Touchés, Pierre, Jean et Jacques le remercièrent de ses recommandations concernées et le vieux docteur est retourné à son foyer profondément impressionné par les leçons du jour, emportant avec lui les notes de Matthieu qu'il se mit à lire immédiatement.
Deux jours plus tard, les persécutions commandés par Saûl de Tarse commencèrent à agiter Jérusalem dans tous les secteurs d'activités religieuses.
Osée Marc et Samuel Natan furent emprisonnés, sans acte d'accusation, afin de répondre à un sévère interrogatoire. Des coopérateurs du mouvement organisèrent de longues listes d'Israélites les plus en vue qui fréquentaient les réunions de l'église du « Chemin ». Le jeune homme de Tarse a décidé que serait ouverte une enquête générale. Mais comme il désirait donner une démonstration d'audace à ses adversaires, il jugea qu'il devait commencer par les emprisonnements les plus notoires, après l'incarcération d'Osée et de Samuel, au sein même des Galiléens pernicieux qui avaient eu la témérité d'affronter son autorité.
C'est par un matin clair que le futur rabbin, entouré de quelques compagnons et de soldats, a frappé à la porte de l'humble maison, faisant grand cas de sa visite insidieuse. Simon Pierre en personne les a reçus avec beaucoup de sérénité dans les yeux. Une indicible terreur s'est fait sentir parmi les plus craintifs, pendant que deux jeunes qui accompagnaient l'apôtre se chargèrent de répandre la nouvelle à l'intérieur.
Tu es Simon Pierre, ancien pêcheur de Capharnaum ? a demandé Saûl avec une certaine insolence.
Moi même - a-t-il répondu avec fermeté.
Tu es arrêté ! - a dit le chef de l'expédition d'un geste triomphant. Il ordonna que deux de ses compagnons s'avancent, et fit immédiatement ligoter l'apôtre. Pierre n'a opposé aucune résistance. Impressionné par le tempérament pacifique que les continuateurs du Nazaréen témoignaient toujours, Saûl a objecté perfide :
Le Maître du « Chemin » doit avoir été un fort modèle d'inertie et de lâcheté. Je n'ai pas encore trouvé le moindre indice de dignité chez ses disciples dont les facultés de réaction semblent éteintes.
Recevant de plein fouet une injure aussi acerbe, l'ex-pêcheur lui répondit calmement :
Vous vous trompez quand vous faites ce jugement. Le disciple de l'Évangile est à peine l'ennemi du mal et dans sa tâche, il place l'amour au-dessus de tous ses principes. D'ailleurs, nous considérons que tout joug supporté avec Jésus, nous est doux.
Le jeune tarsien, détenteur d'un si haut pouvoir, n'a pas dissimulé le malaise que la réponse lui causait et, indiquant le continuateur de Jésus, il dit à l'un des hommes de l'escorte :
Jonas occupe-toi de lui.
Soulignant ironiquement ces mots, il s'est dirigé vers les autres avec un geste de dédain pour l'apôtre ligoté qui le dévisageait serein bien que surpris :
Nous ne discuterons pas avec cet homme. Ces gens du « Chemin » sont toujours pleins de raisonnements absurdes. Nous ne devons pas perdre de temps avec la cécité de l'ignorance. Entrons et arrêtons les chefs. Les partisans du charpentier doivent être poursuivis jusqu'au bout.
Résolument, il prit les devants et pénétra audacieusement à la recherche des appartements les plus intimes. De porte en porte, il trouvait des mendiants qui le regardaient pris d'étonnement et d'amertume. Le tableau vivant de tant de misère abritée là le remplissait d'effroi ; mais il s'efforçait de ne pas perdre sa fibre implacable, de manière à exécuter ses projets dans les moindres détails. À côté de l'infirmerie aux plus vastes proportions, il trouva le fils de Zébédée qui, sans s'altérer, l'entendit prononcer des ordres d'emprisonnement.
Sentant les mains brutes du soldat qui lui mettaient les chaînes, Jean a levé les yeux au ciel et a murmuré simplement :
Je me recommande au Christ.
Le chef l'a regardé avec un profond dédain et s'exclama hautement à ses compagnons :
Il manque deux suspects de plus. Cherchons-les.
Il faisait référence à Philippe et Jacques, en leur qualité de disciples directs du Messie nazaréen.
Mais quelques pas plus loin, le premier fut facilement trouvé. Philippe s'est laissé ligoter sans protester. Ses filles l'ont entouré angoissées et en pleurs.
Courage, mes filles - leur a-t-il dit sans crainte -, serions-nous supérieurs à Jésus par hasard qui a été persécuté et crucifié par les hommes ?
Tu entends, Clémente ? - a dit Saûl irrité à l'un de ses amis les plus proches. - On ne perçoit ici que des références faites à l'étrange nazaréen ! Le premier a parlé du joug du Christ, le second s'est recommandé au Christ, celui-ci fait référence à la supériorité du Christ... Où allons-nous ?
Après avoir soulagé sa colère en des termes sévères, il conclut par la même rengaine :
Nous devons aller jusqu'au bout.
Les trois chefs appréhendés, il ne manquait plus que le fils d'Alphée. Quelqu'un se souvint d'aller le chercher sous le simple abri qu'il occupait. En effet, ils l'ont trouvé agenouillé là, les yeux posés sur un rouleau de parchemins où se trouvait la Loi de Moïse. Sa pâleur de marbre était évidente quand Saûl s'est approché agressif :
Comment ça ? Il y a quelqu'un ici qui s'intéresse à la Loi ?
Le frère de Lévi a levé les yeux pris de peur et a expliqué humblement :
Seigneur, jamais je n'ai oublié la Loi de nos parents. Mes grands-pères m'ont enseigné à recevoir à genoux la lumière du saint prophète.
De toute évidence, l'attitude de Jacques était sincère. Consacrant le plus grand respect au libérateur d'Israël, il avait toujours entendu dire que ses livres sacrés étaient touchés d'une sainte vertu. S'attendant à être emprisonné, il tremblait à l'idée du danger imminent. Il n'avait pas pu comprendre plus amplement comme d'autres compagnons, le sens divin et occulte des leçons de l'Évangile. Le sacrifice lui inspirait d'indicibles craintes. Après tout, pensait-il dans sa compréhension partielle du Christ : - Qui restera pour veiller sur les œuvres commencées ? Le Maître a expiré sur la croix et, à cet instant même, les apôtres de Jérusalem étaient arrêtés. Il devait se défendre comme il le pouvait et selon ses moyens. Il pensa faire appel aux vertus surnaturelles de la Loi de Moïse, conformément aux vieilles croyances. Agenouillé, il attendait que ses bourreaux approchent.
Face à l'attitude inattendue de Jacques, Saûl de Tarse était stupéfait. Seuls les esprits profondément attaché au judaïsme lisaient à genoux les enseignements de Moïse. En toute conscience, il ne pouvait ordonner l'emprisonnement de cet homme. L'argument qui justifiai! sa tâche devant les autorités politiques et religieuses de Jérusalem était le combat aux ennemis des traditions.
Mais vous n'êtes pas l'ami du charpentier ?
Avec une enviable présence d'esprit, l'interpelle n répondu :
La Loi ne nous empêche pas d'avoir des amis que je sache.
Saûl fut embarrassé, mais il a continué :
Mais que choisissez-vous ? La Loi ou l'Évangile ? Lequel des deux acceptez-vous en premier lieu ?
La Loi est la première révélation divine - a dit Jacques avec intelligence.
À cette réponse qui le déconcertait en quelque sorte, le jeune homme de Tarse a réfléchi un moment et a ajouté s'adressant aux autres :
Très bien. Que cet homme reste en paix.
Le fils d'Alphée, sincèrement soulagé par le résultat de son initiative, croyait maintenant que la Loi de Moïse était touchée de grâces vivantes et permanentes. À son avis, c'était le code du judaïsme par son talisman qui l'avait conservé en liberté. Depuis ce jour, le frère de Lévi allait consolider pour toujours ses tendances superstitieuses. Le fanatisme que les historiens du christianisme percevaient dans sa personnalité énigmatique, trouvait là son origine.