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Elle est bigrement tentée, seulement, ce qui la retient, c’est son manque de culot.

Elle m’explique que si les bonnes âmes du patelin la voient seule avec un homme, ils le diront au maire, qui le dira au curé, qui le dira à qui de droit, qui lui fera taper sur les doigts.

— Qu’à cela ne tienne, je tranche. J’ai ma voiture. Je vous attends à l’orée du village, près du carrefour où il y a une fontaine, vous voyez ce que je veux dire ? Vous êtes encore libre d’aller vous balader, non ?

Ça la décide… Elle me dit qu’elle sera au rambour d’ici une petite heure. Je vois ça : le temps de se laver le fignedé et de mettre son bénard de cérémonie…

Je sors en lui lançant ce coup d’œil que Frank Sinatra lance à sa partenaire lorsqu’il la rencontre au bal, chez le gouverneur de Texas-City.

En attendant qu’elle se rebecquete, je vais au troquet du coin et je me fais servir un Cinzano dans un grand verre.

J’ai bien droit à une minute de silence, comme le premier mort venu, non ?

L’affaire dans laquelle me voilà embarqué me travaille le cuir. Elle est étrange, car elle fourmille en éléments divers mais ne possède aucune logique, semble-t-il.

Prenons le chien, par exemple… Il devait faire sauter un camion, d’après ce que j’ai compris, et c’est lui seul qui périt.

Prenons la femme… Elle possède le chien, c’est elle vraisemblablement qui doit le lâcher contre l’objectif…,Mais elle ignore ce qu’il est advenu de la bestiole, elle est obligée d’enquêter jusque chez le boueux de l’endroit…

Prenons le métèque… Il accompagne toujours la femme, seulement elle le déguise en épouvantail…

Je sais bien que tout cela ne repose que sur mes déductions, mais j’ai la faiblesse de croire en ces déductions, vous comprenez !

Ce que je dois faire, c’est retrouver la femme. Pour cela, trois pistes s’amorcent, conduisent-elles quelque part ?

La première, la plus simple, consiste à faire identifier le cadavre du mort. La seconde à essayer de reconstituer le numéro de leur voiture. La troisième de connaître le fameux camion qui passa dans la nuit du 8…

Pour le mort, il me suffit d’attendre demain. Inutile de rien brusquer. Le père Revellin a dû prévenir les gendarmes, qui ont alerté la P.J… Je me rencarderai auprès des collègues en temps utile, laissons-les faire leur turf tranquille, sans jeter la masturbation dans leur équipe. De toute façon, ils commenceront leur enquête par-là : l’identification du mort. Pour celle du camion, laissons faire le boss. C’est formide : tout un peuple se remue l’oignon pour ma pomme. Maintenant, reste le numéro de leur trottinette. Ça, c’est plus coton, parce que, je ne sais pas si vous connaissez les nabus de chez nous, mais si vous espérez leur faire retenir quatre ou cinq chiffres, à part le montant de leur livret de caisse d’épargne, vous vous foutez le doigt dans l’œil jusqu’au gros côlon.

Non, y a rien à espérer…

Je bois une demi-douzaine de Cinzano et je rejoins ma tire. Il fait une belle fin d’après-midi. Y a des nuages mauves en balade dans le ciel et les coqs, viennent enfourailler les poules jusqu’au milieu de la route…

Je vais à petite allure jusqu’au carrefour de la fontaine. Contrairement à mes pronostics, la petite s’y trouve déjà.

Gentille, moi je vous le dis. Elle a mis une robe verte, harmonieuse comme un sac de farine, une coquette jaquette rouge lie-de-vin, des boucles d’oreille représentant des petits oiseaux sur une nacelle, et une écharpe bleue, assortie à la prunelle des oiseaux. Délicieuse, vous le voyez. Ajoutez à cela un léger détail dont je ne me suis pas aperçu lorsqu’elle était derrière son guichet ; elle boite à la perfection. Bref, c’est le genre de pépée qu’on est fier d’emmener à une générale au Marigny !

CHAPITRE VIII

Je vais vous faire une confidence : plus une souris est locdue, plus elle se comporte bien au dodo. Les gerces mal bousculées ont à cœur de remercier convenablement les mecs qui les honorent de leur attention.

Je commence par emmener miss Bancale dans un petit restaurant à quelques encâblures de Saint-Alban. On se tape un fromage de tête, une omelette aux morilles et un rôti de veau qui ferait une superbe carrière comme semelle de crêpe chez André, le chausseur sachant l’anglais.

Après quoi, on se met à badiner avec l’amour.

La nuit est bourrée d’étoiles et de grillons qui font un ramdam à tout casser (pas les étoiles les grillons !).

J’arrête mon bolide dans un chemin creux et je masse le plexus de la pététeuse qui n’a pas l’air de trouver ça désagréable, bien au contraire…

Comment qu’elle se cambre, la fifille ! Une anguille, à côté d’elle, ressemblerait à un paralytique !

Lorsque j’ai chauffé la chaudière, je me dis que le moment est venu de l’étreindre. Une chaudière trop chauffée finissant toujours par éclater la chose est connue !

J’en touche deux mots à la pépée.

Elle ne me fait pas les objections des bonnes femmes, en pareil cas, à savoir : « Ce ne serait pas raisonnable » ou bien « à quoi ça nous mènerait ? »…

Non, elle est bien trop heureuse pour mettre des bâtons dans le bidet ! La seule chose qui la tracasse c’est ce sacré « qu’en dira-t-on ? ».

— Écoutez, fait-elle, venez chez moi, j’habite juste au-dessus de la poste. Seulement ne vous faites pas voir. Et surtout ne laissez pas votre voiture devant la maison. Je vais rentrer, j’éteindrai et vous me rejoindrez une demi-heure plus tard, d’accord ?

— D’accord, cher trésor.

Je la reconduis à la fontaine et elle s’en va toute contente en claudiquant comme cent quatre-vingt-douze canards.

Je fume une sèche en relouchant les étoiles. Au bout d’un moment, je vais planquer ma guindé sous les platanes de la place et en rasant les murs.

La porte de derrière est ouverte, je m’y insinue comme un lézard. En fait de lézard, j’en tiens un bath à la disposition de la postière.

Elle m’attend en haut de l’escalier. Elle s’est mise en combinaison bleue. Ça me file un court circuit dans la moelle épinière.

J’entre dans sa turne et je repousse la lourde.

Qu’est-ce que vous pensez de ma façon de résoudre la crise du logement ?…

Comme séance c’est du premier choix. Un touriste américain lâcherait une fortune pour bigler ça aux Folies !

La petite postière est moite, chaude, fondante… Son corps sue l’amour et c’est un truc qui fait de l’effet aux mâles dignes de ce nom.

Pour la remercier de son hospitalité, je lui fais mon échantillonnage numéro 4. Celui qui comporte le coup du serrurier, la fleur tropicale et le triporteur hindou. Elle n’en revient pas. Jamais on ne lui a appris des trucs semblables, même dans les manuels scolaires.

Il est deux heures du matin lorsqu’on sonne le cessez-le-feu. Elle a les flûtes en flanelle, ce qui n’améliore pas son infirmité.

On s’endort comme deux brutes et on ne se réveille que lorsque son glandulard de réveil se met à jouer à la gare.

Elle saute du pieu et commence sa toilette.

— Il faut que tu partes, murmure-t-elle. À huit heures, la femme de ménage vient balayer !..

— O.K. !

Je me nippe itou. Et je suis prêt bien avant elle. Pour passer le temps, je regarde des photos qui sont encastrées dans le cadre de la glace plantée au-dessus de la cheminée.

Ces images représentent la môme P.T.T. à différentes époques de sa vie. On la voit à vélo, avec des copines ; endimanchée, devant la Tour Eiffel ; étendue sur une plage ; debout devant son bureau de poste entre deux facteurs…

Cette dernière photo sollicite davantage mon attention que les autres. Je vais vous dire pourquoi. Un peu plus loin que le bureau de poste, dans l’angle gauche du portrait, on distingue l’arrière d’une voiture. Et cette voiture c’est une DS noire, et à la vitre arrière de la bagnole on découvre le museau d’un chien blanc…