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— C’est idiot ! L’assassin avait tout le temps de me tirer dessus et il ne l’a pas fait. C’est Edmond qu’il visait !

— Mademoiselle Vidal… (Une veine palpitait dans le cou de l’agent.) Le prince veut qu’on vous ramène à Madrid. Il s’inquiète pour vous.

— Non, il s’inquiète des répercussions politiques !

Fonseca poussa un long soupir et baissa la voix :

— Mademoiselle Vidal, ce qui s’est passé ce soir est terrible pour l’Espagne. Cela l’est aussi pour le prince. Inviter cette personne dans votre musée était une très mauvaise décision.

La voix de Winston résonna dans la tête de Langdon :

— Professeur ? La sécurité a visionné les images. Ils ont trouvé quelque chose.

Langdon écouta les explications de Winston et fit signe à Fonseca, interrompant ses réprimandes envers la jeune femme.

— L’ordinateur dit qu’une caméra sur le toit a filmé le véhicule emprunté par Ávila.

— Ah bon ?

— Une berline noire, annonça Langdon répétant mot pour mot les paroles de Winston. Quittant l’allée de service… Sous cet angle les plaques ne sont pas visibles… mais il y a un autocollant bizarre sur le pare-brise.

— À quoi il ressemble ? s’impatienta l’agent. On va prévenir la police.

— Je ne connais pas précisément cet autocollant, répondit Winston dans les écouteurs. Mais en le comparant avec les banques de données disponibles sur la planète, j’ai trouvé une correspondance. Une seule.

Déjà ! s’émerveilla Langdon.

— Il s’agit d’un ancien symbole alchimique, poursuivit Winston. Celui de l’amalgamation.

Langdon s’attendait plutôt au logo d’un parking ou d’une quelconque organisation.

— Le symbole de l’amalgamation ?

L’agent fronçait les sourcils, perplexe.

— Ce doit être une erreur, Winston, insista Langdon. Pourquoi un symbole alchimique ?

— Je n’en sais rien. C’est la seule correspondance que j’ai trouvée. Identique à quatre-vingt-dix-neuf pour cent.

Langdon se souvenait de ce symbole ancien :

— Winston, décrivez-moi cet autocollant.

Le programme répondit aussitôt :

— Une tige verticale, coupée par trois lignes transversales. Au sommet de la tige il y a une arche inversée en « U ».

— Et, au sommet des branches du « U », y a-t-il des chapeaux ?

— Oui. Deux petits traits horizontaux.

C’était bien le signe de l’amalgamation…

Troublant.

— Winston, pouvez-vous nous envoyer l’image ?

— Bien sûr.

— Sur mon portable ! intervint Fonseca.

Langdon passa le mot à Winston et, quelques secondes plus tard, le téléphone de l’agent émit un bip. Tout le monde s’approcha pour examiner le cliché en noir et blanc.

Une voiture noire. Et sur le pare-brise le symbole décrit par Winston.

L’amalgamation ? Vraiment étrange.

Langdon effleura l’écran pour agrandir la photo, et se pencha pour examiner un détail.

Dans l’instant, il comprit le problème.

— Ce n’est pas l’amalgamation.

Le signe était très proche. Mais pas exactement similaire. Et en symbologie, la différence entre similitude et exactitude était abyssale, c’est ce qui différenciait la croix nazie du symbole bouddhiste de la prospérité.

Voilà pourquoi l’esprit humain reste parfois plus efficace qu’un ordinateur.

— Il ne s’agit pas d’un seul autocollant, mais de deux différents, qui se chevauchent un peu. Celui du bas est un crucifix particulier appelé croix papale. Très connu, en particulier en Espagne.

Avec l’élection du souverain pontife le plus progressiste de l’histoire, des milliers de gens sur la planète brandissaient cette croix à triple croisillon pour montrer leur soutien à la nouvelle politique papale. Même à Cambridge, dans le Massachusetts, ce signe fleurissait partout.

— Quant au « U », c’est un symbole d’une tout autre nature.

— Vous avez raison, admit Winston. J’appelle tout de suite la compagnie.

Winston était quand même sacrément rapide ! se dit Langdon.

— Bonne idée. Avec un peu de chance, ils pourront suivre la voiture.

Fonseca était perdu.

— Comment ça « suivre la voiture » ?

— Notre homme a pris un Uber !

26.

Fonseca était stupéfait. Mais de quoi au juste ? se demandait Langdon. Du décodage express du pictogramme ? Ou du fait que le tueur ait pris un Uber pour s’échapper ?

Restait à savoir s’il s’agissait d’une idée de génie ou d’une grossière erreur… Les véhicules étaient facilement traçables.

La Ubermania avait gagné toute la planète. En Espagne, l’État exigeait que les chauffeurs apposent ce logo sur leur pare-brise. Apparemment, ce particulier qui arrondissait ses fins de mois en faisant le taxi était également un fervent supporter du nouveau pape.

Langdon se tourna vers l’agent.

— Winston a pris la liberté d’envoyer cette photo à la police pour que les barrages aient l’info.

Fonseca en demeura bouche bée. Il n’avait visiblement pas l’habitude d’être à la traîne. Il ne savait pas trop s’il devait remercier Winston ou lui signifier de s’occuper de ses affaires.

— Et maintenant, il appelle le central d’Uber.

— Non ! répliqua l’agent. Donnez-moi ce numéro ! Je vais le faire. Ils seront plus coopératifs avec nous qu’avec un ordinateur.

Fonseca avait sans doute raison. Et il valait mieux que la Guardia participe à la chasse à l’homme plutôt que perdre son temps à ramener Ambra à Madrid.

Sitôt le numéro obtenu, l’agent appela.

Ils allaient attraper rapidement l’assassin. La localisation des véhicules était au cœur du système de l’entreprise ; n’importe quel client avec un smartphone pouvait savoir où se trouvait chaque Uber partout sur la planète. Il suffisait de savoir quel chauffeur avait pris un client au musée.

¡ Hostia ! jura Fonseca. Automatizada.

Il était tombé sur une boîte vocale.

— Professeur, dès que j’aurai eu quelqu’un chez Uber, je transmettrai l’affaire à la police locale, et l’agent Díaz et moi-même vous conduirons à Madrid.

— Comment ça « vous » ? Je ne peux absolument pas vous accompagner.

— Pourtant, vous êtes du voyage. Et votre petit gadget électronique aussi, ajouta-t-il en désignant les écouteurs de Langdon.

— Vraiment, je ne peux pas. Désolé.

— C’est curieux. Vous êtes bien professeur à Harvard ?

— Oui. Et alors ?

— Alors, étant donné votre QI, vous devriez comprendre que vous n’avez pas le choix.

Fonseca tourna les talons et retourna à son appel.

Langdon ouvrit des yeux ronds. C’était du grand n’importe quoi !

— Professeur…, murmura Ambra derrière lui.

Il fut saisi par l’expression de la jeune femme. La stupeur avait laissé place à la peur et au désespoir.

— Edmond avait pour vous un grand respect. C’est pour cela qu’il a passé cette vidéo de vous… Je me dis que je peux vous faire confiance. J’ai quelque chose à vous avouer.

Langdon la regarda, attendant la suite.

— Edmond est mort par ma faute.

Les yeux de la jeune femme s’emplirent de larmes. Elle tourna la tête vers Fonseca pour s’assurer qu’il ne pouvait pas les entendre.