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— Pas pour le moment.

Le Somalien l’observait, le regard minéral, tendu comme un fauve. « Wild Harry » se pencha vers lui.

— Ahmed, je ne suis pas venu te causer des ennuis. Au contraire, je peux te faire gagner de l’argent.

Le Somalien le regarda par en-dessous, méfiant.

— Comment ? Ça fait un moment que vous avez décroché.

« Wild Harry » éclata d’un rire joyeux.

— Ils ne pouvaient plus se passer de moi. J’ai repris du service. Et j’ai besoin de toi.

— Pourquoi faire ?

— Mon ami ici présent doit aller à Mogadiscio. Il a besoin d’une protection.

Le Somalien secoua la tête.

— Vous savez bien que je n’ai plus personne là-bas. Ce salaud de président Youssouf m’a forcé à démanteler ma milice.

— Je sais, mais tu as encore des relations. Mon ami doit pouvoir se déplacer sans trop de risques dans la ville.

— Qu’est-ce qu’il va faire ?

— Rencontrer quelqu’un.

— Je peux lui donner des contacts...

« Wild Harry » secoua lentement la tête.

— Ahmed, tu sais bien qu’on ne règle pas ce genre de truc au téléphone. Je veux que tu sois là-bas, quand il arrive, que tu l’accueilles et que tu le mettes en bonnes mains.

Le Somalien secoua la tête, le regard fuyant, buté.

— No way. Mogadiscio, c’est trop dangereux.

— Même pour cent mille dollars ?

— Même pour un million de dollars.

« Wild Harry » se leva du lit avec un soupir à fendre l’âme.

— O.K., Ahmed, je n’insiste pas, mais tu devrais déménager d’ici. Vite.

— Pourquoi ?

« Wild Harry », avec un sourire angélique, enchaîna :

— Parce que je vais te balancer, Ahmed ! Je suis sûr que certaines personnes ignorent que tu te trouves ici, bien au chaud. Tu as fait courir le bruit que tu étais parti aux États-Unis. Tu te souviens de « Atto » Abu Ayub ?

— Cet enculé !

— Je ne connais pas ses mœurs sexuelles, mais tu m’as aidé, dans une autre vie, à envoyer ses deux frères à Guantanamo. Lui est toujours en liberté, quelque part à Mogadiscio. Je suis sûr qu’il aimerait bien te retrouver. Même si c’est en plusieurs morceaux...

L’Honorable Ahmed Mohammed Omar ne dit rien, mais sa grosse main noire saisit son Coït posé sur le lit et le braqua sur « Wild Harry ». Malko vit son pouce relever le chien.

— Salope ! siffla entre ses dents le Somalien.

« Wild Harry » ne broncha pas, mais remarqua d’une voix douce.

— Ahmed, je t’ai dit que je travaillais de nouveau pour la Maison. On sait que je te cherche. Tu aurais de gros ennuis si tu te laissais aller à tes mauvais instincts.

Pendant d’interminables secondes, l’arme resta braquée sur les deux hommes. Malko se dit que « Wild Harry » jouait à la roulette russe et qu’à ce jeu, on perdait quelquefois. Le Somalien était un tueur.

Lentement, celui-ci baissa son arme et lâcha entre ses dents.

— O.K., tu m’as dit 100000. Je commence à réfléchir quand j’en ai 50000.

— Voilà le langage de la raison, reconnut « Wild Harry » d’un ton conciliant. Je reviens te voir avant la fin de la journée. Maintenant que je connais le numéro de ta chambre. J’étais sûr que je pourrais compter sur toi.

Il se dirigea vers la porte et fit sortir Malko le premier. Le Somalien les regarda partir, tenant toujours son pistolet.

Dans le couloir, « Wild Harry » éclata de rire.

— Ce vieux voyou n’a pas changé ! Il ne peut pas résister à l’odeur du pognon. Pourtant, Mogadiscio, pour lui, ça craint... O.K., on va à l’ambassade. Que je vous montre à quoi ressemble Amin Osman Said.

Ma « source ».

* * *

« Wild Harry » cliqua pour imprimer la photo apparue sur l’ordinateur. Celle d’un homme jeune, très maigre, longiligne, les cheveux courts, des lunettes noires, vêtu d’une chemise flottante et d’un pantalon de toile.

Dès que le cliché fut sorti de l’imprimante, l’Américain le tendit à Malko.

— Voilà. Avec ça, je vais vous donner une adresse — celle de sa maison — et les numéros de ses anciens portables.

— Où habitait-il ?

— Son bureau était au marché de Bakara, et lui demeurait un peu plus au nord, sur la Via Lénine, en face de l’hôpital Médina, juste avant un embranchement où il y a une station-service. Si, en deux, trois jours, vous ne le trouvez pas, il faudra démonter. Trop de gens sauront que vous êtes là et ça peut devenir très dangereux. Même avec les amis d’Ahmed.

— Qui tient Mogadiscio maintenant ?

« Wild Harry » sourit.

— Tout le monde. Plusieurs groupes de Shebabs, des milices travaillant avec les gens du marché de Bakara, quelques restes des warlords. Les Éthiopiens, les hommes du président, mais juste autour de la villa Somalia. Ça bouge tout le temps. Même avec la protection d’Ahmed, c’est comme si je vous envoyais en enfer sans combinaison ignifugée.

— Ça vous est vraiment impossible de venir ?

« Wild Harry » demeura impassible.

— Je suis connu comme le loup blanc... On saura que j’arrive avant même que l’avion se soit posé. Et, pour moi, ils feront des efforts exceptionnels. Vous, vous êtes neutre. Un bon petit Blanc inconnu. Et si on veut savoir ce qui se trame entre les Shebabs et les pirates, il n’y a que Amin Osman Said qui puisse le découvrir. Mais ne rêvez pas, c’est un « long shot ».

Vous reviendrez peut-être les mains vides. Si vous revenez.

Après ce trait d’humour douteux, il sourit à Malko.

-On va aller dîner dans un petit resto que je connais. Entre-temps, j’aurai revu Ahmed et je saurai quand vous partez.

CHAPITRE XV

— Vous partez après-demain matin pour Mogadiscio, annonça d’une voix égale « Wild Harry ». Sur Dalo Airlines. Probablement un Ilyouchine 19 turbo-prop. C’est encore les moins dangereux, parce qu’ils sont faciles à entretenir. Et les Ukrainiens qui les pilotent ont survécu à tout. Donc, ils sont bons.

Satisfait de son annonce, « Wild Harry » commanda un Pimm’s. Il n’y avait pas beaucoup de clients au « Moonflower », caché au fond d’une impasse, Kitale Lane, donnant dans Dennis Rutt Road.

Une terrasse surplombant un petit jardin où était installé un orchestre.

« Wild Harry » était venu chercher Malko dans un vieux 4x4 déglingué, accompagné de Hawo, drapée dans un superbe sarong framboise coupé dans une soie si souple qu’elle moulait toutes les aspérités de son long corps aux courbes harmonieuses.

— Il y a beaucoup d’avions pour Mogadiscio ? demanda Malko, un peu étonné.

— Tous les jours, affirma « Wild Harry » et les vols sont bourrés. J’ai eu toutes les peines du monde à trouver deux places.

— Deux ? Vous venez ?

— Non. Hawo va vous accompagner. Stupéfait, Malko fixa la jeune femme.

— Pourquoi prendre ce risque ? Hawo sourit.

— Oh, ce n’est pas plus dangereux que pour tous les Somaliens qui se rendent à Mogadiscio. Leur famille ou des amis viennent les chercher. La plupart de ceux qui vivent à Nairobi se rendent régulièrement là-bas.

— Je crois que Hawo va vous être très utile, enchaîna « Wild Harry ». Elle parle somalien, elle a du cran et elle veillera à ce que cette crapule d’Ahmed ne joue pas au con. Et puis, cela va lui faire plaisir de revoir son pays... Allez, on commande. La viande est excellente ici.

Ils prirent tous les trois des « T-bone steaks », arrosés de vin sud-africain.

Malko était partagé entre plusieurs sentiments. La surprise d’abord. Pourquoi « Wild Harry » lui faisait-il ce cadeau ? Et puis un mélange de culpabilité et de désir. Comment imaginer que rien ne se passe entre Hawo et lui, en tête à tête dans ce pays de fou ?