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Il y eut un silence prolongé. Plongés dans de profonde méditation, séparés mentalement et intimement, ce fut Saûl qui reprit la parole en demandant :

Depuis quand Ananie a-t-il quitté les parages ?

Il y a plus de deux mois.

Et tu sais vers où il est parti ?

Abigail m'a dit qu'il a été appelé à Jérusalem, afin de consoler les malades des quartiers pauvres, vu la situation difficile provoquée par la persécution.

Alors sa sinistre influence sera aussi jugulée par les forces de notre surveillance. À mon retour en ville, demain, j'ai bien l'intention de trouver l'endroit où il se trouve. Ananie ne perturbera pas d'autres esprits ! Jamais il n'aurait pu imaginer la réaction qu'il a provoquée en moi, bien que nous ne nous connaissions pas personnellement.

Zacarias ne put dissimuler sa déception et dit sur un ton de reproche :

Dans la simplicité de ma vie rurale je ne peux apprécier les raisons des luttes religieuses de Jérusalem car ce sont des problèmes inhérents à tes fonctions professionnelles et je ne dois interférer dans les mesures à prendre.

Saûl est resté un bon moment songeur, puis il donna un nouveau sens à la conversation.

Le lendemain, très perturbé il est retourné en ville soucieux de remplir le vide de son cœur, perdu dans le labyrinthe des heures solitaires. À personne il n'avait révélé la grande amertume qu'il ressentait en son for intérieur. S'enfermant dans un mutisme absolu, il a repris ses fonctions religieuses, le visage sombre.

Alors que le soleil clair du matin était haut dans le ciel, nous allons le trouver au Sanhédrin, interrogeant un auxiliaire, avec vivacité :

Isaac, as-tu exécuté mes ordres concernant les renseignements demandés ?

Oui, Seigneur, j'ai trouvé parmi les prisonniers un jeune homme qui connaît le vieil

Ananie.

Très bien - lui fit le docteur de Tarse de toute évidence satisfait -, et où habite le dit Ananie?

Ah ! Cela il n'a pas voulu le dire, même si j'ai beaucoup insisté. Il a prétendu ne pas

savoir.

Néanmoins, il est possible qu'il mente - a ajouté Saùl avec rancœur. - Ces hommes sont capables de tout. Fais en sorte qu'il vienne jusqu'ici dès maintenant. Je saurai comment lui arracher la vérité.

Comme s'il connaissait ses décisions irrévocables, Isaac a obéi avec humilité. Environ une heure plus tard, deux soldats pénétraient dans son cabinet accompagnant un jeune homme à la physionomie misérable. Sans manifester la moindre émotion, Saùl de Tarse ordonna qu'il fût emmené dans la salle de tortures où il allait les rejoindre quelques minutes plus tard.

Une fois qu'il eut terminé la rédaction de quelques papyrus, résolument, il s'est dirigé vers la salle de tortures. Il y avait là tous les instruments odieux et exécrables des persécutions politico-religieuses qui empoisonnaient Jérusalem à cette époque.

D'un air affecté, le jeune homme de Tarse s'est assis et a interrogé le misérable prisonnier avec rudesse :

Ton nom ?

Mattathias Johanan.

Tu connais le vieux Ananie, le prédicateur ambulant de l'église du « Chemin » ?

Oui, Seigneur.

Depuis quand ?

Je l'ai rencontré la veille de mon emprisonnement, il y a de cela un mois.

Et où habite cet adepte du charpentier ?

Ça je ne le sais pas - répondit l'interpellé d'une voix timide. - Quand je l'ai connu, il vivait dans un quartier pauvre de Jérusalem où il enseignait l'Évangile. Mais Ananie n'avait pas de résidence fixe. Il venait de Joppê, et s'était arrêté dans différents villages où il prêchait les vérités de Jésus-Christ. Ici, il vivait de quartier en quartier dans sa miséricordieuse activité.

Le jeune tarsien ne prêta aucune attention à cette attitude de profonde humilité, et fronçant les sourcils il ajouta menaçant :

Tu crois que tu peux mentir à un docteur de la Loi ?

Seigneur, je jure... - dit le jeune inquiet.

Saûl n'a pas daigné s'arrêter à ce ton suppliant. Et se dirigeant vers l'un des gardes, il fit impassible :

Jules, nous n'avons pas de temps à perdre. J'ai besoin des informations nécessaires. Applique-lui la torture des ongles. Je crois qu'avec ce processus, il ne continuera pas à dissimuler la vérité.

L'ordre fut immédiatement exécuté. Des bouts de fer aiguisés furent retirés d'une grande armoire pleine de poussière. Quelques instants plus tard, Jules et son compagnon, après avoir attaché le pauvre jeune sur un vieux tronc d'arbre, lui appliquaient des instruments pointus aux bouts des doigts, provoquant des cris lancinants. Le jeune prisonnier clamait, en vain, ses atroces douleurs. Les bourreaux l'entendaient avec indifférence. Quand le sang se mit à gicler de ses ongles violemment arrachés, la victime s'est écriée à voix haute :

Par pitié !... Je dirai tout, je dirai où il est !... Ayez pitié de moi !...

Saûl ordonna d'arrêter la punition un instant pour entendre ses nouvelles déclarations.

Seigneur ! - a ajouté le malheureux en larmes -, Ananie n'est plus à Jérusalem. Lors de notre dernière réunion, trois jours avant mon emprisonnement, le vieux disciple de l'Évangile nous a quittés affirmant qu'il allait s'installer à Damas.

Cette voix suppliante était l'écho des profondes douleurs qui s'endiguaient dans son jeune cœur rempli des pénibles désillusions de la vie. Néanmoins, Saûl ne semblait pas percevoir des souffrances aussi émouvantes.

C'est tout ce que tu sais ? - a-t-il demandé sèchement.

Je le jure - a répondu le jeune homme humblement.

Devant cette affirmation catégorique qui transparaissait de son regard sincère et à l'inflexion de sa voix impressionnante et triste, le docteur de la Loi s'est considéré satisfait, ordonnant de jeter le prisonnier en prison.

Deux jours plus tard, le jeune tarsien convoquait une réunion au Sanhédrin à laquelle il donna une singulière importance. Sans exception, ses collègues ont accouru à l'appel. Une fois les travaux ouverts, le docteur de Tarse a expliqué les raisons de sa convocation.

Mes amis - a-t-il déclaré avec zèle -, depuis quelques temps nous nous réunissons pour examiner le caractère de la lutte religieuse en vigueur à Jérusalem face aux activités des partisans du charpentier de Nazareth. Heureusement, notre intervention est arrivée à temps afin d'éviter de grands maux, étant donné l'astuce des faux thaumaturges venus de Galilée. Ce fut au prix de grands efforts que l'atmosphère s'est dissipée. Il est vrai que les prisons de la ville débordent, mais la mesure est justifiée, car il est indispensable de réprimer l'instinct révolutionnaire des masses ignorantes. La dite église du « Chemin » a restreint ses activités d'assistance aux souffrants abandonnés. Nos quartiers les plus pauvres sont en paix. La sérénité est revenue dans nos tâches au sein du Temple. Néanmoins, on ne peut en dire de même concernant les villes voisines. Mes consultations auprès des autorités religieuses de Joppé et de Césarée ont attiré mon attention sur les émeutes intentionnellement provoquées par les adeptes du Christ portant sérieusement préjudice à l'ordre public. Non seulement dans ces secteurs nous devons développer des actions purificatrices, mais je reçois aussi des nouvelles alarmantes de Damas qui exigent des mesures immédiates. De dangereux éléments s'y trouvent. Un vieillard, du nom d'Ananie, perturbe la vie de ceux qui ont besoin de paix dans les synagogues. Il n'est pas normal que le plus haut tribunal de la race se désintéresse des collectivités Israélites dans d'autres localités. Je propose donc d'élargir le bénéfice de cette campagne à d'autres villes. À ces fins, j'offre à tous mes services personnels, sans charge additionnelle pour la maison que nous servons. Les documents nécessaires me suffiront pour actionner toutes les mesures qui me semblent nécessaires, incluant celle de la peine de mort quand cela sera jugé indispensable et opportun.