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— Jambo.

Il s’éloigna, faisant signe du regard à Malko de le suivre... Vingt mètres plus loin, ils tournèrent dans une sente étroite encore plus nauséabonde, bordée d’échoppes et ils durent se faufiler entre d’énormes marnas visiblement stupéfaites de voir deux muzungus dans ce coupe-gorge. Anna Litz prit Malko par le bras.

— Je préfère vous attendre à l’hôtel...

— Non, fit Malko, sauf si vous tenez à vous faire violer. Je pense que nous ne risquons rien. Pour le moment.

Ils passèrent près d’un groupe de femmes, exhibant des bagues à tous les doigts, qui tentèrent de les harponner. Des Somaliennes marchandes de bijoux. Puis, leur guide disparut. Il fallut à Malko quelques secondes pour comprendre qu’il s’était engagé dans un escalier de bois branlant et sombre, à peine visible de la rue.

Il le suivit.

Le Somalien s’était arrêté devant une porte bleue en métal, où s’étalait l’inscription « Somali Travels » Daily flights to Mogadiscio, Baidoa, Kimsayo.

Il s’éclipsa après avoir ouvert la porte. La pièce était grande comme un placard à balais avec un petit bureau occupé par un homme de grande taille, au menton prognathe, le teint très sombre, le visage anguleux et allongé. Lorsqu’il se leva, sa tête touchait presque le plafond et un ventre énorme jaillissait de sa chemise bleue mal boutonnée. Il désigna à ses deux visiteurs les deux uniques chaises.

— Sit down.

Les murs étaient recouverts de vieilles affiches de voyage. Malko brisa le silence.

— Vous êtes le représentant de Youssouf ?

— Je le connais.

— Vous savez pourquoi nous sommes ici ?

— Oui. Vous venez régler un litige sur des droits de pêche.

C’était joliment dit.

— Comment procédons-nous ? C’est à vous que...

L’énorme Somalien secoua la tête.

— Non, non, je suis seulement chargé de vous recevoir. Vous devez remettre le règlement du litige à une autre personne que je vais vous désigner.

— Où ?

— À Mombasa.

— Et ensuite ?

— Dès que cette personne aura l’argent, elle me préviendra et je transmettrai un message pour que le « Moselle » puisse appareiller avec son équipage.

Donc, il n’irait pas en Somalie : le plan échafaudé par Mark Roll s’effondrait. Malko dissimula sa déception.

— Vous allez revenir ici avec l’argent, enchaîna le gros Somalien. Nous le compterons ensemble et nous le mettrons dans un sac en plastique, fermé hermétiquement, où j’apposerai ma signature. Ensuite, vous irez à Mombasa.

Anna Litz tira Malko par la manche.

— Qu’est-ce qu’il dit ?

Il le lui expliqua et elle sursauta.

— Comment savoir s’ils vont vraiment libérer le « Moselle » après avoir eu l’argent ?

— Il faut leur faire confiance.

Elle secoua la tête, têtue.

— Nein ! Je ne peux pas faire cela, je suis responsable. Je veux remettre l’argent aux pirates...

— Dans ce cas, il faut aller en Somalie... C’est extrêmement dangereux.

— Vous me protégerez.

Superman allait reprendre du service.

Le gros Somalien suivait leur échange, inquiet.

— Il y a un problème ? demanda-t-il.

— Non, affirma Malko.

— Parfait, je vous attends ici, à deux heures. Avec l’argent et 10000 dollars en plus pour mes frais.

Ils se retrouvèrent dans la rue défoncée. Anna Litz n’en menait pas large.

— Vous croyez qu’il est sérieux ?

— Je le crois, mais je vais prendre le conseil de Harold.

Ils durent marcher jusqu’à Juja street pour trouver un taxi, stupéfait de trouver des muzungus dans ce quartier pourri.

* * *

— C’est Ali Moussa ! s’exclama « Wild Harry ». La description physique correspond. J’ignorais qu’il servait d’intermédiaire aux pirates. C’est un homme respecté. Cela prouve qu’ils sont sérieux.

— Anna Litz ne veut pas remettre l’argent à Mombasa...

« Wild Harry » ricana.

— Il ne faut pas qu’elle fasse de caprices. On ne leur fera pas changer leur processus. Je pense qu’une fois que vous aurez compté l’argent avec Ali Moussa, vous pourrez décrocher. Anna Litz peut très bien aller à Mombasa avec ses deux clowns du BND. Il suffira juste de donner l’argent au représentant des pirates. Un enfant de quatre ans peut le faire.

— C’est ce que je pense aussi, conclut Malko. Il n’y a plus qu’à passer au plan B.

— Qui aurait dû être le plan A, lâcha « Wild Harry ». J’espère, qu’un jour, Dieu nous débarrassera des bureaucrates.

Malko se dit, avec une légère frustration, qu’il allait échanger un job relativement facile pour une aventure beaucoup plus risquée.

CHAPITRE VII

Mark Roll faisait la gueule. N’arrivant pas à admettre que son plan ne fonctionne pas.

— À Mombasa, avança-t-il, vous pourriez insister pour aller porter l’argent là-bas.

Malko lui jeta un regard ironique.

— Anna Litz insistera pour venir aussi. Vous êtes prêt à prendre cette responsabilité ?

Silence. Lourd. Le chef de station botta en touche.

— Vous n’avez encore rien dit aux Allemands ?

— Non.

— O.K., vous pouvez quand même aller à Mombasa. Là-bas, il y a une chance de trouver une filière. Sinon, nous reviendrons à la suggestion de Harold.

Malko s’inclina. Après tout, un aller-retour à Mombasa, ce n’était pas le bout du monde. Surtout avec la pulpeuse Anna Litz.

— Bien, accepta-t-il. J’attends Anna Litz qui vient ici avec l’argent. Harold a mis à notre disposition un chauffeur et une voiture.

Cette fois, ils étaient cinq, les deux Allemands du BND, Paul, un grand Noir prêté par Harold Chestnut, Anna Litz et Malko. Dans une vieille Range Rover qui ressemblait à une épave. Le 4x4 s’arrêta à l’entrée de la sente menant au bureau d’Ali Moussa et les Allemands du BND accompagnèrent Anna Litz et Malko juqu’à la porte du Somalien. On ne se promenait pas dans Eastleigh sans protection.

Seuls l’Allemande et Malko montèrent. Le Somalien, avant de compter les billets, ferma soigneusement sa porte à clef. Puis, il ouvrit le sac souple et renversa les liasses de billets de cent dollars sur son bureau. Il se mit à les compter, passant son pouce à toute vitesse sur les liasses avec une dextérité de prestidigitateur. Il releva la tête, la dernière liasse comptée. La sienne — 10000 dollars — se trouvait à l’écart.

— Voilà comment nous allons procéder, annonça-t-il, tendant à Malko un bristol avec un numéro de téléphone et un prénom : Andrew.

— En arrivant à Mombasa, vous appelez Andrew et vous suivez ses instructions.

— Qui est Andrew ? demanda Malko.

— Un ami de ceux qui ont pris le bateau. Ils ont confiance en lui. Dès qu’il aura l’argent, il me préviendra. Je donnerai alors l’ordre par e-mail de relâcher le bateau.