Répondant aux sollicitations confiantes d'Éphraïm, il fit installer les deux patients dans sa pauvre maison.
Dans un état de complète inconscience, Jeziel occupa un lit propre et simple, il était en plein délire, la fièvre le dominait. Néanmoins, ses paroles incohérentes révélaient une telle connaissance exacte des textes sacrés que Pierre et Jean se sont intéressés de manière spéciale à ce jeune homme aux joues décharnées et tristes. Principalement Simon, il passait de longues heures à l'écouter, notant les concepts profonds bien qu'issus d'une exaltation fiévreuse.
Après deux longues semaines, Jeziel alla mieux, il retrouva ses facultés pour mieux analyser et comprendre sa nouvelle situation. Il se prit d'affection pour Pierre, comme un enfant aimant pour un père légitime. Remarquant son dévouement, de lit en lit, de nécessiteux en nécessiteux, le jeune Hébreu ressentit une surprise délicieuse et profonde, l'ex-pêcheur de Capharnaûm, relativement jeune encore, était l'exemple vivant de la résignation fraternelle.
Bientôt convalescent, Jeziel fut transféré dans un environnement plus calme, à l'ombre douce de vieux dattiers qui entouraient la vieille maison.
Entre eux deux, dès les premiers jours, il s'était créé un courant magnétique d'une grande attraction affective.
Ce matin là, les commentaires aimables se succédaient et malgré la juste curiosité qui planait dans son esprit concernant son hôte captivant, Simon n'avait pas encore trouvé l'occasion d'échanger des idées plus personnelles pour étudier ses pensées, s'informant ainsi de ses sentiments et de son origine. Au souffle généreux de la brise matinale, sous les arbres feuillus, l'apôtre se prit d'audace et, à un moment donné après avoir distrait le convalescent avec quelques paroles amicales, il a délicatement cherché à pénétrer le mystère :
Ami - dit-il avec un sourire jovial -, maintenant que Dieu t'a rendu ta précieuse santé, je me réjouis d'avoir reçu ta visite dans notre maison. Notre joie est sincère, car depuis que tu es parmi nous, à travers les moindres détails, tu as révélé par la connaissance que tu as des textes sacrés, la condition spirituelle d'un enfant légitime élevé au sein d'un foyer organisé avec Dieu. Et j'ai été tellement impressionné par tes références à Ésaïe quand tu délirais dévoré par la fièvre que je désirerais savoir de quelle tribu tu descends.
Jeziel a compris que cet ami sincère avec sa délicate argutie psychologique, qui pendant les heures les plus critiques de sa maladie avait été un frère attentif, désirait mieux le connaître, savoir qui il était vraiment. Il trouva cela légitime et se dit qu'il ne devait pas mépriser le soutien d'un cœur vraiment fraternel et purifier ses propres énergies spirituelles.
Mon père était un enfant de la banlieue de Sébaste, il descendait de la tribu d'Issacar - a-t-il expliqué complaisant.
Il était lui aussi très attaché à l'étude d'Ésaïe ?
Il étudiait de bonne foi tout le testament, sans préférence, peut-être dans un ordre particulier. Personnellement, Ésaïe m'a toujours profondément impressionné par la beauté des promesses divines dont il était porteur en nous annonçant la venue du Messie qui occupe mes méditations depuis mon enfance.
Simon Pierre a esquissé un sourire de vive satisfaction et a dit :
Mais, tu ne sais pas que le Messie est déjà venu ?
Jeziel eut un brusque sursaut sur sa chaise improvisée.
Que dites-vous ? - a-t-il questionné surpris.
Tu n'as jamais entendu parler de Jésus de Nazareth ?
Bien qu'il se souvienne vaguement des paroles prononcées par Éphraïm, il déclara :
Jamais !
Et bien, le prophète nazaréen nous a déjà apporté le message de Dieu pour les siècles
à venir.
Et Simon Pierre, les yeux exaltés par la flamme lumineuse de ceux qui ont plaisir à se souvenir des temps heureux, lui a parlé de l'exemple du Seigneur en lui traçant une parfaite biographie verbale du Maître sublime.
Par des expressions fortement teintées, il s'est souvenu des jours où il logeait dans sa chaumière sur les berges du Génésareth, des excursions dans les villages voisins, des voyages en barque de Capharnaûm aux sites sur les bords du lac. Il fallait entendre l'indicible émotion de sa voix, la joie intérieure avec laquelle il rappelait les faits et prêchait près du lac agité caressé par le vent, la poésie et la douceur des crépuscules du soir. L'imagination vivante de l'apôtre savait tisser des commentaires judicieux et brillants à l'évocation d'un lépreux guéri, d'un aveugle qui avait recouvré la vue, d'un enfant malade et juste guéri.
Jeziel buvait ses paroles, entièrement absorbé, comme s'il avait trouvé un monde nouveau. Le message de la Bonne Nouvelle pénétrait son esprit désenchanté, comme un doux baume.
Alors que Simon s'apprêtait à finir son récit, il ne put se retenir et demanda :
Et le Messie ? Où est le Messie ?
Il y a plus d'un an - s'exclama l'apôtre effaçant son ardeur, laissant place à de tristes souvenirs - il a été crucifié ici même à Jérusalem, entre des voleurs.
Ensuite, il se mit à énumérer les cruels martyres, les pénibles ingratitudes dont le Maître avait été victime, les derniers enseignements et la glorieuse résurrection du troisième jour. Puis, il a parlé des premiers jours de l'apostolat, des événements de la Pentecôte et des dernières apparitions du Seigneur dans le scénario toujours nostalgique de la lointaine Galilée.
Jeziel avait les paupières humides. Ces révélations bouleversaient son cœur comme s'il avait connu le prophète de Nazareth. Et rapprochant ce portrait des textes qu'il connaissait par cœur, il dit presque à voix haute comme s'il se parlait à lui-même :
« Il se dressera 5 comme un arbuste vert dans l'ingratitude d'un sol aride...
(5) Chapitre 53, Ésaïe.
Accablé d'opprobres, abandonné des hommes.
Couvert d'ignominie, il ne méritera aucune considération.