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Ils arrivèrent à la route côtière, la franchirent et s’enfoncèrent dans Nyali, laissant le Nyali Bridge à leur droite. L’environnement changea complètement.

Plus de bidonvilles mais des propriétés luxueuses, des hôtels modernes et une énorme balle de golf annonçant le Nyali Beach Golf. On se serait cru en Floride.

Plus ils s’approchaient de la mer, plus les villas étaient somptueuses.

Le chauffeur se perdit plusieurs fois : les rues ne portaient pas de noms. Enfin, à force de se renseigner, ils débouchèrent dans une allée au sol inégal, parallèle à la mer, bordée de propriétés entourées de hauts murs.

— This is Kangocho road ! annonça l’homme qui conduisait. The Honorable Hadj Aidid Ziwani leaves here.

Il désignait une énorme villa en pierres roses, isolée au milieu d’un parc plein de flamboyants et de bougainvilliers. Une merveille. Ils s’approchèrent et arrêtèrent le véhicule. Un vigile Noir en tenue bleu bâillait aux corneilles devant la grille et une plaque de cuivre annonçait que la propriété était protégée électroniquement par « Texas Security ».

« Wild Harry » s’approcha du vigile, qui salua automatiquement. Un homme simple qui avait encore le respect de l’homme blanc.

— Dis donc, elle est belle la maison ! lança l’Américain. J’en cherche une comme ça.

L’autre se rengorgea, fier comme Artaban.

— Oh, Bwana, des comme ça, il n’y en a pas ! L’Honorable a fait venir toutes les pierres de Syrie pour la construire. C’est la plus belle de Nyali.

— C’est qui ton patron ?

— Un homme très riche et très bon, récita le vigile, l’Honorable Hadj Aidid Ziwani. Il était au Parlement. Maintenant, il fait seulement le bien et il s’occupe de sa nouvelle femme.

« Wild Harry » sourit à ce portrait idyllique.

— Il est là, en ce moment ?

— Il vient juste d’arriver avec son hélicoptère de Nairobi. il y a un quart d’heure à peine.

— Personne ne l’attendait ?

Le vigile regarda son interlocuteur, surpris par la question.

— Sa dernière femme. C’est tout. Quand l’Honorable n’est pas là, il n’y a pas de visites, ce ne serait pas convenable...

« Wild Harry » sentit son cœur se dilater de bonheur. Si son hypothèse était bonne, tous les espoirs étaient permis. Il avait gagné la course contre la montre.

— Écoutes, dit-il, je voudrais rencontrer ton patron. Le vigile le fixa, soudain méfiant.

— Vous le connaissez ?

— Non, mais je suis sûr qu’il voudra me rencontrer. L’Ascari secoua la tête.

— Bwana, je ne peux pas le déranger.

Sans se démonter, « Wild Harry » tira une carte de sa poche et y ajouta un billet de 100 shillings.

— Tu vas aller lui donner ceci.

Paniqué, l’ascari bredouilla.

— Moi, Bwana, je n’ai pas le droit de parler à l’Honorable.

— Alors, va porter cette carte à quelqu’un qui lui parle, insista « Wild Harry ».

Il souriait toujours. Le vigile empocha les 100 shillings, prit une énorme clef dans sa poche et ouvrit la serrure de la grille. Il était à peine à l’intérieur que Paul surgit derrière lui, passa son énorme bras autour de son cou et serra jusqu’à ce que le malheureux tombe, à moitié étranglé. Paul le posa délicatement sur le sol. Ce n’était pas de la méchanceté gratuite, mais le seul moyen pour que le propriétaire de la villa ne punisse pas le pauvre ascari.

Après avoir tiré le corps sous un flamboyant, les cinq hommes se dirigèrent vers le perron de marbre. Au fond de la pelouse, « Wild Harry » aperçut un hélicoptère garé sur son aire.

— Paul, va voir ! souffla-t-il.

La nuit était en train de tomber... Paul se précipita et revint, quelques instants plus tard.

— Il n’y a rien dans l’appareil.

— O.K. On y va.

Ils montèrent le perron. La lourde porte de fer forgé était fermée, mais il y avait une sonnette. « Wild Harry » appuya et laissa son doigt enfoncé.

* * *

Hadj Aidid Ziwani susauta en entendant la sonnette. Normalement, personne ne l’utilisait : lorsqu’un visiteur se présentait, le vigile prévenait par walkie-talkie un membre du personnel qui venait s’enquérir auprès de lui s’il était attendu.

— Il y a des gens qui viennent ? demanda Jamila, déçue.

Elle avait passé une partie de la journée à se maquiller et avait hâte de montrer à son époux à quel point il lui avait manqué. Drapée dans un long sari orange, elle se savait extrêmement désirable. D’habitude, à chacun de ses retours, Hadj Aidid Ziwani s’en servait, utilisant tous ses orifices, n’étant pas sectaire...

— Peut-être, répondit prudemment Hadj Aidid.

Pensant brusquement à ceux qui devaient venir chercher le « colis ». Normalement, ils auraient dû l’appeler avant, afin de s’assurer de son retour, mais ils avaient pu oublier. On était en Afrique...

— Envoie Said, suggéra Jamila.

— Non, j’y vais moi-même.

Il descendit l’escalier majestueux menant à l’immense hall d’entrée. Apercevant de l’autre côté de la porte plusieurs silhouettes. Ce qui le rassura.

Souriant, il avança, allumant le projecteur éclairant le perron.

Il eut l’impression que son cœur s’arrêtait. Il y avait cinq personnes dehors : quatre Africains et un Blanc. Costaud, des lunettes, les cheveux courts.

Ce n’étaient pas ceux qu’il attendait. Il faillit faire demi-tour, remonter et appeler la police. Les policiers de Nyali lui obéissaient au doigt et à l’œil. S’il appelait au secours, ils arriveraient immédiatement... Seulement, il y avait ce Blanc. Qui était-il ?

Tandis qu’il hésitait, celui-ci frappa le verre épais de la porte pour attirer son attention.

Le pouls d’Hadj Aidid Ziwani grimpa vertigineusement. L’homme avait frappé le verre avec la crosse d’un pistolet ! Ce n’étaient pas des amis. Il sentit ses jambes se dérober sous lui. Bien sûr, la porte était fermée à clef, le « colis » était dans le sous-sol et il pouvait appeler la police.

Mais après ?

D’un effort surhumain, il plaqua un sourire sur son visage, s’avança, ouvrit la lourde porte et demanda.

— Gentlemen, good evening ! Who are you ?

« Wild Harry » lui rendit son sourire. Il avait remis dans sa ceinture qui le boudinait un peu le Coït 45 fourni par les amis de Paul. Derrière lui, les quatre Kenyans, massifs et silencieux, n’étaient pas rassurants. « Wild Harry » lui tendit sa carte. Hadj Aidid Ziwani crut s’évanouir en lisant la mention « American Embassy. First Secretary ».

— Vous êtes diplomate, demanda-t-il. Pourquoi cette visite inopinée ?

« Wild Harry » continuait à sourire. Il entra, suivi de ses acolytes et reprit sa carte.

— Je ne suis pas diplomate, dit-il paisiblement. Je travaille pour le Service de Renseignements qui s’appelle la Central Intelligence Agency.

Hadj Aidid eut l’impression qu’il s’enfonçait dans le sol.

— Mais que...

— J’ai des raisons de penser, continua « Wild Harry » que vous détenez un de nos agents, un certain Malko Linge, qui a été kidnappé par des amis à vous, à Nairobi, dans le bungalow N° 20 du block Flamingo de l’hôtel Safari Park que vous louez à l’année. Il est possible que vous l’ayez amené ici, dans votre hélicoptère.

Hadj Aidid Ziwani avala trois fois sa salive avant de pouvoir protester.

— C’est complètement fou ! Je suis un citoyen respectable et respecté. J’ai été pendant quinze ans membre du Parlement. Je peux appeler la police et vous faire arrêter immédiatement. Vous vous êtes introduit illégalement dans ma propriété. Nous ne sommes plus au temps de la colonisation. Le Kenya est un pays souverain.