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En un rien de temps, ils venaient d’enchaîner une série de manœuvres de diversion. Une belle complicité !

Au signal de Langdon, Winston avait éteint les lumières et plongé le dôme dans l’obscurité. Langdon avait mémorisé l’endroit où se trouvait l’entrée du tunnel, et son estimation avait été presque parfaite. Très vite, Ambra avait jeté son téléphone dans le conduit. Puis, au lieu d’emprunter le passage, ils avaient longé la paroi et fait le tour de la salle jusqu’à trouver la déchirure dans le tissu qu’avait ménagée l’agent Díaz pour poursuivre l’assaillant. Ils étaient alors sortis du dôme et tentaient à présent de rejoindre l’issue de secours.

Winston s’était décidé à les aider avec une célérité surprenante :

— S’il suffit d’un mot de passe pour révéler au monde la découverte d’Edmond, il faut le trouver au plus vite. Je devais m’assurer que la soirée soit une réussite. À l’évidence, j’ai failli à ma mission, alors si je peux faire quoi que ce soit pour réparer ma défaillance, je suis partant.

Langdon allait le remercier, mais Winston avait continué de parler, à une vitesse surnaturelle, à la manière d’un magnétophone en avance rapide :

— Si je pouvais avoir accès à l’enregistrement, je l’aurais déjà diffusé, vous vous en doutez, mais comme vous l’a dit Edmond il est conservé sur un serveur à l’extérieur. Apparemment, avec son téléphone et son mot de passe, on peut s’y connecter. Je viens d’explorer tous les poèmes connus ayant des vers de quarante-sept lettres mais il y a des centaines de milliers de possibilités, au bas mot, même en faisant abstraction des rejets et enjambements. De plus, comme tous les systèmes d’Edmond se bloquent après quelques essais erronés, il est préférable de ne pas se lancer dans une attaque frontale. Cela ne nous laisse qu’une possibilité : découvrir quel est ce mot de passe. Je suis d’accord avec Mlle Vidal. Il faut nous rendre chez Edmond à Barcelone. S’il a un poème préféré, il doit posséder le livre en question, peut-être même aura-t-il mis en évidence, d’une manière ou d’une autre, le vers en question ? Il existe une forte probabilité qu’Edmond ait voulu qu’on aille à Barcelone, qu’on trouve son mot de passe et qu’on diffuse son annonce comme il l’avait prévu. En outre, j’ai établi que l’appel qu’a reçu Mlle Vidal lui demandant d’ajouter Luis Ávila sur la liste des invités provenait bien du Palais royal, à Madrid. Pour cette raison, j’ai décidé qu’on ne pouvait pas se fier aux agents de la Guardia Real. Je vais donc les mener sur une fausse piste pour couvrir votre fuite.

Et, apparemment, Winston avait réussi.

Langdon et Ambra atteignaient enfin la sortie de secours. Langdon referma aussitôt la porte derrière eux.

— Parfait, annonça la voix de Winston, surgissant de nouveau à l’intérieur du crâne de Langdon. Maintenant, descendez l’escalier.

— Et les gardes ?

— Ils sont loin. Je suis en ligne en ce moment avec eux. Sous la forme d’une agent de la sécurité du musée. Et je les entraîne vers une galerie à l’autre bout du bâtiment.

Incroyable ! songea Langdon en faisant signe à Ambra que tout allait bien et l’invitant à le suivre dans l’escalier.

— Descendez tout en bas, ordonna Winston, et quittez le musée. Petite info : une fois dehors, vous ne serez plus connectés avec moi.

Non ! Langdon n’avait pas pensé à ce détail technique. Il avait encore tant de questions à poser…

— Winston… Est-ce que vous saviez qu’Edmond avait révélé sa découverte à ces trois représentants religieux au début de la semaine ?

— Cela paraît invraisemblable… mais c’est ce qu’il a laissé entendre durant son introduction.

— L’un d’entre eux est l’archevêque Valdespino.

— Intéressant. J’ai vu sur Internet que c’est un proche conseiller du roi.

— Et ce n’est pas tout. Edmond a reçu un message de menace de ce même Valdespino peu après leur entrevue. Vous étiez au courant ?

— Non. Ça a dû se passer sur un canal privé.

— L’archevêque demandait à Edmond d’annuler sa présentation. S’il refusait, Valdespino et ses deux confrères le menaçaient de faire une annonce publique pour saper sa crédibilité.

Langdon ralentit le pas dans l’escalier et laissa Ambra passer devant. Il reprit en baissant la voix :

— Vous avez trouvé quelque chose entre Valdespino et Ávila ?

Winston marqua une infime pause.

— Non. Aucun lien apparemment, mais cela ne signifie pas qu’il n’y en ait pas. Juste que ce n’est pas documenté.

Ils approchaient du rez-de-chaussée.

— Professeur… Au vu des événements de la soirée, il paraît évident que des forces sont à l’œuvre pour empêcher que le monde soit informé de cette découverte. Des forces puissantes. Edmond a déclaré que vous avez été pour lui un guide et un mentor. Pour ses ennemis, vous êtes un dangereux électron libre. Alors, restez sur vos gardes.

Langdon n’avait pas pensé à cette éventualité. Une bouffée de colère l’envahit. Ambra l’attendait en bas, tenant la porte ouverte.

— Quand vous sortirez, poursuivit Winston, vous vous retrouverez dans une allée de service. Prenez sur la gauche en direction du fleuve. Je vais m’occuper de votre transport à l’endroit que vous m’avez indiqué.

BIO-EC346, songea Langdon, là où Edmond voulait qu’ils se retrouvent après la soirée. Il avait fini par déchiffrer le code. BIO-EC346 n’était pas le nom d’un centre de recherche secret. C’était beaucoup plus simple que ça. Il espérait néanmoins que ce serait la clé pour s’enfuir de Bilbao.

Encore fallait-il arriver là-bas sans se faire repérer…

Il y aurait des barrages partout.

Au moment où il sortait à l’air libre, Langdon remarqua les fragments d’un rosaire qui jonchaient le sol. Curieux. Mais il n’avait pas le temps de s’interroger davantage. Winston continuait de donner ses instructions :

— Une fois arrivés au fleuve, allez sous le pont de la Salve et attendez le…

Un bruit parasite vint brouiller la voix.

— Quoi ? Winston ? Qu’est-ce qu’on doit attendre ?

Mais Winston n’était plus là. Et la porte de métal claqua derrière eux.

29.

À des kilomètres au sud, dans les faubourgs de Bilbao, une voiture Uber filait sur l’autoroute AP-68 en direction de Madrid. À l’arrière, l’amiral Ávila ôtait sa veste d’uniforme et sa casquette. Il flottait sur un petit nuage, savourant sa fuite sans accroc.

Exactement comme le Régent l’avait promis.

Quelques minutes après être monté à bord du véhicule, Ávila avait sorti son arme et l’avait pressée contre la tête du chauffeur. Obéissant à son ordre, l’homme avait jeté son téléphone portable par la fenêtre, coupant son seul lien avec le central.

Puis Ávila avait fouillé le portefeuille de l’employé, pour mémoriser son adresse et les noms de sa femme et de ses deux enfants. « Faites ce que je vous dis, ou votre famille mourra ! » Ávila avait remarqué les mains de l’homme cramponnées au volant ; les jointures de ses doigts avait perdu leur couleur. Il aurait un conducteur dévoué pour le reste de la nuit !

Je suis invisible maintenant, songea Ávila en avisant les cohortes de véhicules qui se dirigeaient vers le centre-ville, toutes sirènes hurlantes.

L’amiral se rencogna dans son siège. La route serait longue. Il sentait avec bonheur son adrénaline refluer.