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Une émotion troubla le visage de Ti.

— Je laisse tomber, dit-il enfin, consterné. J’ai encore le temps de repartir et de prendre mon vaisseau…

— Et cela, le coupa Leo, est précisément la raison pour laquelle Silver dirige cette mission. La capture du cargo-jumper entraînera le soulèvement des quaddies dans l’Habitat. Et ce soulèvement signera leur arrêt de mort. Quand les responsables de GalacTech découvriront qu’ils ne peuvent plus contrôler les quaddies, ils voudront les exterminer. Le bon déroulement de leur fuite doit être assuré avant que nous abattions nos cartes. Le vaisseau dont vous devrez vous emparer se trouve dans cette direction, dit-il en pointant l’index. Et Silver s’en souviendra. Vous n’êtes pas pire qu’un autre, ajouta-t-il avec un mince sourire.

Ti se le tint pour dit, bien que de mauvaise grâce.

Silver, Zara, Siggy, Jon, un quaddie de l’équipe des cargos-pousseurs, et Ti. Soit cinq passagers entassés dans un vaisseau prévu pour une équipe de deux et sans doute pas pour un long voyage. Leo soupira. L’équipage des superjumpers se composait d’un pilote et d’un ingénieur. Cinq contre deux. Ils avaient l’avantage du nombre, certes, mais il regrettait tout de même de ne pas pouvoir envoyer plus de quaddies afin de faire vraiment pencher la balance en leur faveur.

Ils s’engagèrent dans le tube flexible pour embarquer dans le cargo-pousseur. Silver s’arrêta pour embrasser Claire et Pramod qui les avaient accompagnés.

— On va récupérer Andy, tu verras, murmura-t-elle à Claire.

Celle-ci l’étreignit avec force.

Silver se tourna enfin vers Leo qui regardait les quaddies disparaître dans le tube.

— Ne laisse pas Ti se dégonfler, d’accord ? dit-il. Il faut réussir, vous n’avez pas le choix.

— Je ferai tout ce que je peux. Leo… pourquoi pensiez-vous que Ti était amoureux de moi ?

— Je ne sais pas… Vous étiez intimes, alors… le pouvoir de la suggestion… Tous ces romans d’amour…

— Ti ne lit pas ce genre de livres. Il préfère les Ninja.

— Et toi ? Tu n’étais pas amoureuse de lui ? Au moins au début ?

— C’était excitant, d’enfreindre le règlement avec lui. Mais Ti est…

Elle haussa les épaules.

— Ti, c’est Ti. L’amour qu’on lit dans les livres n’existe pas vraiment. Aucun des gravs de l’Habitat ne ressemble aux héros. Je suis stupide d’être aussi subjuguée par ces livres.

— Ils ne reflètent pas trop la réalité, en effet… Pour être franc, je n’en ai jamais lu. Mais il n’y a rien d’idiot à vouloir quelque chose de mieux, Silver.

— Mieux que quoi ?

Mieux que d’être utilisée par des gravs sans scrupule. Mais on n’est pas tous comme ça, Silver… Pourquoi éprouvait-il le désir de se délester de son propre fardeau sur elle, maintenant, alors qu’elle avait besoin de toute sa concentration pour la tâche qui l’attendait ? Il secoua la tête.

— Quoi qu’il en soit, ne te laisse pas influencer par Ti. Garde bien le but de ta mission à l’esprit.

Il se racla la gorge, ému.

— Sois prudente.

— Vous aussi, Leo.

Elle ne l’étreignit pas comme elle avait étreint Claire et Pramod.

Et ne crois surtout pas que personne ne pourrait t’aimer, Silver… songea-t-il quand elle eut disparu dans le tube flexible.

10

Il faisait frais, dans la baie de déchargement des navettes de fret ; Claire se frottait les mains pour les réchauffer. Son cœur battait fort. L’impatience, l’angoisse… Elle se tourna vers Leo, flottant presque immobile à côté d’elle devant les portes hermétiques.

— Merci d’être venu me chercher, dit-elle. Vous êtes sûr que vous n’aurez pas de problème, si M. Van Atta l’apprend ?

— Qui ira lui dire ? En plus, je pense que Bruce commence à se lasser de te tourmenter. Tout devient si futile… Et tant mieux pour nous. De toute façon, je dois parler à Tony ; il est préférable qu’il t’ait vue avant pour qu’il me prête toute son attention.

Il lui sourit d’un air rassurant.

— Dans quel état sera-t-il ? soupira-t-elle.

— Sans doute en bonne voie de guérison, sinon le Dr Minchenko n’aurait pas pris le risque de le faire voyager, même pour l’avoir sous les yeux.

Un bruit sourd et des grincements de machinerie leur signalèrent que la navette venait d’accoster. Les quaddies de service installèrent les tubes flexibles. Le tube du personnel s’ouvrit le premier ; l’ingénieur de la navette passa la tête pour s’assurer que tout était bien en place.

Le Dr Minchenko émergea enfin et resta un instant immobile, agrippé à une poignée près de l’écoutille. C’était un homme vif, aux traits burinés, les cheveux aussi blancs que sa combinaison. Il avait sans doute été bien charpenté, autrefois, mais l’âge l’avait ratatiné comme un abricot sec, sans toutefois le déposséder de son extraordinaire vitalité. Claire avait toujours eu la sensation qu’il suffirait de le réhydrater pour qu’il retrouve la carrure de sa jeunesse.

Il sortit du sas et traversa la baie dans leur direction.

— Tiens, bonjour, Claire, dit-il, surpris. Ah !… Graf, ajouta-t-il d’un ton plus sévère. Autant vous dire que je n’apprécie pas du tout qu’on fasse pression sur moi pour que je ferme les yeux sur une violation flagrante du règlement médical. Vous me ferez le plaisir de passer deux fois plus de temps dans le gymnase jusqu’à ce que vous preniez votre gravi-congé, entendu ?

— Oui, docteur, merci, répondit humblement Leo. Où est Tony ? Nous pouvons vous aider à le conduire à l’infirmerie.

Minchenko, le front plissé, se tourna vers Claire.

— Tony n’est pas avec moi, ma fille, il est resté à l’hôpital de Rodeo.

Claire porta une main à sa gorge.

— Oh !… Est-ce qu’il… ?

— Rassure-toi, il va bien. J’étais déterminé à le ramener avec moi, d’autant que, à mon avis, il se remettrait beaucoup plus vite en apesanteur. Le problème, en fait, est… administratif, et non médical. Et je compte bien aller dès maintenant le résoudre.

— Bruce aurait-il ordonné qu’il reste sur Rodeo ? demanda Leo.

— Exactement, confirma Minchenko. Et je n’aime pas beaucoup qu’on marche sur mes plates-bandes. Je lui conseille d’avoir une bonne raison à me fournir. Du temps de Daryl Cay, on ne se serait jamais retrouvés dans une situation aussi invraisemblable…

— Vous… euh… vous ne semblez pas encore au courant des nouvelles directives ? s’enquit Leo.

— Quelles nouvelles directives ? Je vais aller sur-le-champ trouver cet imbécile de… enfin, notre directeur. Et voir de quoi il retourne.

S’adressant à Claire, il adopta un ton plus doux :

— Ne t’inquiète pas. Tout va s’arranger. Tony ne souffre plus d’hémorragie interne et il n’y a plus aucun signe d’infection. Vous autres quaddies êtes robustes et bien plus résistants à la gravité que nous le sommes à l’apesanteur. Cette expérience l’a confirmé. Je regrette seulement qu’elle ait été aussi traumatisante. Il faut dire que la jeunesse y est pour beaucoup… À propos de jeunesse, comment va le petit Andy ? Il dort mieux, maintenant ?

Claire faillit éclater en sanglots.

— Je n’en sais rien, dit-elle d’une voix étranglée.

— Comment ça ?

— Ils ne veulent pas que je l’approche.

— Quoi ?

— Claire n’est plus autorisée à s’occuper d’Andy, expliqua Leo. Sous prétexte qu’elle serait irresponsable et donc dangereuse pour son fils… Bruce ne vous en a pas parlé non plus ?