture est passée, il y a environ trois heures. Avec trois hommes au moins. Ils allaient vers le nord.