Et effectivement, quand ils virent qu'il ne démontrait pas la moindre expression de douleur, les natifs se mirent à l'observer comme une entité surnaturelle. Puisqu'il était resté indemne au poison de la vipère, il ne pouvait pas être un homme ordinaire, mais plutôt quelque envoyé de l'Olympe à qui ils devaient tous obéir.
C'est alors que le plus haut fonctionnaire de Malte, Publius Appianus, est arrivé sur les lieux et fit prendre les premières mesures pour secourir les naufragés qui furent conduits dans de vastes hangars abandonnés près de sa résidence où ils reçurent un bouillon chaud, des remèdes et des vêtements. Le préposé impérial réserva les meilleures pièces de sa résidence au commandant du navire et au centurion Jules, attentif au prestige de leurs positions respectives, jusqu'à ce qu'ils trouvent où se loger sur l'île. Le chef de cohorte, néanmoins, se sentant maintenant extrêmement lié à l'apôtre des gentils demanda au généreux fonctionnaire romain d'accueillir l'ex-rabbin avec le respect qu'il méritait alors qu'il faisait l'éloge de ses vertus héroïques.
Informé de la condition spirituelle élevée du converti de Damas et à entendre les faits merveilleux qui lui étaient attribués concernant les guérisons, il dit avec émotion au centurion:
C'est parfait ! Quel précieux souvenir que le vôtre, j'ai justement ici mon vieux père malade et je désirerais mettre les vertus de ce saint homme du peuple d'Israël à l'épreuve !...
À la demande de Jules, courageusement Paul a acquiescé et a donc comparu chez Publius. Il fut amené auprès du vieux malade, sur lui il imposa ses mains calleuses et ridées tout en priant avec émotion et ardeur. Le vieillard qui était bouillant et se consumait dans une fièvre létale, ressentit immédiatement un grand soulagement et rendit grâce aux dieux de sa croyance. Très surpris, Publius Appianus le vit se lever et chercher la dextre de son bienfaiteur pour y poser un auguste baiser. L'ex-rabbin profita de la situation et sur le champ exalta le divin Maître prêchant les vérités éternelles, expliquant que tous les biens venaient de son cœur miséricordieux et juste, et non des pauvres créatures fragiles comme lui.
Le préposé de l'Empire voulut immédiatement connaître l'Évangile. Arrachant des plis de sa tunique en lambeaux les parchemins de la Bonne Nouvelle, seul patrimoine resté entre ses mains après la tempête, Paul de Tarse se mit à exhiber les pensées et les enseignements de Jésus, presque avec orgueil. Publius ordonna de copier le document et promit de s'intéresser à la situation de l'apôtre, usant de ses relations à Rome pour qu'il retrouve sa liberté.
La nouvelle s'est répandue en quelques heures. On ne parlait pas d'autre chose, sinon de l'homme providentiel que les dieux avaient envoyé sur l'île pour que les malades soient guéris et pour que le peuple reçoive les nouvelles révélations.
Avec la complaisance de Jules, l'ex-rabbin et ses compagnons purent utiliser un vieux salon de radministrateur où les services évangéliques fonctionnèrent régulièrement tout au long de ce rigoureux hiver. Des foules de malades furent guéris. Des vieux misérables à la clarté des trésors du Christ trouvèrent de nouveaux espoirs. Quand l'époque de la navigation revint, Paul avait déjà créé sur Me une vaste famille chrétienne, pleine de paix et de nobles réalisations pour l'avenir.
Conscient de ses devoirs, Jules décida de repartir avec les prisonniers du navire « Castor et Polux », qui avaient hiverné là et se dirigeaient vers l'Italie.
Le jour de l'embarquement, l'apôtre eut la consolation de constater le grand intérêt que lui portaient ses nouveaux amis de l'Évangile en recevant ému des manifestations d'affection fraternelle. Le drapeau auguste du Christ s'agitait là aussi et pour toujours.
Le navire se dirigea vers la côte italienne poussé par des vents favorables.
Arrivés à Syracuse, en Sicile, soutenu par le généreux centurion qui était maintenant un ami dévoué, Paul de Tarse profita des trois jours de permanence en ville pour prêcher le Royaume de Dieu, attirant de nombreuses créatures à l'Évangile.
Ensuite, le bateau a pénétré dans le détroit, a touché Reggio, et s'est dirigé à partir de là vers Pouzzoles (Putéoles), non loin du Vésuve.
Avant de débarquer, le centurion s'est respectueusement approché de l'apôtre et lui dit :
Mon ami, jusqu'à présent vous avez été sous la protection de mon amitié personnelle directe ; à partir d'ici cependant nous devons voyager sous les regards interrogateurs de ceux qui habitent à proximité de la métropole et nous devons tenir compte de votre condition de prisonnier...
Remarquant sa gêne évidente, mêlée d'humilité et de respect, Paul s'exclama :
Voyons, Jules, ne t'inquiète pas ! Je sais que tu dois me ligoter pour répondre à tes devoirs. Dépêche-toi de le faire car il ne serait pas tolérable de compromettre une affection aussi pure que la nôtre.
Le chef de cohorte avait les yeux larmoyants mais il retira les liens de sa petite poche et lui dit :
Je partage la joie de rester avec vous. J'aurais voulu être comme vous un prisonnier du Christ !...
Paul lui a tendu sa main, extrêmement ému, la serrant fortement sous le regard affectueux de ses trois compagnons.
Jules décida que les prisonniers ordinaires seraient installés dans des prisons avec des barreaux et que Paul, Timothée, Aristarque et Luc resteraient en sa compagnie dans une modeste pension. En raison de l'humilité de l'apôtre et de ses collaborateurs, le chef de cohorte semblait plus généreux et plus fraternel. Désireux de satisfaire le vieux disciple de Jésus, û fit immédiatement rechercher si, à Pouzzoles, il y avait des chrétiens et si c'était le cas qu'ils viennent le voir pour connaître les travailleurs de l'ensemencement sacré. Quelques heures plus tard, le soldat chargé de cette mission faisait venir un généreux vieillard du nom de Sextus Flacus, dont le visage débordait de la plus grande joie. Dès qu'il fut entré, il s'est approché du vieil apôtre et lui a baisé les mains, les a arrosées de larmes pris d'une affection spontanée. Immédiatement, ils ont échangé des propos consolateurs auxquels Paul de Tarse participait ému. Flacus l'informa que la ville avait depuis longtemps sa propre église ; que l'Évangile gagnait du terrain dans les cœurs ; que les lettres de l'ex-rabbin étaient des sujets de méditation et d'étude dans tous les foyers chrétiens qui reconnaissaient dans ses activités la mission d'un messager du Messie sauveur. Il prit alors une vieille bourse d'où il arracha une copie de l'épître aux Romains, conservée précieusement par des confrères de Pouzzoles.
Très connaissant et impressionné, Paul l'écoutait, il lui semblait arriver dans un nouveau monde.
Jules, à son tour, ne retenait pas son allégresse. Et laissant libre cours à son enthousiasme naturel, Sextus Flacus envoya des messages à ses compagnons. Peu à peu, la modeste auberge se remplissait de visages nouveaux. C'étaient des boulangers, des commerçants et des artisans qui venaient désireux de serrer la main de l'ami des gentils. Tous voulaient boire les pensées de l'apôtre, le voir de près, lui baiser les mains. Paul et ses compagnons furent invités à parler à l'église cette nuit là et, informés que le centurion prétendait partir pour Rome le lendemain, les sincères disciples de l'Évangile à Pouzzoles, prièrent Jules de retarder leur départ d'au moins sept jours pour que Paul reste un peu parmi eux, ce que le chef de cohorte accepta volontiers.
La communauté vécut alors des heures d'une joie immense. Sextus Flacus et ses compagnons envoyèrent deux émissaires à Rome pour que les amis de la ville impériale aient connaissance de l'arrivée de l'apôtre des gentils. Et chantant des louanges en cœur, les croyants vécurent des jours d'un bonheur sans mesure.
Au bout d'une semaine de travaux fructueux et bénéfiques, le centurion leur fit comprendre que l'heure du départ était venue.