— Caressez-vous ! lança-t-elle d’une voix haletante. Caressez-vous. Dites-moi que vous me voulez. Je vais...
Tout à coup, il entendit dans le portable un soupir étranglé qui se termina par un cri bref, aigu, primitif.
Hawo venait de se faire jouir. Lui-même était au bord de l’explosion. Il regarda son membre dressé, encore serré dans sa main et dit doucement.
— Hawo ?
— Oui, fit la Somalienne, d’une voix changée. C’était bon. Merci. J’ai joui magnifiquement.
— Venez.
— Vous voulez vraiment ?
— Oui. Je veux vous faire l’amour.
Elle eut une sorte de petit rire joyeux et lâcha, à voix basse.
— J’arrive.
Encore en érection, il se leva et enroula, par pudeur, sa serviette autour de sa taille. Il était encore à trois mètres de la porte quand un coup léger fut frappé au battant. Hawo venait le rejoindre.
Il eut le temps de parcourir les trois mètres et de mettre la main sur la poignée avant que la sonnerie du portable ne se déclenche.
Il s’arrêta net, regarda l’appareil, ne comprenant plus. Seule, Hawo possédait ce numéro.
Il appuya sur « talk » et, instantanément, entendit la voix de la Somalienne. Haletante, mais pas de plaisir, nouée par l’angoisse.
— Éloignez-vous de la porte ! lança-t-elle. Vite. Couchez-vous !
Il obéit sans réfléchir, s’allongeant le long du lit, le plus loin possible de la porte.
— Qu’est-ce que...
Il n’eut pas le temps de continuer.
Une formidable déflagration secoua tout l’hôtel. La porte de la chambre, soufflée de l’extérieur, vola à travers la pièce et disparut par la fenêtre, emmenant le bâti de bois avec elle ! Un souffle brûlant balaya la chambre, charriant des débris, de la poussière, des morceaux de bois et de plâtre, arrosant Malko, allongé par terre.
Étourdi, stupéfait, il mit de longues secondes à se redresser et à risquer un œil. Il ne vit d’abord qu’un trou noir, de la fumée, puis plusieurs silhouettes surgirent, des hommes armés de Kalachs, visiblement affolés eux aussi.
Des miliciens de l’hôtel ou de Darwish.
Malko se remit debout. Son dos était couvert de petites brûlures légères et il n’entendait plus rien. Il vit surgir Hawo, drapée dans son Bafto blanc et vit ses lèvres bouger mais il ne perçut aucun mot de ce qu’elle disait. Les hommes l’entouraient, l’époussetaient.
Enfin, la Somalienne hurla à son oreille gauche et il entendit.
— C’était une bombe !
— Je sortais de ma chambre pour vous rejoindre, expliqua Hawo, quand j’ai vu un homme déposer un paquet devant, votre porte et puis frapper au battant, avant de s’enfuir dans l’escalier. Heureusement, j’avais encore mon portable à la main...
Il la regarda : ses yeux étaient soulignés de bistre, sans qu’il puisse savoir si c’était le plaisir éprouvé avant l’attentat ou l’émotion. Il entendait un peu mieux, mais était encore choqué. De sa chambre dévastée par l’explosion, il ne restait rien et il avait déménagé ses affaires dans la chambre de Hawo.
— À quoi servent les gardes ? demanda-t-il.
Elle haussa les épaules.
— On est à Mogadiscio... Ils disent qu’ils avaient déjà vu cet homme qui livre régulièrement du khat. Ils pensaient qu’il venait en apporter à un client.
— D’où cela peut-il venir ?
— Je n’en sais rien, avoua-t-elle. C’est peut-être tout simplement quelqu’un qui a vu un Blanc et a voulu le tuer. Ou une intimidation. Tout est possible.
Alors qu’ils n’avaient même pas commencé leur mission, cela commençait bien !
— Demain, j’irai avec vous, dit Malko. Pas question de vous laissez prendre des risques seule. S’il le faut, je mettrai un keffieh.
Hawo sourit.
— D’accord, mais vous ne sortirez pas de la voiture. Ce serait nous faire prendre des risques à tous les deux. Pour ce soir, il n’y a plus rien à faire. J’ai demandé à ce que deux des hommes de Darwish restent ici, sur le palier, et je leur ai donné cent dollars à chacun.
Malko réalisa qu’il n’avait que le pantalon passé à la hâte après l’attentat.
Hawo lui appuya doucement sur les épaules et le força à s’allonger sur le lit étroit. En un clin d’oeil, elle se fut débarrassée de son bafto et elle vint s’allonger contre Malko. Elle fit glisser le pantalon et le prit dans sa main, le caressant avec douceur. Il ne mit pas longtemps à retrouver sa vigueur et la Somalienne colla alors sa bouche à son oreille.
— Venez dans mon ventre.
Elle était onctueuse, brûlante, et commença à bouger dès qu’il se fut enfoncé en elle. Comme pour l’empêcher de la prendre à un rythme trop rapide, elle noua ses longues jambes fines autour des siennes, afin qu’il ne puisse bouger que très légèrement.
Malko aurait voulu que ce va et vient sensuel et lent dure jusqu’à l’aube, mais à un moment, il sentit qu’il ne pouvait plus se retenir. Aussitôt, Hawo pesa sur ses reins, comme pour mieux le clouer à elle et l’embrassa furieusement. Soulevée pour mieux le sentir, elle exhala un long soupir ravi lorsqu’il se vida dans son ventre.
— Voilà le breakfast ! annonça Hawo.
Déjà habillée dans sa tenue bleue. Malko regarda ce qu’elle avait apporté sur un plateau. Pas ragoûtant.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il.
— Ça, expliqua la Somalienne, c’est du foie de chèvre rôti avec des oignons. Ça, de la soupe de riz.
Un cloaque plutôt écœurant... Mais il y avait aussi du pain brioché italien, souvenir de la colonisation, des papayes, des mangues et du thé.
Quand ils eurent mangé, Hawo ressortit et revint avec une sorte de salopette bleuâtre et une casquette de base-bail ainsi qu’un gros pistolet automatique Tokarev 9 mm.
— Voilà, habillez-vous avec ça, dit-elle, vous resterez dans la Land-Rover.
Il glissa le pistolet dans la salopette et ils descendirent. La chaleur était déjà effroyable. Malko, rendu prudent par ce qui s’était passé la veille au soir, regarda autour de lui, mais il était impossible de distinguer une menace précise.
Hawo monta à l’avant de la Land-Rover et Malko se retrouva sur la seconde banquette coincé entre deux miliciens en T-shirt vert, bardés de chargeurs, lunettes noires, bouteille d’eau minérale à la ceinture, mâchant déjà leur khat matinal.
Derrière le véhicule de tête, se trouvait un pick-up Toyota dont le plateau était équipé d’une « Douchka », mitrailleuse lourde russe et deux autres Land Rover.
Le convoi se mit en route.
— Nous allons contourner le port, pour retrouver Maka Ala Mukaraba Road, expliqua Hawo.
Les moteurs des véhicules tournaient déjà... Malko retint un haut-le-cœur. L’odeur de khat et de transpiration était épouvantable. Tous les miliciens étaient très jeunes, le regard halluciné. Coincé entre deux d’entre eux, Malko regarda le pare-brise fêlé et rafistolé. Par toutes les glaces ouvertes, les canons des armes pointaient vers l’extérieur.
Le moteur de la Land Rover rugit et il eut l’impression de se trouver sur la catapulte d’un porte-avions tant le conducteur démarra sec.
Tout de suite à fond la caisse, bien qu’il y ait déjà beaucoup de monde dans les rues, et, devant chaque boutique ou presque, un générateur.
Ils passèrent devant un « technical » équipé d’un bi-tube antiaérien, puis il aperçut des hommes faisant la queue devant une mosquée.
— On leur donne du riz, lança Hawo en se retournant.