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— Mais puisque…

— Je sais : vous avez fait une déclaration de vol, seulement nos services ne s’occupent pas que de vols d’autos. Il existe des choses plus graves… Je crois bien, monsieur Compère, que cette malheureuse voiture a participé à certaines opérations peu recommandables !

— Que me dites-vous là !

Il paraît tout excité, tout frémissant. Les bons Français moyens sont tous cornac ; sitôt que l’aventure montre le bout du pif par la porte de service de leur vie, ils ne se sentent plus et sont prêts à convoquer les actualités Éclair-Journal pour un travelling avant sur leur physionomie.

Du moment qu’il n’est pas dans le coup, Compère, ça n’est pas la peine de lui résumer mon effarante histoire, non ?

— Dans quelles circonstances vous a-t-on volé votre voiture ? je questionne.

Il hausse les épaules.

— Comme toujours, dit-il… Elle était en stationnement, j’avais oublié de la fermer… Lorsque je suis sorti, elle n’était plus là !

— Vous ne connaissez pas une femme ayant une prédilection pour le bleu et portant une bague ornée d’une énorme pierre bleue ?

Il secoue la tête.

— Du tout !

— Elle se balade en compagnie d’un Arabe.

— Enfin, commissaire, puisque je vous dis ne pas la connaître.

— Le métèque est mort, poursuis-je….

Compère dit :

— Qu’est-ce que cette histoire à laquelle je ne comprends rien ?

— Une vilaine histoire… Vous lirez tous les détails dans les journaux, un de ces quatre matins…

Je me lève et prends congé sans plus de cérémonie…

Le sol s’effondre sous mes pieds au fur et à mesure que je me déplace.

Dès que je lève un morceau de piste, elle va droit à un gouffre.

En sonnant chez Compère, je me sentais champion, je pensais tenir le bon bout et voici que tout est remis en question.

La voiture dont j’avais retrouvé l’origine était une simple voiture volée…

Comme j’arrive au bas de l’escalier, un facteur des recommandés s’annonce. Il demande à la concierge :

— Y a quelqu’un chez Compère ?

— Oui…

Je regarde le facteur… Il me fait songer, par enchaînement de pensées, à ma petite boiteuse de Saint-Alban. Et ce qu’il vient de dire me fait songer à autre chose aussi.

Vous savez qu’il y a un drôle de turbin sous mon dôme, à certains moments ?

Je musarde un bon moment au volant de ma jeep ; ou plus exactement de la jeep à Duboin. Je choisis les voies paisibles.

Je laisse travailler ma centrale survoltée.

Ensuite je m’arrête devant un bureau de poste.

Il est dit que j’aurai fait marner les P.T.T. ces temps-ci…

Je vais au guichet du téléphone et je demande à la préposée de me refiler sa collègue de Saint-Alban.

C’est du rapidos.

— Allô ? que fait ma môme Claudique.

— On ne reconnaît pas sa guenille bleue ? je ricane. On a un courant d’air à la place de la cervelle, alors ?

Elle pousse une exclamation de ravissement, puis une autre de contrariété, car, dans son mouvement d’enthousiasme, elle a fait choir son encrier sur le cahier des valeurs déclarées.

— C’est toi, mon bijou, gazouille-t-elle.

Doit y avoir personne dans son estanco, probable, pour qu’elle se laisse aller aux mignardises.

— Écoute, ravissement de ma trajectoire humaine, je murmure, je vais te susurrer un nom, un nom rigolo, tu me diras s’il ne te rappelle rien : Compère !

Elle répète, sur le mode pensif :

— Compère…

Puis c’est l’exclamation que j’espérais sans pourtant oser y croire.

— Bien sûr, dit-elle, c’était la signature du fameux télégramme…

Une gisquette comme celle-là, croyez-moi, ça vaut son pesant de bons du Trésor… Encore que chez nous on doive plutôt appeler ça les bonds du trésor…

Je lui dis qu’à notre prochaine (et entre nous soit dit, problématique) rencontre, je lui ferai connaître mon dispositif amoureux numéro 1, celui qui comprend : l’amour à la cul-de-jatte ; le soleil de minuit, la tablette de chocolat et papa-maman chez les Turcs !

De quoi la faire rêver jusqu’à ce qu’il pousse des capucines après le grillage de son guichet !

CHAPITRE IX

Je ne quitte pas tout de suite le bureau de poste. C’est un endroit où j’aimerais faire ma vie, comme dit mon cousin Jules, celui qui est un peu timbré !

Je m’abîme dans le Bottin. Je finis par trouver ce que je cherche, à savoir que M. Compère possède un entrepôt non loin de son domicile, sur le plateau de la Croix Rousse, qui est une espèce de Montmartre lyonnais, avec la différence notable toutefois, que, contrairement à Montmartre, ledit plateau est silencieux comme un congrès de muets. On n’y entend que le bistanclac des métiers à tisser et le bruit des verres entrechoqués, car c’est un endroit où l’on boit sec !

Il est un peu plus de midi lorsque je m’annonce devant l’entrepôt. Il se situe juste en face d’un cimetière dans la rue la plus pépère qu’on puisse imaginer.

Contrairement à ce que je supposais, cet entrepôt n’est pas grand. C’est un petit hangar, coincé entre deux maisons et fermant au moyen d’un rideau de fer, semblable à ceux qui protègent la devanture des magasins.

Je m’arrête devant, perplexe… Je donnerais votre bras droit pour aller renifler un peu l’intérieur de cet estanco.

Chez moi, faut reconnaître, les souhaits de ce genre ne tardent pas à passer à l’état de réalité.

Mon petit Sésame dans la serrure du rideau. Et hop ! Je n’ai plus qu’à relever celui-ci suffisamment pour livrer passage à mon vieil ami San-Antonio.

Je rabaisse le volet de fer. Je cramponne ma lampe électrique et je commence l’inspection des lieux.

L’entrepôt fait environ dix mètres sur dix. Il y a quelques ballots rangés dans le fond. Je vais vérifier leur contenu, c’est de la soie.

Je fais la moue. Y a pas lerche de trucs intéressants, m’est avis que je fais de l’effraction en pure perte.

Le coin est poussiéreux… J’en fais le tour, ma lampe fureteuse. Et soudain, je m’arrête en sentant que ça sonne le creux sous mes pattes. Je bigle, il y a une plaque de fer juste sous moi. Je constate qu’il s’agit tout culment du plateau d’une bascule servant à peser les ballots.

Je vais pour me tirer, mais je reviens. Cette bascule a quelque chose d’insolite. Je vais libérer le bras de pesée, il reste fixe… Voilà qui est curieux. Qu’est-ce qui m’a paru louche ? Je gamberge un instant, et je trouve. Chez les autres bascules, le plateau oscille, tandis que là il est fixe. Le bras immobile me confirme dans l’impression qu’il s’agit d’une bascule au bidon. Je me penche sur le bras, j’actionne le poids, rien ! Alors j’avise sur le plateau une boucle. Je tire dessus et le plateau se soulève comme une simple trappe. Du reste c’en est une et la bascule n’est là qu’en trompe l’œil ! Pas con du tout comme combine ! Je vous le dis…

Une échelle de fer se propose à moi, dans l’ouverture. Elle plonge dans le noir. Courageusement je me colle la manette de ma lampe de poche dans le groin et je me mets en position de descente.

Au fur et à mesure je compte les échelons… Il y en a quinze.

Enfin mes pieds atterrissent sur une surface plane. Terminus.

Je reprends ma lampe. Me voici dans une espèce de couloir étroit. Bien entendu je le suis. Il mesure quatre mètres environ et se termine devant une porte de bois. La porte est défendue par le plus monumental cadenas que j’aie jamais vu, mais il en faudrait un bien plus gros encore pour me barrer le passage. En moins de temps qu’il n’en faut à votre percepteur pour vous envoyer un commandement, la lourde s’ouvre.