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— Sans doute que non. Pas de sang-froid. Même les soldats au cœur du combat doivent être mis dans un certain état d’esprit pour tuer des étrangers.

Silver parut soulagée.

— Donc, quelle autre solution avons-nous ? En admettant qu’on puisse se rendre maîtres de l’Habitat…

— La reconfiguration de l’Habitat avec les outils et le matériel déjà sur place – en évitant tout gaspillage. Il faudra s’attendre que GalacTech tente de reprendre son bien et donc être prêts à le défendre. Les faisceaux à densité de haute énergie pourront se révéler des armes très dissuasives pour les navettes qui essaieraient d’accoster – si toutefois quelqu’un a le courage de s’en servir, ajouta-t-il avec une ironie agacée. La compagnie n’a pas de vaisseaux de guerre dans son arsenal, encore heureux. Une vraie force militaire ne ferait qu’une bouchée de cette mutinerie, tu t’en doutes…

Son imagination lui fournit les détails et il frémit à cette idée.

— Notre seule défense sera d’être partis avant que GalacTech ne rapplique. Ce qui signifie qu’il nous faudra aussi un pilote de saut.

Il pointa son index sur elle.

— Et c’est là que tu interviens, Silver. Je connais un pilote qui va passer bientôt par la station de transfert ; il serait… peut-être plus facile à kidnapper qu’un autre. Surtout si tu utilises ton pouvoir de persuasion…

— Ti ?

— Ti, confirma-t-il.

Elle eut une moue dubitative.

— Peut-être…

Leo dut combattre une nouvelle sensation de malaise, plus forte encore. Pourtant, la relation de Ti et de Silver avait débuté avant son arrivée ; ce n’était pas comme s’il jouait les entremetteurs… Il saisit vite la vraie raison de ce trouble – ce qu’il souhaitait, en fait, c’était l’éloigner le plus possible du pilote. Et après ? Tu veux la garder pour toi ? Sois sérieux. Tu es bien trop vieux pour elle. Ti avait quoi… vingt-cinq, vingt-six ans ? Il n’était sûrement pas de taille, face à lui.

— La troisième chose à faire en priorité, dit-il en revenant aux choses sérieuses, c’est de nous emparer d’un superjumper. Si on attend que l’Habitat soit en place devant le couloir, GalacTech aura eu le temps de trouver un moyen de protéger sa flotte. Comme, par exemple, d’expédier tous ses vaisseaux du côté d’Orient IV et de nous faire un pied de nez en attendant qu’on soit forcés de se rendre. Ce qui implique…

La perspective de l’étape suivante lui procurait une certaine angoisse.

—… que nous devrons envoyer un bataillon jusqu’au couloir pour détourner un jumper. Et je ne pourrai pas en faire partie. Ma présence ici est nécessaire pour assurer la défense et m’occuper de l’Habitat… Les quaddies devront se débrouiller seuls. Oui, enfin, il faut voir…

Sa voix s’éteignit.

— Ce n’est peut-être pas une si bonne idée non plus, en fin de compte…

— Envoyez Ti avec eux, suggéra-t-elle. Il en sait plus sur les cargos-jumpers que n’importe lequel d’entre nous.

Leo reprit espoir. S’il devait mettre en balance les chances de succès et les risques d’échec dans cette histoire, autant renoncer tout de suite. Il fallait croire. Croire en Ti. Croire en sa bonne étoile.

— Ce qui signifie que notre objectif numéro un est d’amener Ti à embrasser notre cause, réfléchit-il à haute voix. Dès l’instant où il aura déserté son poste, on avancera en terrain découvert. Et ce sera la course contre la montre. Autrement dit, on n’a pas une minute à perdre pour organiser le déménagement de l’Habitat. Et… Oh !… Oui, bien sûr…

Il eut un sourire lumineux.

— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Silver.

— Je viens d’avoir une idée géniale pour nous donner une bonne longueur d’avance…

Leo programma son entrée avec minutie, patientant jusqu’à ce que Van Atta se fût claquemuré dans son bureau depuis près de deux heures. Le directeur ne tarderait pas à atteindre le degré optimum d’exaspération inhérent à tout problème ardu, en l’occurrence le démantèlement de l’Habitat. Leo n’avait aucun mal à imaginer le casse-tête auquel il devait se heurter pour établir son planning : enfermé dans sa cabine, il avait travaillé pendant huit heures comme un forcené sur sa console, après avoir pris soin de rendre son programme inaccessible aux fouineurs de tout poil.

Van Atta, qui venait de lancer une impression, le regarda entrer avec méfiance. Sur le vid de son ordinateur scintillaient les configurations colorées de l’Habitat.

— Que se passe-t-il encore, Leo ? Je suis occupé.

Leo dissimula toute animosité derrière un sourire affable.

— J’avais pensé, Bruce… J’aimerais me porter volontaire pour participer au démantèlement de l’Habitat.

— Et pourquoi ?

Inutile de jouer les bons Samaritains. Van Atta n’y croirait pas une minute. Leo avait sa réponse toute prête.

— Parce que, même s’il m’en coûte de l’admettre, vous aviez raison, une fois de plus. J’ai réfléchi à ce que cette mission m’aura rapporté, au bout du compte. Y compris le voyage, j’aurai donné quatre mois de ma vie – même plus, une fois que tout sera fini – pour ne récolter que des blâmes sur mon carnet de notes…

— Vous l’avez cherché.

Van Atta se massa la tempe, à l’endroit où l’ecchymose commençait à verdir.

— J’ai un peu perdu les pédales, c’est vrai, avoua Leo. Mais je pense être retombé sur mes pieds, maintenant.

— Un peu tard, ironisa Van Atta.

— Donnez-moi une chance, Bruce. J’ai vraiment besoin de me racheter, de faire quelque chose qui inciterait la direction à passer l’éponge. J’ai des idées qui permettraient de récupérer un maximum de matériel, et de réduire les coûts. Ça vous débarrasserait de tout le travail manuel et vous pourriez agir plus librement sur le plan administratif.

— Hmm…

De toute évidence, Van Atta commençait à mordre à l’hameçon. La perspective d’un retour à la tranquillité était un appât de choix. Il étudia Leo à travers la fente de ses yeux.

— Très bien… allez-y. Je vous donne mes notes. Ah !… veillez à me montrer tous vos plans et rapports. Je les ferai suivre moi-même.

— Entendu.

Leo ramassa les feuillets plastifiés et les disquettes encombrant le bureau. C’est ça, fais suivre… en remplaçant mon nom par le tien. Leo pouvait presque voir les rouages fonctionner dans la tête de Van Atta. À Leo le sale boulot, à Bruce les honneurs… Ne t’inquiète pas, Brucie-baby. Personne ne contestera ton entière responsabilité dans l’opération, une fois celle-ci terminée.

— J’aurais besoin de plusieurs autres choses, ajouta Leo d’un ton humble. Avoir le plus de quaddies possible sous mes ordres ; ils pourraient venir en dehors de leurs activités habituelles. Ces gosses vont apprendre à travailler comme jamais auparavant. Comptez sur moi pour les secouer. C’est faisable ?

— Parce que vous voulez mettre la main à la pâte, en plus ?

La satisfaction de Van Atta céda aussitôt le pas à la méfiance.

— Et comment comptez-vous garder le secret sur cette histoire ?

— Je peux présenter les premières opérations du planning comme des exercices d’entraînement. Nous gagnerons une semaine ou deux. Mais de toute façon, il va bien falloir les mettre au courant, un de ces jours.

— Le plus tard possible. N’oubliez pas que s’il souffle le moindre vent de rébellion parmi les quaddies, je vous tiendrai pour unique responsable. Compris ?

— Tout à fait. Oh ! à propos… j’aurais besoin aussi que mon gravi-congé soit repoussé à plus tard.

— La direction générale n’aime pas ça.