Le roi haussa les épaules.
— Aussi bien que possible, répliqua-t-il d’un ton étonnamment enjoué. Et toi ? Tu as eu une journée plutôt… mouvementée on dirait.
Le prince ne sut que répondre.
— Que faites-vous ici, père ?
— J’avais envie de prendre l’air.
— D’accord, mais… ici ?
Son père avait toujours détesté ce mausolée, symbole d’une période de persécution et d’intolérance.
— Votre Majesté ! s’écria Valdespino, en se hâtant vers eux. Vous nous avez fait une de ces peurs !
Le prélat était à bout de souffle.
— Bonjour, Antonio.
Antonio ? Le prince Julián n’avait jamais entendu son père appeler l’archevêque par son prénom. En public, c’était toujours « Monseigneur ».
La familiarité inhabituelle du monarque parut déstabiliser le prélat.
— Bonjour, à vous aussi, balbutia ce dernier. Est-ce que vous vous sentez bien ?
— Le mieux du monde, répondit le roi avec un grand sourire. Je suis entouré des deux personnes les plus chères à mon cœur.
Valdespino jeta un regard inquiet au prince, avant de s’adresser de nouveau au roi :
— Votre Majesté, je suis allé chercher Julián, comme vous me l’aviez demandé. Puis-je me retirer à présent pour vous laisser discuter en privé ?
— Non, Antonio. J’ai un aveu à faire. En présence de mon confesseur.
Valdespino secoua la tête.
— Votre fils n’attend certainement pas d’explications pour vos agissements de ce soir. Je suis sûr qu’il…
— Ce soir ? reprit le roi en riant. Non, Antonio, je vais lui avouer le secret que je lui ai caché toute ma vie.
89.
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FLASH SPÉCIAL
Cette fois, non pas par Edmond Kirsch — mais par la police espagnole !
La chapelle Torre Girona de Barcelone est assiégée en ce moment même par les autorités locales. À l’intérieur, Robert Langdon et Ambra Vidal auraient réussi à lancer la présentation tant attendue d’Edmond Kirsch. La grande révélation est imminente.
Le compte à rebours a commencé !
90.
Ambra Vidal entendit le vieil ordinateur émettre un ping — Langdon avait correctement tapé le vers de William Blake !
MOT DE PASSE CORRECT.
La jeune femme se jeta au cou de Langdon et l’étreignit joyeusement.
Edmond serait tellement heureux, se dit-elle.
— Deux minutes et trente-trois secondes ! claironna Winston.
Ambra s’écarta de Langdon, et tous deux se tournèrent vers les écrans. Le moniteur central affichait un compte à rebours semblable à celui au Guggenheim.
Plus de deux cents millions de personnes ?
Ambra était médusée. Apparemment, pendant leur course-poursuite à travers Barcelone, le monde entier avait retenu son souffle.
Edmond allait bénéficier d’une audience sans précédent.
Les images des caméras de vidéosurveillance étaient toujours affichées à côté du compte à rebours. Ambra remarqua un curieux changement dans l’activité de la police. Un à un, les agents sortaient leurs smartphones. Bientôt, le parvis devant l’église se transforma en une marée de visages éclairés par les portables.
Edmond avait arrêté le cours du temps ! Partout à travers le globe, les gens se préparaient à regarder la vidéo.
Je me demande si Julián est connecté…, songea Ambra.
— Paré au lancement ! annonça Winston. Si vous voulez bien passer au salon, vous serez plus à l’aise.
— Merci, Winston.
Langdon et Ambra longèrent le cube bleuté pour gagner l’espace lounge aménagé par Edmond.
Quand Ambra posa ses pieds nus sur le tapis persan, elle sentit son corps se détendre instantanément. Elle s’installa dans le canapé, les jambes repliées sous elle, puis regarda autour d’elle, perplexe.
— Où est l’écran ?
Langdon, qui s’était éloigné pour examiner un objet dans une vitrine, n’entendit pas sa question. Mais Ambra eut sa réponse quand elle vit l’une des parois de verre s’éclairer.
La jeune femme contempla l’image de trois mètres de haut tandis que les lumières de l’église se tamisaient.
Winston avait l’art de créer l’ambiance !
Langdon était toujours absorbé par sa trouvaille — un petit cylindre, posé sur un élégant piédestal, comme une pièce de musée. Un tube à essai fermé d’un bouchon contenant un liquide épais et brunâtre. Un instant, Langdon se demanda si cela pouvait être un traitement expérimental pour la maladie d’Edmond.
Puis il lut l’étiquette.
Qu’est-ce que ça fichait ici ?
Il existait très peu de tubes à essai « célèbres » dans le monde, mais celui-ci, indubitablement, en était un.
Incroyable qu’Edmond en possède un !
Encore une acquisition discrète. Et sans doute pour une somme astronomique. Comme le tableau de Gauguin à la Casa Milà.
Langdon se pencha pour étudier la fiole vieille de soixante-dix ans. Les noms sur le papier défraîchi étaient encore lisibles.
MILLER-UREY.
Il n’en revenait toujours pas.
Mon Dieu…, songea-t-il. D’où venons-nous ?
Dans les années cinquante, les chimistes Stanley Miller et Harold Urey avaient mené une expérience scientifique dont le but était de répondre à cette question. Bien que la tentative stricto sensu ait échoué, leurs travaux avaient été salués par le monde entier, et les deux chimistes étaient passés à la postérité.
Langdon se rappelait son émerveillement quand il avait appris en cours de biologie que les deux scientifiques avaient tenté de recréer les conditions de l’origine de la vie sur Terre — une planète recouverte de mers bouillantes et sans vie, grouillant de substances chimiques.
La soupe primordiale.
Après avoir répliqué les éléments qui se trouvaient dans l’océan et l’atmosphère originels — l’eau, le méthane, l’ammoniac et l’hydrogène —, Miller et Urey avaient fait chauffer la préparation pour simuler le bouillonnement des eaux. Puis ils l’avaient bombardée de décharges électriques pour imiter la foudre. Enfin, ils avaient laissé reposer la mixture, comme les océans de la planète s’étaient progressivement refroidis.
Leur but était simple et audacieux — créer l’étincelle de vie dans la mer primitive.
Simuler la Création, par le seul biais de la science.
Miller et Urey espéraient que des micro-organismes se formeraient dans leur décoction riche en éléments chimiques — un procédé inédit appelé « abiogenèse ». Malheureusement, leur tentative de créer la « vie » à partir de la matière inanimée avait échoué. Au lieu d’organismes vivants, ils s’étaient retrouvés avec une série d’éprouvettes contenant un liquide abritant des composés organiques inertes et des acides aminés, aujourd’hui oubliées dans un placard de l’université de San Diego.