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Absolument pas - l'a interrompue le jeune homme lui caressant les cheveux -, nous passons par des expériences qui doivent être un véritable motif de rédemption pour nous, sans cela Dieu ne nous les enverrait pas.

Ne soyons pas contrariés par notre père - a repris la jeune fille - ; je me disais que si mère était parmi nous, elle ne se plaindrait pas de si tristes conséquences. Nous n'avons pas ce pouvoir de persuasion avec lequel, toujours affectueuse, elle illuminait notre maison. Tu te souviens ? Elle nous a toujours enseigné que les enfants de Dieu doivent être prêts à accomplir ses divines volontés. Les prophètes, à leur tour, nous disent que les hommes sont les instruments de la création. Le Tout-Puissant est l'agriculteur et nous devons être les branches fleuries ou fructifères de son œuvre. La parole de Dieu nous apprend à être bons et bienveillants. Le bien doit être la fleur et le fruit que le ciel nous demande.

C'est alors que la belle jeune fille fit une pause significative. Ses grands yeux étalent chargés d'un léger voile de larmes qui n'arrivait pas à couler.

Néanmoins, elle a continué, attendrissant son cher frère : j'ai toujours désiré faire le bien, sans jamais y arriver. Quand notre voisine est devenue veuve, j'ai voulu l'aider financièrement parlant, mais je n'avais pas d'argent ; chaque fois qu'est apparue une occasion d'ouvrir les mains, j'étais pauvre et mes mains étaient vides. Alors, maintenant, je pense que notre emprisonnement a été utile. Ne serait-ce pas un bonheur en ce monde que de pouvoir souffrir pour l'amour de Dieu ? Celui qui n'a rien, possède encore un cœur pour le donner. Et je suis convaincue que le ciel bénira notre décision de le servir avec joie.

Le jeune homme l'a prise dans ses bras et lui dit :

Dieu te bénisse pour la compréhension que tu as de ses lois, petite sœur !

Une longue pause s'est faite entre eux, tandis qu'ils plongeaient dans l'infini de la nuit claire leurs yeux tendres et anxieux.

À un moment donné, la jeune fille lui demanda :

Pourquoi les enfants de notre race sont-ils persécutés de toute part, supportant l'injustice et les souffrances ?

Je suppose que Dieu le permet comme le père aimant se base sur ses enfants les plus expérimentés pour instruire ses enfants les plus jeunes et ignorants - a répondu le jeune homme. Quand d'autres peuples annihilent leurs forces en dominant leurs prochains par l'épée ou se perdant dans les plaisirs condamnables ; notre témoignage au Très-Haut, par les douleurs et les amertumes en ce monde, accroit en notre esprit notre capacité de résistance, tandis que d'autres apprennent à considérer les vérités religieuses par l'exemple de nos efforts.

Et fixant son regard calme dans le firmament, il a ajouté :

Mais je crois au Messie rédempteur qui viendra éclairer toutes les choses. Les prophètes nous affirment que les hommes ne le comprendront pas, néanmoins il viendra enseigner l'amour, la charité, la justice et le pardon. Né parmi les humbles, il donnera l'exemple parmi les pauvres, il illuminera le peuple d'Israël, relèvera les tristes et les opprimés, prendra avec amour tous ceux qui souffrent de l'abandon du cœur. Qui sait, Abigail, il est peut-être en ce monde, sans que nous le sachions ? Dieu opère en silence et ne partage pas les vanités de la créature. Nous avons la foi et notre confiance en l'Éternel est une source de force inépuisable. Les enfants de notre race ont beaucoup souffert, mais Dieu sait pourquoi, et il ne nous enverrait pas d'épreuves dont nous n'aurions pas besoin.

La jeune fille a semblé longuement méditer, puis demanda :

Et puisque nous parlons de souffrances que devons nous attendre de demain ? Je prévois de grandes contrariétés pendant cet interrogatoire et, après tout, que feront les juges de notre père et de nous-mêmes ?

Nous ne devons nous attendre qu'à des tourments et des déceptions, mais n'oublions pas l'occasion qui nous sera donnée d'obéir à Dieu. Quand il a ressenti l'ironie de sa femme dans ses malheurs extrêmes, Job s'est bien souvenu que si le Créateur nous donne des biens pour notre joie, il peut également nous envoyer des dépits pour notre progrès. Si père est accusé, je dirai que j'ai été l'auteur du délit.

Et s'ils te fouettent pour cela ? - a-t-elle ajouté anxieusement.

Je me livrerai au châtiment la conscience tranquille. Si tu es auprès de moi, à cet instant, tu chanteras avec moi la prière des affligés.

Et s'ils te tuent, Jeziel ?

Nous demanderons à Dieu qu'il nous protège.

Abigail a étreint plus tendrement son frère qui, à son tour, dissimulait difficilement sa profonde émotion. Sa chère sœur avait toujours été le précieux trésor de toute sa vie. Depuis que la mort leur avait ravi leur mère, il s'était consacré à sa sœur de tout son cœur. Sa vie vertueuse se partageait entre le travail et l'obéissance à leur père ; entre l'étude de la Loi et sa douce affection pour sa compagne d'enfance. Abigail le regardait pleine d'attachement tandis qu'il la serrait contre lui avec l'élan de son amitié pure qui unit deux âmes affines.

Après avoir longuement réfléchi, Jeziel ému lui dit : -Si je meurs, Abigail, tu dois me promettre de suivre à la lettre les conseils de mère pour que notre vie, en ce monde, ne soit pas souillée. Tu te souviendras de Dieu et du travail sanctificateur, et jamais tu n'écouteras la voix des tentations qui entraînent les créatures à la chute dans les abîmes du chemin.

Tu te souviens des dernières remarques de mère sur son lit de mort ?

Si je m'en souviens - a répondu Abigail laissant couler une larme. - J'ai l'impression d'entendre encore ses derniers mots : « Et vous mes enfants, vous aimerez Dieu par-dessus tout, de tout cœur et de tout votre entendement ».

Jeziel a senti ses yeux larmoyants à ces souvenirs, et a murmuré :

Il est heureux que tu n'aies pas oublié.

Et comme s'il désirait changer le cours de la conversation, il a ajouté avec sensibilité :

Maintenant, tu dois dormir.

Bien que ne voulant pas se reposer, elle a pris son pauvre manteau et improvisa un lit à la lumière pâle du clair de lune qui pénétrait par les barreaux et, lui baisant le front avec une indicible tendresse, il lui a dit affectueusement :

Repose-toi, ne t'inquiète pas de notre situation, notre destinée appartient à Dieu.

Pour lui être agréable, Abigail s'est calmée comme elle put, alors qu'il s'approchait de

la fenêtre pour regarder la beauté de la nuit saupoudrée de lumière. Son jeune cœur était plein d'angoissantes cogitations. Maintenant que son père et sa sœur reposaient dans l'ombre, il laissa libre cours aux idées profondes qui remplissaient son esprit généreux. Il cherchait, anxieusement, une réponse aux questions qu'il envoyait aux étoiles lointaines. Il avait sincèrement confiance en son Dieu de sagesse et de miséricorde que ses parents lui avaient fait connaître. À ses yeux, le Tout-Puissant était toujours infiniment juste et bon. Lui qui avait éclairé son père et consolé sa petite sœur, demandait à son tour en son for intérieur, pourquoi ils passaient par de telles épreuves.

Comment justifier par une simple raison, l'emprisonnement inattendu d'un vieil homme honnête, d'un jeune homme travailleur et d'une enfant innocente ? Quel délit irréparable avaient-ils commis pour mériter une expiation aussi affligeante ? D'abondants sanglots surgirent lorsqu'il se rappela l'humiliation de sa sœur, mais il n'a pas cherché à sécher les larmes qui inondaient son visage, pour les cacher d'Abigail qui l'observait peut-être dans l'ombre. Il se rappelait, un à un, les enseignements des Écrits sacrés. Les leçons des prophètes consolaient son âme anxieuse. Néanmoins, il portait dans son cœur une nostalgie infinie. Il se souvenait de l'affection maternelle que la mort leur avait ravie. Si elle avait été là, leur mère saurait comment les consoler. Quand ils étaient enfants lors des petites contrariétés, elle leur enseignait qu'en tout Dieu est bon et miséricordieux ; que dans la maladie, il corrige le corps, et dans les angoisses de l'âme il éclaire et illumine le cœur. En remontant le cours de ses réminiscences, il se disait aussi qu'elle l'avait toujours incité au courage et à la joie, lui faisant sentir que la créature convaincue de la paternité divine marche dans le monde, fortifiée et heureuse.