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— Bon, allons-y, répondit Malko.

Les premiers kilomètres furent effroyables. Somnolent, le Mexicain naviguait d’un bord à l’autre de la route. Ils frôlèrent un camion et manquèrent de peu une vache errante. Tous les dix kilomètres, Felipe bourrait le chauffeur de coups de coudes, pour l’empêcher de s’endormir complètement. À l’arrière, Malko tassé entre les deux Américains essayait vainement de dormir. Traquer un Japonais fou, du fond d’un taxi mexicain, c’est quand même ce qu’il avait fait de pire au cours de sa vie aventureuse.

Il y eut un coup de frein terrible. La voiture tangua. Malko reçut dans le ventre les 100 kilos de Clarke. Une masse sombre défila devant lui. Le chauffeur n’avait pas vu un virage et continué tout droit dans un champ.

Heureusement, il n’y avait pas de fossé. Mais, cette fois, Felipe prit le volant et Malko ferma l’œil.

La bouche pâteuse, il fut réveillé par Clarke qui le secouait.

– Vite ! Ils sont devant nous, soufflait l’Américain.

Malko ouvrit tout à fait les yeux. Ils étaient arrêtés sur le bas-côté de la route. À cinquante mètres devant, la voiture noire, immobile sous un arbre, il faisait déjà presque jour, mais la buée s’était déposée sur les vitres de la voiture, empêchant de voir à l’intérieur. Felipe, Clarke et Philipps étaient accroupis derrière des arbres, l’arme au poing.

Ou les occupants de la voiture noire dormaient, ou ils s’étaient enfuis. Malko s’approcha jusqu’à dix mètres. C’était bien la voiture qui avait échappé à la bombe. Sa mémoire étonnante l’avait photographiée.

Clarke rejoignit Malko :

— On leur balance une grenade ?

— J’ai l’impression qu’ils sont partis, dit Malko. Tirez une rafale en l’air, pour voir. De toute façon, ils sont coincés.

— Je vais voir, dit Clarke.

Il se leva, et, la mitraillette à la hanche, s’avança vers la voiture. Rien ne bougea. Il ouvrit brusquement la portière arrière.

— C’est vide, cria-t-il.

Les autres s’approchèrent. La voiture était vide, mais pas tout à fait : sur le siège avant, il y avait deux cadavres.

Malko se pencha sur eux et retourna le corps affalé sur la banquette. D’abord il crut qu’il s’agissait d’un des frères Mayo. C’était un Mexicain à moustache, jeune, l’air étonné. Il avait reçu un coup de poignard dans le dos, à la hauteur du cœur.

Clarke dégagea l’autre corps et l’étendit sur le bas-côté.

Lui aussi avait été poignardé par-derrière. Les deux corps, chose singulière, étaient en sous-vêtements et en chaussettes…

Malko les regardait. Pourquoi ces meurtres ? Et pourquoi cette mise en scène ? Il se glissa derrière le volant de la voiture et mit en marche. La clef était au tableau de bord. Le moteur toussa, mais ne démarra pas : plus d’essence.

Cela expliquait pourquoi Tacata et les Mayo avaient abandonné leur véhicule. Quant aux vêtements, ils avaient peut-être eu peur que les leurs aient été soumis à des radiations mortelles. Tacata, homme de science, avait certainement reconnu l’explosion d’une bombe atomique.

En fouillant sous le siège arrière, Malko découvrit une grande boîte de cornflakes à moitié pleine : Tacata avait oublié son déjeuner : l’estomac fragile, c’était sa seule nourriture.

— Continuons, dit Malko. Il faut les rattraper avant qu’ils ne franchissent la frontière.

Ils remontèrent tous en voiture et Felipe reprit le volant. Le chauffeur ne s’était même pas réveillé.

Le jour se levait. Il commençait à y avoir de la circulation. Malko tâta son menton rugueux. Il avait horreur d’être mal rasé. Une sourde angoisse lui serrait le ventre. Ils avaient beau rouler à 100 milles à l’heure, le Japonais avait au moins trois heures d’avance, trois heures pendant lesquelles il pourrait provoquer des catastrophes. Qu’il parvienne à une grande ville comme San Diego ou Los Angeles, et cela signifierait des milliers de morts. Et maintenant ils ignoraient dans quelle voiture l’Asiatique se trouvait.

Mexicali était encore désert lorsqu’ils y parvinrent. Seul le poste de douanes était ouvert. Felipe s’y présenta avec Malko. Il fallut dix minutes au fonctionnaire endormi pour qu’il comprenne que Felipe était policier et avait besoin de téléphoner.

On les brancha enfin sur le poste frontière américain d’El Centro, la ville jumelle de Mexicali. Clarke prit l’appareil. Il fit appeler un capitaine,

Clarke se présenta et commença à expliquer qui il était. Le capitaine le prit de haut.

— Capitaine, hurla Clarke, si vous ne voulez pas balayer la cour de votre caserne pour le restant de vos jours, je vous conseille de faire ce que je vous dis. Vous allez ordonner au F.B.I. et à toutes les polices de l’Etat, de rechercher les trois hommes dont je vais vous donner le signalement. Et vous allez fermer tous les postes frontières avec le Mexique !

— Mais vous êtes fou ! gémit le capitaine. Vous ne vous rendez pas compte qu’il y a cinq mille personnes qui passent ici tous les matins pour venir travailler. Ça va faire une émeute.

— Je m’en fous, hurla Clarke. Trois individus qui présentent le plus grand danger pour la sécurité des Etats-Unis tentent en ce moment de franchir la frontière. Il faut les en empêcher à tout prix.

Il donna ensuite le signalement de Tacata et des frères Mayo. Puis donna à l’officier un numéro de San Diego pour qu’il l’appelle immédiatement. Ainsi il vérifierait auprès du F.B.I. son identité.

— Un Japonais haut comme trois pommes et tout jaune, ça ne doit pas être facile à manquer, conclut-il.

Quand il sortit du poste de douanes, il était enfin réveillé. Felipe, lui, dormait sur le volant.

— Faisons-nous conduire au poste frontière, proposa Malko. Nous trouverons un véhicule plus facilement.

Ils s’engagèrent dans le no man’s land qui séparait les deux frontières. Il n’y avait que des motels miteux et fermés, quelques boutiques misérables. Soudain, ils virent une voiture arrêtée devant un motel. Elle avait une grande antenne à l’arrière et deux phares sur le toit.

— Une voiture de police, fit Felipe. Ils vont pouvoir nous aider.

Il donna un grand coup de klaxon et vint se ranger près de la voiture. Effectivement, sur la portière, il y avait un écusson et une inscription en lettres dorées : Policia Federale. A l’avant, deux hommes en tenue bleue et casquette. En apercevant la voiture, ils descendirent et vinrent encadrer le véhicule de Malko.

Un des policiers ouvrit la portière arrière. Malko leva la tête.

Un des frères Mayo le contemplait, derrière le canon d’un gros colt. La tenue de policier lui allait très bien. Au même moment, à l’autre portière, l’autre Mayo neutralisait Clarke et Felipe.

— Bonjour, fit le premier des Mayo. Nous vous attendions. Je suis heureux que vous soyez arrivés à bon port.

— Ainsi c’est vous qui avez tué les deux policiers ! dit calmement Malko.

— Exactement. Comme nous allons vous tuer. Quand vous nous aurez servi…

Il se pencha un peu plus vers Malko et, du canon du pistolet, le frappa brutalement sur la tempe.

— Salaud ! Mes frères étaient dans la voiture blanche. Ils n’ont pas pu sortir, eux. Je te découperai en morceaux, pour ça !…

Malko crut que son front éclatait. Mais il ne dit rien. À l’avant, Felipe avait vu la scène.

— Doux Jésus ! dit-il doucement.

Et il mit la main sur la crosse de son pistolet. Mayo l’avait vu. Il frappa de toutes ses forces sur la nuque. Le Mexicain s’effondra comme une masse sur le volant.

— Tenez-vous tranquille, si vous ne voulez pas mourir tout de suite, siffla Mayo. D’abord, descendez.