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— Pour quoi faire ?

— Ils ont besoin de conseils, fit d’un ton mystérieux le gros Somalien. Je crois qu’il s’agit d’une affaire similaire.

— Je dois repartir ce soir en Allemagne, mentit Malko.

— Il n’y en aura pas pour longtemps, promit Ali Moussa. Pouvez-vous venir à l’hôtel Safari Park vers six heures ? Tous les vols pour l’Europe partent très tard,vers minuit. Vous demandez le bungalow du block « Flamingo ». Vous verrez, c’est un très bel hôtel. Tout le monde connaît.

— Je vais essayer de venir, promit Malko.

Il coupa, intrigué par ce rendez-vous inattendu. Sachant déjà qu’il irait. Ali Moussa était très branché sur la Somalie, et, même avec le plan B de « Wild Harry », il ne pouvait négliger aucune piste.

Anna Litz avait remis son peignoir. Elle vint s’asseoir sur le lit, à côté de lui, épanouie.

— C’était merveilleux ! dit-elle.

— Quoi ?

— Tout. Je me souviendrai toute ma vie de ces quelques jours. J’ai eu l’impression de me dédoubler, d’être un autre personnage. Maintenant, c’est fini. Ganzfertig, ajouta-t-elle avec un sourire empreint de tristesse.

— La vie n’est pas finie, remarqua Malko.

— La vie, non. Seulement, je ne veux pas vous revoir. Jamais. Cela perturberait trop ma vie. Mais je ne vous oublierai pas. Vous et ce que nous avons vécu.

Elle se pencha et effleura tendrement ses lèvres avant de se lever et de quitter la pièce.

Malko s’ébroua intérieurement. La récréation était terminée. Il allait replonger dans le danger.

Sans Anna Litz.

Quelque chose l’intriguait dans le rendez-vous de Ali Moussa. Il décida de s’en ouvrir à « Wild Harry ». Il avait affaire à des gens tordus et dangereux. Très dangereux.

CHAPITRE IX

— Je suis intrigué par ce coup de fil de Moussa Ali, fit pensivement Harold Chestnut. Normalement, cette affaire est terminée : ils ont l’argent, nous avons récupéré les otages et le bateau. Je ne vois pas pourquoi. Il veut vous rencontrer...

Mark Roll l’interrompit.

— Je pense qu’il faut aller voir. C’est quand même une ouverture vers les pirates. On ne peut pas rester « inertes ». Vous n’avez pas encore remis la main sur votre Omar. Le Safari Park est un des plus luxueux hôtels de Nairobi, vous ne risquez pas grand-chose.

— Je vais quand même venir avec vous, conclut Harold Chestnut. C’est à quelle heure ?

— Six heures. Je partirai du Serena à cinq heures et demie.

— Je serai là, décida Harold Chestnut.

— N’oubliez pas que votre job, Harold, c’est d’assurer le déplacement en Somalie de Malko, dans de bonnes conditions, souligna Mark Roll. Le plus vite possible.

— Demain matin, je me mets en chasse pour Omar, je vous l’ai dit, bougonna « Wild Harry ».

* * *

Hadj Aidid Ziwani regarda la haute silhouette d’Andrew Mboya s’éloigner vers la grille de sa propriété. Soucieux. Le « contact » des pirates somaliens à Mombasa qui travaillait sous les ordres de Hadj Aidid Ziwani n’était visiblement pour rien dans le problème qui avait surgi sur l’opération du cargo « Moselle ».

Un problème qu’Hadj Aidid Ziwani se devait de résoudre, coûte que coûte, sous peine de perdre de très bons clients : depuis des mois, il servait de banquier et d’intermédiaire à plusieurs clans de pirates. Veillant à l’encaissement et à l’acheminement des rançons, à travers un système complexe de banques discrètes et de bureaux de Hawalas. Achetant pour le compte des clans d’Hobyo du matériel introuvable en Somalie qu’il facturait au prix fort.

Tout cela risquait de s’écrouler à la suite du mail comminatoire qu’il venait de recevoir de Somalie. En tant que responsable de la partie kenyane de l’organisation pirate, c’était à lui de réparer les dégâts.

Dès la réception du mail, il avait réagi en alertant son antenne de Nairobi. Maintenant, il devait trouver une solution. Sous peine de perdre une dizaine de millions de dollars par an, au bas mot.

Cette perspective le rendait fou.

Pourtant, Hadj Aidid Ziwani n’avait pas vraiment besoin d’argent.

Après avoir été, durant plusieurs années, membre du Parlement kenyan et avoir amassé grâce à la corruption ambiante un honnête pécule, il s’était lancé dans la culture de la maraa destinée à la Somalie. La demande étant de plus en plus pressante, il avait racheté une petite compagnie aérienne, la Blue Bird Airlines, de façon à maîtriser le transport de la marchandise qu’il faisait cultiver sur les pentes du mont Kenya.

Quelques dizaines de millions de dollars plus tard, il avait ajouté une corde à son arc déjà bien rempli : le blanchiment d’argent pour les warlords somaliens et ensuite, les pirates.

Activité encore plus lucrative.

Dans la foulée, il s’était converti à l’islam, ce qui ne coûtait qu’un pèlerinage à La Mecque et inspirait confiance à ses « clients ».

Abandonnant Nairobi, il s’était fait construire à Nyali, la banlieue chic de Mombasa, une somptueuse résidence dans Kangocho Road, entre le golf et la plage, important de Syrie des blocs de granit rose. Afin d’éviter les fastidieux déplacements en avion de ligne, il s’était offert un hélicoptère Bell dont l’héliport mordait légèrement sur sa pelouse. Ce qui lui permettait de rejoindre Nairobi en deux heures, directement de chez lui.

Il remonta dans sa chambre, se versa un jus de mangue et se mit à réfléchir. Ses partenaires somaliens étaient des brutaux qui ne se payaient pas de mots. Non seulement, ils réclamaient un dédommagement, mais il leur fallait aussi une preuve tangible de l’autorité de leur associé. Ce dernier se dit qu’il allait être obligé de sacrifier un « fusible ». Triste certes, mais moins que de diminuer son train de vie.

Sa décision fut vite prise et d’abord, il envoya un mail à son correspondant somalien précisant ce qu’il avait décidé et réclamant son accord.

La réponse arriva dix minutes plus tard : c’était « oui ».

Il se mit au téléphone, afin de mettre en place son dispositif, à Nairobi et à Mombasa.

Il avait presque terminé lorsqu’il se heurta au regard caressant de sa dernière épouse, Jamila, à peine seize ans, la peau très claire, de grands yeux de biche et un sexe pratiquement imberbe. Comme tous les matins, elle venait le provoquer gentiment, ayant compris qu’elle pouvait obtenir beaucoup de lui en déployant une docilité sexuelle sans limite.

Hadj Aidid Ziwani sentit des picotements monter de son bas-ventre devant ce sexe imberbe qu’il adorait défoncer sans modération, mais il se fit une raison.

— Va-t’en, dit-il, je suis obligé de partir en voyage.

Jamila fit demi-tour, ravie : elle allait pouvoir jouer avec ses Barbies.

Dès qu’il fut seul, Hadj Aidid Ziwani passa une chemise et un pantalon, puis appela le pilote de son hélicoptère afin qu’il dépose un plan de vol à la tour de contrôle de l’aéroport de Mombasa. Il se serait bien passé de ce voyage à Nairobi, mais c’était indispensable.

* * *

Le Safari Park était excentré, non loin des Nations Unies, étalé sur un domaine de 30 hectares à la végétation luxuriante. Quand « Wild Harry » franchit l’entrée monumentale au volant de son vieux 4x4, Malko eut l’impression de pénétrer dans un « lodge » en pleine jungle.

De grands bungalows en bois sombres qui ressemblaient aux « long houses » malaises, regroupant chacun plusieurs chambres avec des galeries extérieures, étaient plantés au milieu de pelouses soigneusement entretenues. La réception se trouvait dans un bâtiment rond au toit de chaume. Chaque bungalow portait le nom d’un animal africain.