« Par-dessus toutes les cogitations humaines, loin de toutes les tensions des ambitions terrestres, son règne de paix et de lumière brille dans la conscience des âmes rachetées.
« Ô Israël ! Toi qui as attendu pendant tant de siècles, tes angoisses et tes pénibles épreuves ne furent pas en vain !... Quand d'autres peuples se débattaient dans des intérêts inférieurs, entourés des fausses idoles, des fausses adorations et causaient simultanément des guerres d'extermination avec des quintessences de perversité ; toi, Israël, tu as attendu le Dieu juste. Tu as porté les chaînes de l'impiété humaine dans la désolation et dans le désert ; tu as converti en cantiques d'espoir les ignominies de la captivité ; tu as souffert l'opprobre des puissants de la terre ; tu as vu tes hommes et tes femmes, tes jeunes et tes enfants exterminés sous le coup des persécutions, mais jamais tu n'as réfuté la justice des cieux ! Comme le Psalmiste, tu as affirmé avec héroïsme que l'amour et la miséricorde vibrent à chaque jour qui passe ! Tu as pleuré durant des siècles portant tes tourments et tes blessures. Comme Job, tu as vécu de ta foi, asservi par les chaînes du monde, mais tu as déjà reçu le gage sacré de Jéhovah - le Dieu unique !... Oh ! Espoirs éternels de Jérusalem, chantez de joie, réjouissez-vous, bien que pour avoir conduit l'Agneau aimé sur les bras de la croix nous n'ayons pas été complètement fidèles à sa compréhension. Ses plaies, néanmoins, nous ont rachetés au ciel au prix fort du sacrifice suprême !...
« Pliant sous le poids de nos iniquités, Ésaïe l'a contemplé fleurissant dans la sécheresse de nos cœurs comme une fleur pointée vers le ciel sur un sol embrasé, mais il a aussi révélé qu'à l'heure de son extrême résignation dans la mort infamante, la cause divine et sacrée prospérerait pour toujours entre ses mains.
« Frères aimés, où se trouvent ces moutons qui n'ont pas su ou n'ont pas pu attendre ? Cherchons-les pour le Christ, comme des drachmes égarées de son amour révélé ! Annonçons à tous les désespérés, les gloires et les j oies de son royaume de paix et d'amour immortel !...
« La Loi nous soustrayait à l'esprit de la nation, sans réussir à effacer de notre âme le désir humain de suprématie sur terre. Combien de notre race ont attendu un prince dominateur qui pénétrerait triomphant dans la ville sainte portant les trophées sanglants d'une bataille de ruine et de mort qui nous aurait fait empoigner un sceptre odieux de force et de tyrannie. Mais le Christ nous a libérés pour toujours. Fils de Dieu et émissaire de sa gloire, son plus grand commandement confirme la parole de Moïse quand il recommande l'amour à Dieu par-dessus tout, de tout notre cœur et de tout notre entendement, ajoutant au plus beau décret divin que nous aimions les autres, comme Lui-même nous a aimés.
« Son royaume est celui de la conscience droite et du cœur purifié au service de Dieu. Ses portes sont le merveilleux chemin de la rédemption spirituelle, ouvertes de part en part aux enfants de toutes les nations.
« Ses disciples aimés viendront de toutes parts. Sans sa lumière, il y aura toujours la tempête pour le voyageur hésitant sur terre qui, sans le Christ, tombera vaincu dans les batailles ingrates et destructrices des meilleures énergies du cœur. Seul son Évangile confère la paix et la liberté. C'est le trésor du monde. Dans sa gloire sublime les justes trouveront la couronne du triomphe, les malheureux la consolation, les tristes la force de l'entrain, les pécheurs le sentier rédempteur du secours miséricordieux.
« Il est vrai que nous ne l'avions pas compris. Par son grand témoignage, les hommes n'avaient pas deviné sa divine humilité et ceux qui lui étaient les plus proches l'abandonnèrent. Ses plaies clamaient notre indifférence criminelle. Personne ne pourra s'exempter de cette faute, car nous sommes tous les héritiers de ses dons célestes. Là où tous jouissent du bénéfice, personne ne peut fuir sa responsabilité. Voilà la raison pour laquelle nous répondons pour le crime du Calvaire. Mais ses blessures ont été notre lumière ; ses martyres, le plus ardent appel d'amour ; son exemple, le manuscrit ouvert au bien sublime et immortel.
« Venez, donc, communier avec nous à la table du banquet divin ! Non plus aux fêtes du pain périssable, mais à l'éternel aliment de la joie et de la vie... Non plus pour boire le vin qui fermente, mais le nectar réconfortant de l'âme dilué dans les parfums de l'amour immortel.
« Le Christ est à l'origine de notre liberté. Un jour viendra où son royaume inclura les enfants de l'Orient et de l'Occident dans un mouvement de fraternité et de lumière. Alors, nous comprendrons que l'Évangile est la réponse de Dieu à nos appels, face à la Loi de Moïse. La Loi est humaine ; l'Évangile est divin. Moïse est le conducteur ; le Christ, le Sauveur. Les prophètes ont été des serviteurs fidèles ; Jésus, lui, est le Seigneur de la vigne. Avec la Loi, nous étions des serfs ; avec l'Évangile, nous sommes les enfants libres d'un Père aimant et juste !... »
A ce moment-là, Etienne a cessé de prononcer les paroles qui coulaient harmonieuses et vibrantes de ses lèvres, inspirées des plus purs sentiments. Les auditeurs de toutes tendances confondues ne réussissaient pas à cacher leur étonnement face à de telles révélations. La foule était ivre des principes exposés. Les mendiants, rassemblés là, adressaient au prédicateur un sourire d'approbation plein de jubilants espoirs. Jean le fixait de ses yeux attendris, identifiant, une fois de plus, dans ses propos ardents le message évangélique interprété par un disciple attaché au Maître inoubliable, jamais absent pour ceux qui se réunissent en son nom.
Émotif de tempérament, Saûl de Tarse s'associait à la vague d'étonnement général. Bien qu'extrêmement surpris, il nota la différence entre la Loi et l'Évangile annoncé par ces hommes étranges que sa mentalité ne pouvait comprendre. Rapidement, il analysa le danger que les nouveaux enseignements représentaient pour le judaïsme dominant. Malgré leur résonance d'une mystérieuse beauté, les propos évoqués le révoltèrent. Pour lui, il fallait éliminer la confusion qui s'esquissait à propos de Moïse. La Loi était fondamentale et unique. Ce Christ qui dominait dans la défaite entre deux voleurs, apparaissait à ses yeux comme un mystificateur indigne de toute considération. La victoire d'Etienne dans la conscience populaire, comme il pouvait le remarquer à cet instant, lui causait une grande indignation. Ces Galiléens pouvaient être miséricordieux, mais ils n'en étaient pas moins criminels par la subversion des principes inviolables de la race exposée.
L'orateur se préparait à reprendre la parole, momentanément interrompue et attendue avec espoir à la joie générale, quand le jeune docteur s'est impudemment levé et s'exclama, presque colérique, s'exprimant avec une évidente ironie.
- « Charitables Galiléens, où est le sens de vos principes étranges et absurdes ? Comment osez-vous proclamer la fausse suprématie d'un Nazaréen obscur sur celle de Moïse dans Jérusalem même, là où se décident les destins des tribus d'Israël invincible ? Qui était ce Christ ? N'était-ce pas un simple charpentier ? »