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Malko s’attendait à trouver une aérogare en ruines, elle aussi, mais pas du tout ! Elle avait été visiblement refaite, offrant une image presque pimpante. On aurait dit un pays normal. Les passagers se hâtaient vers le bâtiment, humant l’air, chargés comme des baudets de leurs emplettes kenyanes. Au moment où ils débarquaient, ils perçurent une explosion sourde, pas très loin. Un obus de mortier.

Les passagers faisaient déjà la queue devant les guichets de l’Immigration. Des fonctionnaires en tenue bleue contrôlaient consciencieusement les passeports, extorquant 50 dollars à ceux qui ne possédaient pas de visa.

Malko vit son passeport tamponné par un type à l’allure chafouine qui le regarda longuement, se demandant visiblement ce qu’un Blanc venait faire là...

La récupération des bagages fut rapide et ils se retrouvèrent devant l’aérogare.

Surprise, il y avait même des taxis !

Que personne ou presque ne prenait.

Chaque passager était attendu par de la famille en voiture. Pour les Somaliens, la ville était dangereuse, certes, mais ils ne risquaient pas de se faire kidnapper à chaque coin de rue. Simplement un obus de char éthiopien ou une embuscade. Malko se tourna vers Hawo.

— J’espère que les amis de Ahmed vont venir.

— Moi aussi, fit-elle, sinon, nous sommes mal partis.

Elle prit un de ses portables et composa un numéro. Son visage s’éclaira quelques secondes plus tard.

— Ils sont en route ! annonça-t-elle. Ils arrivent de la Villa Somalia.

— Qui ?

— Darwish, le chef de la sécurité du président Youssouf. Du clan Majarteen. Ils sont quelques centaines à le protéger. Lui était conducteur de Fenwick en Grande-Bretagne, mais vaguement cousin de Youssouf.

Ils attendirent. Presque tous les passagers étaient partis lorsqu’ils virent déboucher sous le regard bovin de quelques soldats ougandais, un petit convoi de quatre Land-Rover poussiéreuses, qui avaient déjà une longue vie derrière elles. Elles stoppèrent en faisant hurler leurs pneus en face de l’aérogare, crachant des hommes armés dans des tenues disparates. Si farouchement agressifs qu’ils en étaient comiques.

Une asperge en tenue bleue, terminée par une mâchoire de cannibale, s’approcha de Hawo et ils engagèrent la conversation. La jeune femme revint vers Malko, radieuse.

— Tout est organisé. Il faut lui donner tout de suite 2000 dollars, c’est la coutume. Ensuite, il va nous emmener à l’hôtel.

— À l’hôtel. Ce n’est pas...

— C’est un hôtel sécurisé, le Ramada, dans le quartier Shingani, entre la Villa Somalia — la « green zone » qui abrite le gouvernement — et le port qui est tenu par les Éthiopiens. Ce qu’on peut trouver de mieux au point de vue sécurité.

Ils se tassèrent à l’arrière de la première Land-Rover, dans une odeur de transpiration et de khat.

Passant devant le check-point ougandais sans ralentir. D’ailleurs, les soldats de l’Union Africaine devaient surveiller ce qui entrait, pas ce qui sortait.

Le convoi filait vers le nord sur Airport road, croisant de plus en plus de véhicules.

— Nous allons arriver à un des endroits les plus dangereux de la ville, avertit Hawo, le carrefour du kilomètre 4 : Tribunka Square. Il y a souvent des IED posés par les Shebabs ou les warlords et, comme il y a beaucoup de circulation, il faut ralentir.

— Qu’est-ce qu’on peut faire ? demanda Malko. Hawo sourit.

— Prier.

Deux kilomètres plus loin, ils y étaient. Il n’y avait bien entendu plus de feu de signalisation, et un embouteillage dément. Airport road se jetait dans une grande avenue, Maka Al Mukaraba road, filant d’est en ouest, mais s’incurvant vers le nord pour rejoindre la route de Baidoa. Deux autres voies déversaient leurs véhicules, Médina road et Lenin road, qui montait vers la zone du marché Bakara.

Malko aperçut l’enseigne d’un hôtel assez important, l’Ambassador.

— Il a l’air pas mal, remarqua-t-il.

— Il est sécurisé, reconnut Hawo, mais la zone est très dangereuse. Quelquefois, des Shebabs font des duels de katioushka avec les milices de Bakara market et il y a des attentats à l’explosif...

Ils avaient tourné à gauche et filaient vers l’est. Deux kilomètres plus loin, ils aperçurent les check-points hérissés de sacs de sable, de casemates et de barbelés, de la « green zone » abritant la Villa Somalia, siège du gouvernement transitoire... Là, c’était beaucoup plus sérieux que chez les Ougandais. Dès qu’ils approchèrent, des mitrailleuses se mirent en batterie, des miliciens sortirent de tous les coins, comme des fourmis hargneuses.

Darwish l’Asperge dut sortir de son véhicule et traînaient dans tous les coins à pied, dans des 4x4 ou des « Technicals », pick-ups aux plateaux hérissés de mitrailleuses.

Le Président Youssouf était bien gardé.

Ils ressortirent par un autre check-point sur Mohud Arabi road, filant vers le sud dans le quartier du port. Au passage, Hawo désigna à Malko un bâtiment qui, de six étages, était passé à trois, légèrement déglingués.

— La Primature. Maintenant, le Premier Ministre siège à Baidoa.

Encore un kilomètre, les rues étaient plus étroites, grouillantes d’animation. Un quartier populaire. Le convoi s’ouvrait un chemin à grands coups de klaxon.

Darwish se retourna, souriant de toutes ses dents de cannibale et jeta quelques mots à Hawo.

— Nous sommes presque arrivés, dit-elle. Nous allons gagner le Ramada avec juste ce véhicule.

— Pourquoi ?

— Parce qu’en arrivant avec tout le convoi, cela éveillerait l’attention, les nouvelles vont vite en ville. Et une personnalité importante, cela attise les convoitises. Il vaut mieux être discret. Dans ce coin, ça ne craint pas, entre les Éthiopiens et la Villa Somalia.

Ils s’arrêtèrent devant un bâtiment blanc qui avait connu des jours meilleurs, cerné de galeries extérieures. À moitié effacée, on lisait encore l’inscription « Ramada » Hôtel. Il ne manquait que deux lettres.

Tout rétablissement était entouré d’un grillage épais de six mètres de haut, l’entrée protégée par une série de barrières, gardées par des miliciens armés comme des porte-avions. Partout, des projecteurs et des caméras. En face, il n’y avait qu’un terrain vague, où stationnaient d’autres miliciens.

Lorsqu’ils pénétrèrent dans le hall, entourés de leurs quatre gardes du corps, l’employé de la réception vint balayer le sol devant Darwish, visiblement bien en cour. Deux boys s’emparèrent de leurs sacs et les menèrent au premier étage. Délicate attention : les deux chambres qui leur étaient attribuées donnaient sur un mur aveugle.

— C’est plus sûr ! laissa tomber Hawo.

Le confort était succinct, mais il y avait la clim et de l’eau courante.

— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Malko.

— Moi, je prends une douche, fît Hawo. On se retrouve dans une demi-heure et on se met au travail.

* * *

Malko se sentait tout nu, sans arme, dans cet environnement plutôt hostile. Heureusement qu’il avait ses « baby-sitters ». Un coup léger fut frappé à sa porte. Hawo avait changé de couleur, en rouge désormais.

Elle sortit de son sac cinq téléphones portables et les étala sur la petite table.

— Vous avez les numéros que Harry vous a donnés ? demanda-t-elle. Ceux de Amin Osman Said.

— Oui, bien sûr.

Il lui tendit le papier. Il n’y en avait que quatre. Hawo mit un des portables de côté, expliquant :

— Ici, les réseaux ne communiquent pas entre eux... Il faut donc une puce par réseau. On va commencer par le réseau Hormund.