Выбрать главу

Les chœurs attirèrent de nouveau son attention.

J’ai déjà entendu cette pièce, songea-t-il. Une messe de la Renaissance, peut-être ?

Sur l’écran, les points avaient changé de direction et accéléraient, comme si la séquence se rembobinait, de plus en plus vite. Leur nombre diminuait… les cellules, au lieu de se multiplier, se recombinaient… les assemblages se simplifiaient, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une poignée de cellules… qui continuaient de fusionner… pour revenir aux huit initiales… puis quatre… puis deux… et enfin…

Une seule.

Une cellule unique.

L’origine de la vie.

Le point disparut. Puis des mots se matérialisèrent un à un. Langdon déchiffra peu à peu une phrase entière :

Si l’on admet une cause première

l’esprit cherche toujours à savoir

d’où elle est venue et comment elle est apparue.

— C’est de Darwin, murmura Langdon, reconnaissant la citation du botaniste, qui évoquait la même question qu’Edmond Kirsch.

Ambra lui lança un coup d’œil complice.

— Et si nous allions la chercher, cette réponse ?

Elle se dirigea vers un passage flanqué de deux colonnes qui semblait donner accès à l’église.

Langdon s’apprêtait à lui emboîter le pas, quand des mots anglais apparurent sur l’écran, sans relation apparente. Ils allaient et venaient à l’image, s’associaient, se combinaient pour former des bribes de phrases.

… growth… fresh buds… beautiful ramifications…

Progressivement, les mots donnaient naissance à un arbre.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? s’exclama Langdon.

Ambra revint sur ses pas et tous deux observèrent, fascinés, la composition, tandis que le chœur des voix s’intensifiait. Le chant n’était pas en latin, comme Langdon le croyait au début, mais en anglais.

— Les mots sur l’écran, murmura Ambra. Ce sont les paroles du chant.

— Vous avez raison, dit Langdon tandis que de nouvelles phrases apparaissaient au rythme de la musique.

« … by slowly acting causes… not by miraculous acts… »

Il était déconcerté par l’étrange mélodie qui les accompagnait. La musique était manifestement religieuse, alors que le texte ne l’était pas.

« … organic beings… strongest live… weakest die… »

Tout à coup, Langdon se figea.

« Les plus forts survivent… les plus faibles meurent… » Je connais ce texte !

Quelques années auparavant, Edmond avait emmené Langdon à un concert intitulé Missa Charles Darwin. Un cantabile aux sonorités typiquement chrétiennes dont le texte latin avait été remplacé par des extraits de L’Origine des espèces de Darwin. Le contraste entre la piété des voix et la brutalité des paroles, qui évoquaient la sélection naturelle, était saisissant.

— C’est curieux, commenta Langdon. Edmond et moi avons écouté cette œuvre ensemble il y a bien longtemps… Je me rappelle qu’il l’avait adorée.

— Ce n’est pas une coïncidence, dit une voix familière au-dessus de leurs têtes. C’est un conseil d’Edmond : toujours accueillir ses visiteurs avec de la belle musique et de quoi éveiller leur curiosité !

Langdon et Ambra levèrent les yeux vers les haut-parleurs.

— Bienvenue chez moi ! Je n’avais plus aucun moyen de vous joindre.

— Winston !

Langdon n’aurait jamais imaginé être si heureux de parler à un programme informatique.

Ambra lui résuma les derniers événements de la soirée.

— C’est bon d’entendre vos voix ! Alors ça y est ? Vous l’avez ?

84.

— William Blake ! déclara Langdon. « The dark religions are departed & sweet science reigns. »

Winston répondit après un bref instant :

— Le dernier vers de Vala or the Four Zoas. Un très bon choix, je dois dire. (Il marqua une pause.) Néanmoins, les quarante-sept lettres requises…

— L’esperluette ! l’interrompit Langdon, avant de lui expliquer l’astuce imaginée par Edmond.

— C’est tout lui ! répondit la voix de synthèse avec un gloussement bizarre.

— Alors c’est bon ? s’impatienta Ambra. Tu peux lancer la présentation ?

— Bien sûr. Il vous suffit d’entrer le code manuellement. Edmond a installé des pare-feu partout, je ne peux donc pas le faire moi-même. Mais je vais vous emmener dans son laboratoire, et là-bas vous pourrez vous en charger. Dans dix minutes, le programme sera lancé.

Langdon et Ambra échangèrent un regard. Après tout ce qu’ils avaient enduré ce soir, ils avaient du mal à croire qu’ils touchaient enfin au but.

— Robert, murmura Ambra en lui posant la main sur l’épaule, c’est grâce à vous. Merci.

— C’était un travail d’équipe, répliqua-t-il avec un sourire.

— Dépêchons-nous, les pressa Winston… Vous êtes un peu trop visibles dans ce hall vitré, et votre arrivée n’est pas passée inaperçue.

Hélas, c’était le problème avec les hélicoptères.

— Où doit-on aller ? demanda Ambra.

— Marchez entre les colonnes, dit Winston. Suivez le guide !

La musique religieuse s’arrêta brusquement et l’écran devint noir. Les verrous des portes se refermèrent dans un claquement sourd.

Edmond a transformé cet endroit en forteresse, pensa Langdon.

Il constata avec soulagement qu’au-delà des baies vitrées le parc paraissait désert.

Pour le moment.

Il se retourna vers Ambra et vit le passage entre les colonnes s’éclairer. Tous deux pénétrèrent dans un long corridor. Une deuxième lumière s’alluma à l’autre bout, leur indiquant le chemin.

Winston reprit la parole :

— Pour avoir une bonne couverture médiatique, nous devrions avertir la presse que la présentation d’Edmond est sur le point d’être diffusée. Si on laisse aux médias le temps de faire une annonce, le taux d’audience sera nettement plus élevé.

— Ce n’est pas une mauvaise idée, répondit Ambra. Mais combien de temps leur faut-il ? Plus on attend, plus c’est risqué.

— L’idéal serait de diffuser la vidéo dans dix-sept minutes. 3 heures du matin ici, et le prime time aux États-Unis.

— Banco !

— Parfait. J’envoie un communiqué de presse, et je programme le lancement dans dix-sept minutes.

Ça allait beaucoup trop vite pour Langdon.

— Combien d’employés sont de service, ce soir ? s’enquit Ambra en allongeant le pas.

— Aucun. Edmond était un maniaque de la confidentialité. Il n’y a pratiquement jamais personne ici. Je contrôle tout le réseau informatique — ainsi que les lumières, la température et tous les systèmes de sécurité. Edmond aimait dire qu’à l’ère des « maisons intelligentes » il était le premier à avoir une « église intelligente ».

— Winston, intervint Langdon, vous êtes sûr que c’est le meilleur moment pour diffuser la présentation ?

Ambra était abasourdie.

— Robert ! C’est pour cette raison qu’on est là ! Le monde entier nous regarde ! Le temps presse !