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— Je suis de l’avis d’Ambra, renchérit Winston. Question timing, on ne peut pas faire mieux. L’affaire Edmond Kirsch est l’une des plus suivies de la dernière décennie — ce qui n’est pas surprenant, vu que la communauté en ligne a connu une croissance exponentielle.

— Robert ? insista Ambra. Qu’est-ce qui vous préoccupe ?

Langdon hésita.

— J’ai peur que tous les événements de ce soir — les meurtres, l’histoire du kidnapping, les intrigues au Palais royal — ne viennent parasiter le message d’Edmond.

— C’est une objection pertinente, professeur, intervint Winston. Sauf que vous omettez un fait crucial : c’est aussi ces événements annexes qui éveillent l’intérêt des internautes. Ils étaient trois millions huit cent mille à suivre la conférence d’Edmond en début de soirée. Maintenant, ils sont deux cents millions, tous médias confondus.

Ce nombre semblait vertigineux. Pourtant, plus de deux cents millions de gens avaient regardé la finale de la Coupe du Monde de football ; et cinq cents millions avaient assisté aux premiers pas de l’homme sur la Lune en 1969 — à une époque où Internet n’existait pas et où la télévision n’était même pas dans tous les foyers.

— Ce n’est peut-être pas le cas pour le monde universitaire, professeur, poursuivit Winston, mais le reste du globe est devenu le studio d’une émission de téléréalité. Comble de l’ironie, ceux qui ont voulu faire taire Edmond ce soir ont obtenu l’effet inverse : l’audience dont il bénéficie est la plus importante de l’histoire concernant une révélation scientifique. Cela me rappelle quand le Vatican a attaqué votre livre sur le féminin sacré[4]… qui est ensuite devenu un best-seller.

Best-seller, il ne faut pas exagérer ! songea Langdon.

— Atteindre le public le plus large possible a toujours été son objectif, rappela Winston.

— Il a raison, renchérit Ambra. Quand Edmond m’a parlé de la soirée du Guggenheim, il tenait absolument à toucher un maximum de personnes. C’était une obsession chez lui.

— Comme je le disais, reprit Winston, nous sommes au sommet de la courbe d’audience. C’est le meilleur moment pour lancer la vidéo.

— D’accord, concéda Langdon. Que doit-on faire maintenant ?

Alors qu’ils continuaient de progresser le long du couloir, un obstacle inattendu leur barra le chemin : une échelle dressée contre un mur, comme s’il y avait des travaux de peinture. Il était impossible de continuer sans bouger l’échelle ou passer en dessous.

— L’échelle, je la déplace ? interrogea Langdon.

— Surtout pas ! s’écria Winston. Edmond l’a installée là, délibérément.

— Pourquoi ? s’enquit Ambra.

— Comme vous le savez, Edmond méprisait les superstitions sous toutes leurs formes. Alors il mettait un point d’honneur à passer sous cette échelle tous les jours pour se rendre à son bureau — une sorte de pied de nez à l’irrationnel. Et si un visiteur ou un employé refusait de se plier à la règle, Edmond le jetait dehors.

Toujours aussi mesuré ! se dit Langdon en souriant. Cela lui rappelait la fois où Edmond l’avait sermonné en public pour avoir littéralement « touché du bois ».

« À ce que je sache, avait-il ironisé, vous n’êtes pas un druide qui toque aux arbres pour les réveiller ? Alors par pitié laissez tomber cette pratique ridicule ! »

Ambra passa sans hésiter sous l’échelle. Langdon la suivit, non sans une légère appréhension.

Sitôt l’obstacle franchi, Winston les guida jusqu’à un portail sécurisé pourvu de deux caméras et d’un scanner biométrique. Au-dessus, une pancarte indiquait : CHAMBRE 13.

Langdon sourit. Encore une petite bravade d’Edmond.

— C’est l’entrée du labo, annonça Winston. En dehors des techniciens qui l’ont aidé à le construire, personne ou presque n’a eu accès à ce lieu.

La porte se déverrouilla dans un bourdonnement. Ambra poussa le battant et s’immobilisa sur le seuil. Langdon se figea aussi.

Au centre de la chapelle se dressait une gigantesque structure en verre. Elle occupait tout l’espace sur deux niveaux et grimpait jusqu’au plafond.

Au rez-de-chaussée, des centaines d’armoires métalliques sans portes s’alignaient comme des bancs d’église face à l’autel. Un embrouillamini de câbles rouges en sortait et courait au sol en grosses tresses qui se faufilaient entre les machines, tel un réseau veineux.

Un chaos organisé, pensa Langdon.

— Vous avez devant vous le célèbre MareNostrum qui, avec ses quarante-huit mille huit cent quatre-vingt-seize processeurs Intel, communiquant grâce à un réseau InfiniBand FDR10, est l’une des machines les plus rapides du monde. MareNostrum était déjà là quand Edmond a pris possession du complexe. Plutôt que de s’en débarrasser, il a décidé de l’incorporer. Et de le faire… pousser.

Langdon voyait à présent que les câbles de MareNostrum se rejoignaient au centre de la pièce, formant un tronc unique qui grimpait telle une vigne géante jusqu’au plafond.

Le premier étage était très différent. Au centre d’une plateforme surélevée était posé un cube métallique bleu-gris d’environ deux mètres de haut — sans fils, sans voyants lumineux, sans rien qui permette de reconnaître l’ordinateur ultrasophistiqué que Winston décrivait à présent dans un jargon incompréhensible.

— … des qubits à la place des bits… superposition d’états… algorithmes quantiques… intrication et effet tunnel…

Voilà pourquoi Edmond lui parlait d’art, et non d’informatique !

— … des billiards d’opérations à la seconde, concluait Winston. Avec la fusion de ces deux machines de conception très différente, on obtient le super-ordinateur le plus puissant du monde.

— Mon Dieu ! souffla Ambra.

— En l’occurrence, c’est plutôt le Dieu d’Edmond.

85.

 

ConspiracyNet.com

FLASH SPÉCIAL

LA PRÉSENTATION DE KIRSCH EN LIGNE
DANS QUELQUES MINUTES !

Oui, le grand moment est arrivé !

Un communiqué de presse de l’équipe d’Edmond Kirsch vient de confirmer que l’annonce de la découverte scientifique tant attendue — retardée par l’assassinat du futurologue — sera diffusée dans le monde entier à 3 heures, heure locale de Barcelone.

On annonce un taux d’audience record ! Toute la planète attend cet événement !

Robert Langdon et Ambra Vidal seraient en ce moment même à la chapelle Torre Girona — qui abrite le Centro Nacional de Supercomputación, où Edmond Kirsch aurait travaillé ces dernières années. ConspiracyNet n’est pas encore en mesure de confirmer si c’est de ce lieu que la vidéo sera diffusée.

Restez en ligne ! La présentation de Kirsch bientôt ICI sur ConspiracyNet.com !

86.

Au moment de pénétrer dans la montagne, le prince Julián eut l’étrange pressentiment qu’il n’en réchapperait jamais.

La Valle de los Caídos. La vallée de ceux qui sont tombés. Qu’est-ce que je fiche ici ?

Passé le seuil, il se retrouva dans un espace froid et peu éclairé, qui dégageait une forte odeur de pierre humide.

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4

Voir Da Vinci code. (N.d.T.)