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— I am Andrew, mister Malko, continua le Noir d’une voix douce. Have no fear.

Malko laissa retomber son bras le long du corps, sans lâcher son arme.

Andrew souffla à son oreille :

— Vous avez beaucoup d’argent avec vous. Ici, il y a des gens très pauvres. Suivez-moi.

Il passa devant, rejoignit les jeunes gens qui s’écartèrent. Rassuré, Malko remit le Glock sous sa chemise. Anna Litz tourna un regard inquiet vers lui.

— Ailes gut ?

— Ja wohl, assura Malko.

Malko continua son chemin, isolé au milieu des jeunes gens, comme dans une bulle protectrice. Andrew ouvrait la marche. Ils débouchèrent dans une ruelle un peu plus large, longeant le vieux port de Mombasa, en plein cœur du quartier somalien.

— Où allons-nous ? demanda Malko à Andrew.

— Livrer ce que vous avez apporté, répondit ce dernier.

Ils atteignirent une petite place bordée à gauche par un vieil immeuble blanchâtre à la façade duquel étaient accrochés des balcons de bois, portant sur son crépi une inscription un peu pompeuse « Rasanis Arcade ».

En face, il y avait une grille bleue, à travers laquelle on apercevait la mer en contrebas et quelques vieux rafiots en train de pourrir.

— C’est le vieux port de Mombasa, expliqua Andrew. Ici, il n’y a que les « dhows » et les bateaux de pêche somaliens qui viennent vendre leur poisson séché. Le vrai port est de l’autre côté de la ville, à Kilindini. Venez.

Malko et Anna Litz le suivirent et franchirent la grille, salués respectueusement par un douanier kenyan, assis par terre, en train de mâcher du khat. On se serait cru revenu un siècle en arrière. Une vingtaine d’hommes, pieds nus, vêtus de hardes, étaient entassés sur le sol au soleil. Les dockers.

D’autres faisaient la navette entre un hangar, situé à droite de la grille, et un « dhow » ventru amarré plus bas, descendant un raidillon et franchissant une passerelle pour atteindre les cales ouvertes. Pieds nus, cinq sacs de quinze kilos de ciment en équilibre sur la tête.

Ils jetaient les sacs dans le « Dhow » et remontaient avec des cartons remplis de matériel électroménager.

— Qu’est-ce que c’est que ce bateau ? demanda Malko.

— Le Kismayo, répondit Andrew. Il arrive de Merka en Somalie avec un chargement d’électroménager, acheté à Dubai. Comme il n’y a pas de douane en Somalie, c’est facile. Et ici, il n’y a pas de douane non plus... le Kismayo va décharger son ciment à Merka. Ils en ont beaucoup besoin là-bas, il n’y a plus d’usine en Somalie.

D’ailleurs, il n’y avait plus de Somalie depuis longtemps, se dit Malko, serrant toujours son précieux paquet contre lui.

Andrew continua d’une voix douce.

— Nous allons descendre dans le Dhow pour remettre à quelqu’un ce que vous avez apporté.

— Qui ?

— L’envoyé du clan Majarteen d’Hobyo. Il va l’apporter à ses amis.

— Et s’il arrive quelque chose ?

— Ce n’est plus votre problème, assura Andrew. C’est Ali Moussa qui vous sert de garantie. Dès que j’aurai remis l’argent ici, je l’appellerai et lui donnerai le feu vert pour que le bateau allemand soit libéré.

— O.K., conclut Malko. Allons-y. Anna, vous venez ?

La jeune Allemande regarda le Dhow, les fourmis aux pieds nus, et dit d’une voix mal assurée.

— Ja wohl.

Ils descendirent le raidillon à côté des dockers qui, parfois, perdaient un sac ou deux, et franchirent la passerelle. Une trappe s’ouvrait sur le pont donnant accès à un escalier de bois qui, lui-même, menait à l’entrepont. Une pièce minuscule, exhalant une odeur fétide dans une chaleur poisseuse. En dépit des hublots ouverts, on y voyait à peine.

Malko distingua dans l’ombre plusieurs hommes assis le long des parois, en tenue somalienne, pieds nus. Trois AK 47 étaient appuyés à la paroi et des étuis de chargeurs en toile jonchaient le sol, ainsi qu’un lance-roquette RPG7.

Pas vraiment des pêcheurs...

Andrew s’accroupit en face d’eux et commença à discuter à voix basse, Malko gardant toujours le précieux paquet sous le bras. Quant à Anna Litz, la stupéfaction la rendait muette. Elle s’accroupit sur ses talons, derrière Malko. À travers la cloison, on percevait les échos sourds des sacs de ciment jetés dans la cale avant. En quelques minutes, Malko fut en nage. L’atmosphère était quasiment irrespirable. Andrew se retourna et dit :

— Ils sont d’accord pour prendre l’argent. Le navire part cette nuit, dès qu’il a fini de charger. Il va à Kismayo et ensuite à Mogadiscio.

— Mais le « Moselle » se trouve à Hobyo, objecta Malko.

— Certains vont aussi à Hobyo ! Ils vont prendre une petite commission pour le transport, mais il n’y a rien à craindre, ce sont des gens honnêtes, des bons musulmans.

Qui considéraient la piraterie comme un aimable hobby... Malko se retourna vers Anna.

— Notre voyage se termine ici, annonça-t-il. Nous leur donnons l’argent et ils s’en vont.

— Ils peuvent me faire un reçu ?

Malko transmit la demande à Andrew qui répercuta. La réponse fut sans appel.

— Ils ne savent pas écrire.

— Le seul moyen serait d’embarquer avec eux, conclut Malko. Je ne vous le conseille pas. Une blonde comme vous vaut très cher en Somalie. Beaucoup plus d’un million de dollars.

Cela ne dérida pas la jeune femme.

— Alors ? insista-t-il.

— Allez-y, fit-elle du bout des lèvres.

Il tendit le paquet à Andrew qui, à son tour, le remit à un des pirates. Aucune formule de politesse, pas de poignée de main. Rien. Ils remontèrent à l’air libre et quittèrent le Dhow. À peine arrivé en face du hangar, Andrew prit son portable et composa un numéro pour une courte discussion en somalien. Il tendit ensuite l’appareil à Malko.

— Parlez-lui. C’est Ali Moussa.

La voix du gros Somalien était particulièrement chaleureuse.

— Tout est en ordre, annonça-t-il. Andrew me l’a confirmé. Je vais envoyer tout de suite un mail à Hobyo. Si tout se passe bien, le « Moselle » pourra repartir demain matin.

— Et si tout ne se passe pas bien ?

Ali Moussa éclata de rire.

— Ce serait seulement un problème technique, pour quelques heures. Nous ne sommes pas des bandits. Seulement des espèces de douaniers afin de protéger notre pays...

— Inch Allah, conclut Malko. Je vais repartir ce soir à Nairobi. Vous savez que nous sommes en contact avec le navire.

— Bien sûr ! Ne craignez rien.

Malko rendit le portable à Andrew. Ce dernier souleva son drôle de chapeau en lui adressant un sourire édenté.

— Je vous laisse. Appelez votre chauffeur. Dites-lui que vous êtes en face du vieux port.

Il traversa la place et s’enfonça dans une ruelle. La procession des fourmis continuait derrière eux. Un minaret se mit à appeler à la prière tandis que Malko joignait le chauffeur du Serena. Anna Litz était défaite.

— J’espère que je n’ai pas fait une bêtise ! soupira-t-elle. Je risque de me retrouver au chômage.

— Ça vaut mieux que d’être otage, conclut Malko, avec un brin de cynisme... Si vous voulez, puisque nous sommes à Mombasa, je vous invite à dîner au Tamarind.

— Non, non, je veux rentrer à Nairobi. Il faut que je rende compte.

* * *

L’Embraer grimpait entre les nuages. Très vite, le sol ne fut plus visible. Anna Litz, épuisée par les émotions, dormait contre l’épaule de Malko. Ils avaient eu juste le temps de repasser par le Serena Beach prendre leurs affaires.