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Je ne le connais pas, mais quelque chose me dit que ce doit être un chic type !

Le faux étudiant d’Oxford m’attend dans le couloir.

Je le salue poliment avant de franchir le seuil et il me décerne une courbette de maître d’hôtel chinois.

En descendant l’escalier obscur, je me dis que je viens de faire un grand pas en avant. J’en fais un tellement grand que je rate une marche et que je manque de piquer un valdingue. C’est tellement noir, ici !

Je me fouille pour me servir de ma lampe de poche.

Je ne la trouve pas. Et brusquement, c’est la grosse sueur froide, je me souviens : ma lampe de poche est restée dans la cave secrète de Compère !

CHAPITRE XI

Cette découverte me plonge dans un marasme déprimant.

En effet, si Compère retourne à sa réserve, il découvrira ma lampe et aura ainsi la preuve que quelqu’un est allé trafiquer dans son repaire.

Voilà qui peut sonner le branle-bas de combat ; tout faire foirer en effrayant la bande…

Je n’hésite pas longtemps… Il faut retourner à l’entrepôt et récupérer la maudite lampe. Vous parlez d’un pocheté que je fais !

Il ne me reste plus qu’à semer mes cartes de visite derrière moi comme le petit Poucet, lorsque ses vieux n’ayant plus d’auber, avaient décidé d’aller le paumer dans la cambrousse avec ses frangins.

Je saute dans la jeep et hardi petit ! Je grimpe à l’allure d’un météore les rues arides de la Croix Rousse. J’arrive en un temps record devant le rideau de fer du local.

Cet endroit de la ville n’est éclairé que par des lampadaires très espacés… Les croix blanches dominant le cimetière projettent des ombres mystérieuses dans la rue…

Je fais appel à Sésame. Mais il n’a pas gros turf à faire ! Le rideau n’est pas fermé !

Dans ce cas, il vaudrait mieux que je me commande tout de suite un fauteuil à roulettes parce que le gâtisme intégral n’est pas loin ! Oublier une précaution aussi élémentaire ! Je me maudis…

J’entre… Tout est calme. Je gratte une alouf pour voir si par hasard ma lampe ne serait pas ici. Elle n’y est pas. J’actionne la fausse bascule, je m’engage à tâtons dans l’ouverture qu’elle dissimule.

Arrivé au bas de l’échelle de fer, je pose le pied sur quelque chose de mou. Je frotte une seconde allumette et, à sa lueur bondissante, je découvre le corps d’un homme, dans le petit couloir.

Donc, je n’avais pas oublié de refermer le volet à clé ! Quelqu’un est revenu…

Je découvre ma lampe, à côté du corps. Je la chope et examine le pèlerin. Il s’agit de ce brave Compère.

Un mec lui a mis une fève dans la calbombe et l’a fait basculer dans le trou…

Décidément, tout se complique à plaisir. Aussitôt que je découvre un élément nouveau : il y a un coup de gomme à effacer qui suit !

Le cadavre est tout chaud… Le sang échappé du trou qu’il porte sur l’arrière du crâne est tout juste coagulé…

Comment se fait-il que Compère ait été abattu ?

Quelque chose dans la bande ne doit pas tourner rond…

Je remonte en me disant que peut-être les voisins ont entendu quelque chose… Dans ce quartier silencieux, le bruit d’une détonation ne doit pas être perdu pour tout le monde…

Avant de quitter le local, je rabats la trappe.

Mon attention est alors attirée par un mince détail que je n’avais pas repéré la première fois. Partant de la boucle servant à l’ouverture de la dite trappe, se trouve un mince fil électrique noir qui file en direction du mur.

Ce fil passe dans une rainure du sol et il est pratiquement impossible à voir, à moins d’avoir les châsses surmultipliés, comme c’est le cas de votre petit copain.

Ce fil traverse le mur et va quelque part.

Il s’agit de retrouver sa trace ; il n’est pas étranger à la mort de Compère, j’en suis certain. Sans doute, s’agit-il là d’un signal d’alarme qui donné l’alerte lorsqu’on ouvre la trappe secrète.

C’est ainsi que Compère a été averti que son local était violé…

Je sors de l’entrepôt. Je regarde à droite de celui-ci. Il y a une maison basse à un étage. Je sonne à la porte. Un instant s’écoule, puis je perçois un bruit de pas. Un type pas plus haut qu’une botte m’ouvre. On dirait un jockey. Il est maigre, menu, avec des bras plus longs que ses jambes et l’air d’un gars qui vous a vendu une tonne de radis creux il y a deux mois et qui se trouve assis en face de vous dans l’autobus. Il me regarde comme s’il me connaissait et que ça l’emmouscaille puissamment de me voir dans les parages.

Je fronce le sourcil.

— Tiens ! m’exclamé-je ; ce vieux Trois-Sous !

J’ai une seconde de jubilation en le reconnaissant.

Trois-Sous était un petit barbillon minable de Montmartre. Le genre quart de sel ! Il s’était lancé dans le pain de fesse tout à fait fortuitement à l’âge où la plupart des hommes achètent des journaux cochons et regardent les amies de leur mère.

Il avait trafiqué un peu de neige, puis s’était lancé dans la contrebande d’armes, toujours sur un petit pied…

Je lui avais filé une toise, un jour, avant de l’embarquer. Je me rappelle qu’il chialait comme un veau, ce qui, avec sa taille confidentielle, renforçait l’impression que ça n’était qu’un gosse.

Il se tient debout, dans l’encadrement de la porte. Blême, anxieux, avec la pomme d’Adam qui joue au yo-yo.

Il préférerait avoir un huissier en face de lui ou même son percepteur, plutôt que le brillant commissaire San-Antonio.

Je le pousse à l’intérieur de la cambuse. J’entre, d’un coup de talon, je referme la lourde.

Nous sommes dans un étroit vestibule qui pue la soupe aigre. À droite, par la porte ouverte, j’aperçois une pièce indéterminée, qui doit servir de cuisine, de chambre à coucher, de salon, de salle à manger et de baisodrome. On y renifle un remugle âcre de pipe froide, de pantoufle, de vinasse, de crasse chaude.

— C’est ton domaine ? je demande…

Il retrouve une partie de ses esprits…

— Qu’est-ce qui me vaut l’honneur de votre visite ? demande-t-il en se forçant à sourire.

Mais son sourire est aussi douloureux que celui d’un gars à qui on ouvre un panaris.

— Devine ? fais-je…

Ces mecs-là, ils ont tellement de trucs pas catholiques à leur actif qu’une petite question comme celle-là provoque un vrai remue-ménage dans leur placard aux archives.

— Mais je… Je ne sais pas, balbutie-t-il…

Et il devient ardent comme une braise.

— Moi, je suis net, monsieur le commissaire, dit-il… J’ai rien sur la conscience, parole !

— Un vrai petit Saint Jean, je ricane.

Je m’assied dans un fauteuil d’osier qui gémit sous mon poids.

— Alors, comme ça, Trois-Sous, t’es Lyonnais à cette heure ?

Avant qu’il ait le temps de répondre, j’enchaîne :

— C’est pourtant une ville peu folichonne, Lyon, tu ne trouves pas ? Surtout que t’habites un coin plutôt sinistre avec ce cimetière, là, en face… Dis, l’air de la Butte ne te manque pas ?…

Il sourit en attendant que son petit cerveau lui fournisse des pensées judicieuses. Mais il attend en vain. Rien ne vient.

Sa matière grise se croise les cellules.

— Qu’est-ce que tu fous ici, Trois-Sous ?

— Je… Je travaille, dit-il.

— Bravo ! Dans quelle branche ?

— Je suis voyageur de commerce…

— Et tu représentes quoi, dis, Trésor ? Des images pieuses ou des Thomson à canon spécial ?

— Vous faites erreur, je suis au propre…

— Quel est le nom de ton patron ?

— C’est-à-dire…

— Il ne s’appellerait pas Compère, des fois ?