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Cette fois, je vous dis au revoir, à tous. C’est gentil d’être venus. On se retrouvera là-haut…

Un bruit sec. Je ferme les yeux en souhaitant qu’il ait visé juste.

Puis je les ouvre. Le gars gît à mes pieds, le crâne ouvert. Debout, tout hébété, se tient Duboin.

Vous allez me dire que je suis en plein délire, et pourtant non, c’est bien Duboin qui est là, le front superbement emperlé de sueur. Les yeux hors du crâne, tenant une petite forme de fonte à la main.

Il faut être un bœuf pour soulever ça et s’en servir comme d’une masse. Mais Duboin, c’est quelque chose de plus costaud qu’un bœuf.

— Et alors, souffle-t-il, c’est toi le fortiche, l’homme de fer ; celui qui remplaces la végétaline et l’eau bouillante ?

Il se penche sur moi et me fait un peu d’air.

C’est bon de pouvoir respirer.

— Qu’est-ce que tu fous là ? je demande, lorsque l’usage de la parole m’est rendu.

— Je sauve la peau des flics à la godille, dit-il.

« Je te croyais dans le train de Paris, fait-il.

— Quelle heure est-il ?

— Neuf heures…

— Alors j’y serai dans une plombe… J’espère qu’auparavant tu m’expliqueras…

— Comment je suis arrivé ici ? Pas marle… Lorsque tu m’as dit que tu décramponnais, je me suis fichu dans une rogne noire…

— Je sais.

— Je me suis dit qu’il fallait être le dernier des vaselinés pour abandonner si près du but…

— Tu me l’as dit.

— Alors, j’ai repris l’enquête à mon compte…

— Voyez-vous !

— Je te conseille de rouscailler, hé, guenille ! hurle soudain Duboin. Tu peux faire le mariole…

« Bon, j’ai voulu reprendre l’enquête. Pour commencer, j’ai téléphoné à la petite postière de Saint-Alban, histoire de voir si elle avait du nouveau. Je me suis recommandé de toi. Je ne sais pas ce que tu lui as fait, mais ton nom la rend toute chose…

— Passe la main et raconte…

— La môme avait vu dans le journal la photo de ton métèque déguisé en épouvantail. Elle l’a reconnu comme étant le compagnon de la femme en bleu et elle s’est souvenue qu’il avait téléphoné un jour à Grenoble. Elle a recherché sur ses fiches et elle a trouvé le numéro. Elle me l’a communiqué. Alors me voilà…

Vous ne trouvez pas marrant, vous, que ce soit ce numéro de bignou qui nous ait conduits tous deux ici ?

— Elle a dit, fait Duboin, que tu ne l’oublies pas…

— Qui ça ?

— Ben, la postière ! En somme, c’est grâce à elle si tu es vivant.

CHAPITRE XIX

Le boss a un visage imperturbable, lorsque je pénètre dans son burlingue.

— Tiens, murmure-t-il, votre crise d’appendice est dissipée ?

— Fausse alerte, chef. En réalité, il s’agissait d’un banal empoisonnement dû à de la sauce tomate…

Il me regarde.

— C’est dangereux, la sauce tomate, fait-il, sans rire. Ça vous défigure complètement un homme.

Je sais ce qu’il veut dire. Un miroir m’a renseigné. Le coup de savate de l’imprimeur m’a sérieusement entamé le pif. J’ai maintenant un tarin plus gros qu’une pomme de terre. Sans parler d’un œil au beurre noir…

— Bon, enchaîne le boss. Je suis bien aise de vous retrouver. J’ai du travail. Oh, à propos, vos collègues de Grenoble ont mis fin à cette affaire de fausse monnaie, tandis que vous étiez couché.

J’esquisse une grimace.

— Ce sont des gens très forts, continue le boss. Prenez du feu, San-Antonio.

Je reste de marbre.

— L’affaire était très importante. De hauts personnages sont compromis.

Je laisse tomber un « Ah ! » réservé.

— Enfin, dit le boss, maintenant ce ne sont plus nos oignons. Nous avons du pain sur la planche. Vous êtes en forme ?

— Assez, je murmure. Les vacances, patron, c’est formidable comme ça vous retape un homme !

FIN