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Le mois de juin s'écoulait.

L'ex-rabbin redoubla d'activités intenses, il alla voir Acacius Domicius pour lui demander son intervention et faire appel à son influence. De plus se disant que ces mesures lentes pourraient résulter en échecs, assisté par des amis éminents, il chercha à rencontrer de nombreux courtisans de la cour impériale pour arriver à voir Popéia Sabine et supplier ses bons offices concernant le fils de Zébédée. Très surprise, la célèbre favorite écouta ses confidences, ces révélations d'une vie éternelle, cette conception de la divinité, tout cela l'effrayait. Bien qu'étant l'ennemie déclarée des chrétiens, vu la sympathie qu'elle affichait pour le judaïsme, Popéia fut impressionnée par le personnage ascétique de l'apôtre et par les arguments qui renforçaient sa requête. Sans cacher son étonnement, elle promit de s'occuper de son cas en prenant des dispositions immédiates.

Paul se retira, plein d'espoir quant à l'absolution de son compagnon car Sabine lui avait promis de le faire libérer dans les trois jours à venir.

De retour à la communauté, il informa ses frères de foi de l'entrevue qu'il avait eue avec la favorite de Néron. Mais une fois son exposition terminée, il remarqua, quelque peu surpris, que quelques compagnons désapprouvaient son initiative. Il leur a alors demandé de s'expliquer et de justifier leurs doutes. Des considérations sans fondement surgirent qu'il accueillit avec son inépuisable sérénité. Ils alléguaient qu'il n'était pas louable de s'adresser à une courtisane débauchée pour solliciter une faveur. De tel procédé ressemblaient à ceux d'Éphèse envers les partisans du Christ. Popéia était une femme de vie particulièrement dépravée, elle participait aux orgies du Palatin et se caractérisait par sa scandaleuse luxure. Était-il raisonnable de lui demander sa protection pour les disciples de Jésus ?

Paul de Tarse accepta ces tristes arguments avec une patience béatifiante et objecta sagement :

- Je respecte et je prends votre avis en considération mais, avant tout, je pense qu'il est primordial de faire libérer Jean. Si c'était moi le prisonnier, ce serait moins grave et vous n'auriez pas à juger le cas avec une telle urgence. Je suis vieux, épuisé, aussi vaudrait-il mieux et peut-être me serait-il plus utile de méditer sur la miséricorde de Jésus à travers les barreaux d'une prison.

Mais Jean est relativement jeune, fort et dévoué ; le christianisme de l'Asie ne peut dispenser ses activités constructives jusqu'à ce que d'autres travailleurs soient appelés à l'ensemencement divin. Concernant vos doutes, néanmoins, il convient de présenter un argument qui exige de la pondération. Pourquoi considérez-vous impropre la sollicitation faite à Popéia Sabine ? Vous auriez la même façon de penser si je m'étais adressé à Tigellia ou à l'empereur lui-même ? Ne seraient-ils pas victimes de la même prostitution qui affecte les favorites de la cour ? Si je mettais allié à un militaire ivre du Palatin pour obtenir la libération de notre compagnon, peut-être auriez-vous applaudi mon geste sans restriction aucune. Frères, il est fondamental de comprendre que la destruction morale de la femme vient presque toujours de la prostitution de l'homme. Je suis d'accord pour dire que Popéia n'est pas le personnage qui convient le mieux dans le cas présent en vertu des faiblesses de sa vie personnelle ; néanmoins, c'est la providence que les circonstances ont indiqué et nous devons faire libérer le dévoué disciple du Seigneur. D'ailleurs, j'ai cherché à faire valoir de tels arguments en lui rappelant l'exhortation du Maître quand il recommande à l'homme de cultiver des amis avec les richesses de l'iniquité20. Je considère que toutes relations avec le Palatin sont des expressions de fortune inique ; mais je pense qu'il est utile d'amener ceux qui se « meurent » dans le péché à réaliser des actes de charité et de foi pour qu'ils se détachent ainsi des liens avec leur passé délictueux, assistés par l'intercession d'amis fidèles.

20 (1) Luc. Chapitre 16, verset 9. - (Note d'Emmanuel)

L'élucidation de l'apôtre a répandu un grand silence dans toute l'enceinte. En quelques mots, Paul de Tarse avait fait entrevoir à ses compagnons des conclusions transcendantes d'ordre spirituel.

La promesse fut tenue. Trois jours plus tard, le fils de Zébédée retrouvait sa liberté. Jean était très affaibli. Les mauvais traitements, la contemplation des terribles scènes de la prison, l'attente angoissante avaient plongé son âme dans de pénibles tourments.

Pierre se réjouissait, mais attentif à la tension ambiante, l'ex-rabbin suggéra le retour de l'apôtre galiléen en Asie sans perdre de temps. L'église d'Éphèse l'attendait. Jérusalem devait pouvoir compter sur sa collaboration désintéressée et fraternelle. Jean n'eut pas le temps de beaucoup réfléchir car Paul, comme possédé par d'amers pressentiments, partit pour le port d'Ostie organiser son embarquement où il profita d'un navire napolitain prêt à larguer les amarres pour Milet. Rattrapé par les dispositions prises et incapable de résister à l'ex- rabbin résolu, le fils de Zébédée a embarqué fin juin 64, tandis que ses amis restaient à Rome pour poursuivre la belle bataille au profit de l'Évangile.

Plus les horizons étaient sombres, plus le groupe des frères de foi en le Christ Jésus était uni. Les réunions dans les lointains cimetières abandonnés se multipliaient. En ce temps de souffrances, les prédications semblaient plus belles.

Paul de Tarse et ses compagnons s'afféraient aux constructions spirituelles quand la ville fut brusquement secouée par un événement étonnant. Dans la matinée du 16 juillet 64, éclata un violent incendie à proximité du Grand Cirque, comprenant toute la région du quartier localisé entre le Celio et le Palatin. Le feu avait commencé dans de vastes entrepôts pleins de matériel inflammable et s'était propagé à une rapidité surprenante. En vain, les ouvriers et les hommes du peuple furent amenés à lutter contre la violence des flammes ; en vain, la foule nombreuse et compacte déploya des efforts pour maîtriser l'horreur de la situation. Les flammes augmentaient toujours davantage, s'étendant avec fureur, laissant des piles de décombres et de ruines derrière elles. Rome entière accourrait pour voir le sinistre spectacle, déjà enflammée par ses passions menaçantes et terribles. Avec une fabuleuse rapidité, le feu entoura le Palatin et envahit le Vélabre. Le premier jour se terminait avec d'angoissantes perspectives. Le firmament était couvert d'une fumée épaisse, une grande partie des collines était illuminée par la clarté odieuse du terrible incendie. Les élégantes demeures de l'Aventin et du Celio ressemblaient aux arbres secs d'une forêt en flammes. La désolation des victimes de l'énorme catastrophe ne faisait que grandir. Tout brûlait aux alentours du Forum. L'exode commença avec d'infinies difficultés. Les portes de la ville étaient congestionnées de personnes prises d'une profonde terreur. Des animaux épouvantés couraient le long des rues comme poursuivis par des persécuteurs invisibles. Des édifices anciens, de solides constructions tombaient en ruine dans un funeste fracas. Tous les habitants de Rome désiraient fuir la zone embrasée. Plus personne n'osait attaquer le feu indomptable. Le deuxième jour se présenta avec le même spectacle inoubliable. Les populations renoncèrent à sauver quoi que ce soit ; elles se contentaient d'enterrer les morts indénombrables trouvés dans les lieux de possible accès. Des dizaines de personnes parcouraient les rues poussant des éclats de rire horribles ; la folie se généralisait parmi les créatures les plus impressionnables. Des civières improvisées conduisaient les blessés au hasard. De longs défilés envahissaient les sanctuaires pour sauver les somptueuses images des dieux. Des milliers de femmes accompagnaient la figure impassible des divinités protectrices dans de pénibles suppliques, faisant vœux de douloureux sacrifices tout en poussant des cris de stentor.