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Oh ! Vous êtes trop généreux ! - a-t-il murmuré en prenant la bourse bien pleine.

L'argent est toujours bon à prendre - a dit Jeziel -quand grâce à lui nous pouvons conquérir la sympathie ou la miséricorde des hommes.

L'interlocuteur a feint de ne pas percevoir la portée philosophique de ces paroles et lui

dit :

Votre bonté, néanmoins, dispense le concours de tout élément étranger à la conquête de bons amis. Moi, par exemple, je me dirigeais à mon travail au port quand j'ai ressenti une si grande sympathie pour vous que je me trouve là, prêt à vous servir.

Votre nom ?

Irénée de Crotona pour vous servir - répondit l'interpellé, visiblement satisfait par l'argent qui remplissait sa poche.

Mon ami - s'exclama le jeune homme extrêmement affaibli -, je suis malade et je ne connais pas cette ville pour prendre de décision. Pouvez-vous m'indiquer un abri ou quelqu'un qui puisse me donner la charité d'un asile ?

Irénée a pris un air de pitié affectée et a répondu :

Je crains de ne rien avoir à mettre à votre disposition qui puisse répondre à vos besoins, et je ne sais pas non plus où il y aurait un abri approprié pour vous recevoir comme cela s'avère nécessaire. En vérité tout le monde est prêt à faire le mal, mais pour faire le bien...

Puis, se concentrant un moment, il a ajouté :

Ah ! Maintenant que j'y pense !... Je connais des personnes qui peuvent vous aider. Ce sont les hommes du « Chemin ».4

Désignation première du christianisme. (Note d'Emmanuel.)

Encore quelques mots et Irénée lui proposa de le conduire auprès de l'un d'eux, soutenant son corps malade et vacillant.

Le soleil caressant du matin commençait à éveiller la nature de ses rayons chauds et réconfortants. Une fois leur courte randonnée par un raccourci dans la lande accomplie, soutenu par le vagabond transformé en bienfaiteur, Jeziel s'est arrêté devant la porte d'une maison à l'apparence modeste. Irénée est entré, puis il est revenu avec un homme âgé au visage bienveillant qui a tendu cordialement sa main au jeune Hébreu, en disant :

D'où viens-tu, frère ?

Le jeune homme resta admiratif par tant de bonté et de délicatesse manifestée chez un homme qu'il voyait pour la première fois. Pourquoi lui donnait-il ce titre familier réservé au cercle des intimes nés sous le même toit ?

Pourquoi m'appelez-vous frère, si vous ne me connaissez pas ? - a-t-il interrogé

ému.

Mais l'interpellé, renouvelant son sourire généreux, ajouta :

Nous sommes tous une grande famille en le Christ Jésus.

Jeziel n'a pas compris. Qui était ce Jésus ? Un nouveau dieu pour ceux qui ne connaissaient pas la Loi ? Reconnaissant que la maladie ne lui permettait pas de faire des cogitations religieuses ou philosophiques, il a simplement répondu :

Que Dieu récompense la générosité de votre accueil. Je viens de Céphalonie et je suis gravement tombé malade pendant le voyage, c'est ainsi que dans cet état je fais appel à votre charité.

Éphraïm - a dit Irénée s'adressant au propriétaire de la maison -, notre ami a de la fièvre et son état général exige des soins. Vous, qui êtes l'un des hommes bons du « Chemin », devez l'accueillir avec ce cœur dévoué à ceux qui souffrent.

Éphraïm s'est approché davantage du jeune malade et fit observer :

Ce n'est pas le premier malade de Céphalonie que le Christ envoie à ma porte. Avant- hier déjà, un autre est apparu ici, le corps criblé de terribles blessures. Devant la gravité de son cas, je prétends d'ailleurs l'emmener dans l'après-midi à Jérusalem.

Mais pourquoi faut-il aller si loin ? - a demandé Irénée avec étonnement.

Il n'y a que là-bas que nous ayons un plus grand nombre de collaborateurs - a-t-il expliqué avec humilité.

Entendant ce qui se disait et considérant son besoin de quitter le port conformément aux recommandations du patricien qui avait été pour lui un véritable ami en lui rendant sa liberté, dans un appel humble et triste, Jeziel s'est adressé à Éphraïm en ces ternies :

Pour ce que vous êtes, emportez-moi avec vous à Jérusalem, par pitié !...

Démontrant une bonté naturelle, l'interpellé a accepté sans hésitation :

Tu viendras avec moi.

Abandonné par Irénée aux soins d'Éphraïm, le malade reçut l'attention d'un véritable ami. S'il n'avait pas été aussi fiévreux, il aurait eu avec le frère des échanges plus approfondis pour connaître plus en détail les nobles principes qui l'avaient amené à lui tendre sa main protectrice. Mais il avait du mal à garder sa pensée vigilante afin de répondre à ses questions prévenantes pour le soigner correctement.

Au crépuscule, profitant de la fraîcheur de la nuit, une charrette, soigneusement couverte d'une bâche en chiffon bon marché, quittait Joppé à destination de Jérusalem.

Avançant doucement pour ne pas fatiguer la pauvre bête, Éphraïm transportait les deux malades à la ville proche, en quête du secours nécessaire. Se reposant dé-ci delà, ce n'est que le lendemain matin que le véhicule s'est arrêté devant la porte d'une grande maison qui par son aspect extérieur semblait d'ailleurs très pauvre. Un jeune au visage rayonnant est venu accueillir le nouvel arrivant qui lui demanda avec intimité :

Urias, pourrais-tu me dire si Simon Pierre est là ?

Oui, il est là.

Pourrais-tu l'appeler pour moi ?

J'y vais.

En compagnie de Jacques, le frère de Lévi, Simon est apparu et reçut le visiteur avec de grandes démonstrations d'amitié. Éphraïm expliqua la raison de sa présence. Deux désemparés exigeaient une aide urgente.

Mais c'est presque impossible - l'a interrompu Jacques. - Nous avons quarante neuf malades alités.

Pierre a esquissé un sourire généreux et lui dit :

Allons, Jacques, si nous étions en train de pêcher, serait-il juste de nous abstenir de tel ou tel tâche dépassant le domaine des obligations incontournables de chaque jour pour notre famille dont l'organisation nous vient de Dieu ; aujourd'hui le Maître nous a donné un devoir d'assistance à tous ses enfants en souffrance. Actuellement, notre temps se consacre à cela ; voyons donc ce que nous pouvons faire.

Et plein de bonté, l'apôtre s'est avancé pour accueillir les deux malheureux.

Venant des Tibériades, depuis qu'il était arrivé à Jérusalem, Simon s'était transformé en noyau central d'un grand mouvement humanitaire. De tout temps, les philosophes ont toujours trôné sur des chaises confortables, mais ils ne se sont jamais investis personnellement aux côtés des plus démunis, désertés par la chance. Par de divins exemples, Jésus a su rénover tout le système d'exhortation de la vertu. Appelant à lui les affligés et les malades, il a inauguré au monde la formule de la vraie bienfaisance sociale.

Les premières organisations d'assistance se sont érigées grâce à l'effort des apôtres sous l'influence aimante des leçons du Maître.

C'est pour cela que la résidence de Pierre, une donation faite par plusieurs amis du « Chemin », régurgitait de malades et d'invalides sans espoir. Originaires de Césarée, des vieux exhibaient des ulcères repoussants ; conduits par des parents soucieux de soulagement, des fous provenaient des régions les plus lointaines ; des enfants paralytiques de l'Idumée étaient portés par des bras maternels, tous attirés par la renommée du prophète nazaréen qui ressuscitait même les morts et savait rendre la tranquillité à ces cœurs les plus malheureux du monde.

Il était bien naturel qu'ils ne guérissent pas tous, ce qui obligeait le vieux pêcheur à prendre soin de tous les nécessiteux avec l'affection d'un père. Arrivé là avec sa famille, il était maintenant beaucoup aidé par Jacques, le fils d'Alphée, et par Jean ; mais bientôt, Philippe et ses filles s'installèrent également à Jérusalem, coopérant ainsi à ce grand effort fraternel. Le flux des nécessiteux était tel que depuis longtemps Simon ne pouvait plus se livrer à d'autres activités relatives à la prédication de la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. L'extension de ces tâches finit par lier l'ancien disciple aux plus grands noyaux du judaïsme dominant, l'obligeant à demander de l'aide aux personnages les plus éminents de la ville. Pierre se sentait de plus en plus esclave de ses amis bienfaiteurs et de ses pauvres bénéficiaires accourus de toute part dans un état de besoin suprême, implorant le secours de son esprit de disciple dévoué et sincère.