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Paul de Tarse reçut la nouvelle avec des vœux de reconnaissance faits à Jésus. Plus que lui-même, ses amis jubilaient et célébrèrent l'événement avec des manifestations d'enthousiasme mémorables.

Le converti de Damas, néanmoins, ne vit pas dans cela uniquement une raison de réjouissance personnelle, mais l'obligation d'intensifier la diffusion de l'Évangile de Jésus.

Pendant un mois, au début de l'année 63, il rendit visite aux communautés chrétiennes de tous les quartiers de la capitale de l'Empire. Sa présence était sollicitée dans tous les cercles qui le recevaient entre des témoignages amicaux de respect et d'amour pour son autorité morale. Organisant des projets d'activités pour toutes les églises domestiques qui fonctionnaient dans la ville, et après d'innombrables prédications générales dans les catacombes silencieuses, l'infatigable travailleur décida de partir pour l'Espagne. En vain ses collaborateurs sont intervenus, le suppliant d'abandonner un tel projet. Mais rien ne put l'en dissuader. Depuis longtemps, il nourrissait le souhait de visiter la pointe de l'Occident et, si celui lui était possible, il désirait mourir convaincu d'avoir porté l'Évangile aux confins du monde.

À LA RENCONTRE DU MAÎTRE

A la veille de partir à la rencontre des gentils espagnols, l'apôtre reçut une lettre impressionnante de la part de Simon Pierre. L'ex-pêcheur de Capharnaûm lui écrivait de Corinthe l'informant de son arrivée prochaine dans la ville impériale. A la fois tendre et chaleureuse, La missive était pleine de confidences arriéres et tristes. Pierre confiait à son ami ses dernières désillusions en Asie et se montrait vivement intéressé par ce qui se passait à Rome. Ignorant que l'ex-rabbin avait retrouvé sa liberté, fraternellement, il cherchait à le réconforter. Lui aussi, Simon, avait décidé de s'exiler auprès des frères de la métropole impériale et espérait pouvoir être utile à son ami d'une manière ou d'une autre. Toujours dans le même document confidentiel, il le priait de profiter du porteur pour informer ses confrères romains de son intention de s'attarder quelque temps parmi eux.

Très ému, le converti de Damas lut et relut le message amical.

L'émissaire, un frère de l'église de Corinthe, l'informa que le vénérable apôtre de Jérusalem arriverait au port d'Ostie dans une dizaine de jours, tout au plus.

Il n'hésita pas un seul instant. Usant de tout ce qu'il avait à sa portée, il prévint ses proches et prépara une modeste maisonnette où Pierre pourrait être logé en famille. Il créa le meilleur environnement possible pour la réception du respectable compagnon. Prétextant sa prochaine excursion en Espagne, il dispensait les cadeaux de ses amis, leur indiquant les besoins de Simon pour que rien ne lui manque. Il transporta tout ce qu'il possédait d'objets d'utilité domestique de la modeste pièce qu'il avait louée près de la porte Lavernale à la maisonnette destinée à Simon, près des cimetières Israélites de la voie Appienne. Cet exemple de coopération fut hautement apprécié de tous. Les frères les plus humbles voulurent à tout prix offrir de petites choses à l'apôtre disant qu'il arriverait sans rien.

Informé du fait que le bateau entrait au port, l'ex-rabbin s'est précipité à Ostie. Luc et Timothée, toujours en sa compagnie avec d'autres coopérateurs dévoués, le soutenaient sur les petits accidents de parcours en lui donnant le bras, ici et là.

Ils ne purent organiser une réception plus ostensible. La persécution sourde des adeptes du Nazaréen les encerclait de toute part. Les derniers conseillers honnêtes de l'Empereur disparaissaient. Rome s'enfonçait dans des crimes qui se répétaient quotidiennement. De nobles personnalités patriciennes et du peuple étaient victimes d'attentats cruels. L'atmosphère de terreur dominait toutes les activités politiques et à l'inventaire de ces calamités, les chrétiens étaient les plus durement punis vu l'attitude hostile de ceux qui s'accommodaient des dieux antiques et qui s'adonnaient aux plaisirs d'une existence dépravée et facile. Les partisans de Jésus étaient accusés et rendus responsables de toutes les difficultés qui survenaient. Si surgissait une plus forte tempête, le phénomène était dû aux adeptes de la nouvelle doctrine. Si l'hiver était plus rigoureux, l'accusation pesait sur eux, car personne plus que les disciples du Crucifié n'avait autant méprisé les sanctuaires de la croyance antique en négligeant les faveurs et les sacrifices aux divinités protectrices. À partir du règne de Claude, de viles rumeurs concernant les pratiques chrétiennes se répandirent. La fantaisie du peuple, avide de distributions de blé lors des grandes fêtes du cirque, imaginait des situations inexistantes et faisait naître des idées extravagantes et absurdes concernant les croyants de l'Évangile. Voilà pourquoi depuis l'année 58, les chrétiens pacifiques étaient menés au cirque comme s'ils étaient des esclaves révoltés ou rebelles qui devaient disparaître. De sorte que l'oppression s'aggravait quotidiennement. Les Romains plus ou moins illustres, de nom ou de situation financière qui sympathisaient avec la doctrine du Christ, continuaient indemnes des vexations publiques ; mais les pauvres, les ouvriers, les fils de la plèbe, étaient menés au martyre par centaines. Ainsi, les amis de l'Évangile ne préparèrent aucun hommage public à l'arrivée de Simon Pierre. À l'inverse, ils cherchèrent à donner à cet événement un caractère privé pour ne pas éveiller les représailles des sbires de la situation.

Pris de joie, Paul de Tarse tendit les bras à son vieil ami de Jérusalem. Simon était en compagnie de sa femme et de ses fils, ainsi que de Jean. Sa parole généreuse était pleine de nouveautés pour l'apôtre des gentils. Au bout de quelques minutes, il apprit le décès de Jacques et eut des nouvelles des tourments infligés à l'église de Jérusalem par le Sanhédrin. Le vieux pêcheur racontait les dernières péripéties de son sort avec bonne humeur. Il commentait les témoignages les plus difficiles avec un sourire sur les lèvres et intercalait tous ses récits de louanges à Dieu. Après s'être rapporté aux luttes engagées lors de pèlerinages nombreux et répétés, il raconta à l'ex-rabbin qu'il s'était réfugié pendant quelques jours à Éphèse auprès de Jean, où il fut accompagné par les fils de Zébédée jusqu'à Corinthe, puis ils décidèrent de se rendre à la capitale de l'Empire. Paul, à son tour, lui a parlé des tâches reçues de Jésus pendant ces dernières années. Il fallait voir l'optimisme et le courage de ces hommes qui, enflammés de l'esprit messianique et aimant du Maître, commentaient les désillusions et les douleurs du monde comme des récompenses de la vie.

Après les douces joies des retrouvailles, le groupe s'est discrètement dirigé vers la maisonnette réservée à Simon Pierre et à sa famille.

Ressentant l'excellence de cet accueil affectueux, l'ex-pêcheur ne trouvait pas de mots pour traduire ses joies profondes. Comme Paul quand il était arrivé à Pouzzoles, il avait l'impression d'être dans un monde différent de celui où il avait vécu jusqu'à présent.

À cette arrivée, les services apostoliques ont augmenté mais le prédicateur des gentils n'abandonnait pas l'idée d'aller en Espagne. Soutenant que Pierre le substituerait avec bonheur, il décida d'embarquer le jour programmé sur un petit navire en partance pour la côte gauloise. Les protestations amicales n'y firent rien, pas même l'insistance de Simon pour qu'il reporte son voyage. En compagnie de Luc, de Timothée et de Demas, le vieil avocat des gentils, Paul est parti à l'aube d'un beau jour, plein de généreux projets.

En route vers le territoire espagnol, la mission a visité une partie des Gaules, il s'attarda plus longuement dans la région de Tortosa. En tous lieux, la parole et les actes de l'apôtre gagnaient de nouveaux cœurs pour le Christ, multipliant les services de l'Évangile et rénovant les espoirs populaires à la lumière du Royaume de Dieu.