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— Il n’avait pas son téléphone ?

— Il avait plusieurs numéros mais ils n’étaient plus en service. Je sais que c’est exact. Lorsque Harry a terminé son opération à Mogadiscio, tous les moyens de communication ont été déconnectés. Afin de ne laisser aucune trace... Il a écrit à Nairobi, à l’ambassade américaine, continua Hawo, et il a fait téléphoner. On a dit à son ami qu’il n’y avait pas de Harry Chestnut à l’ambassade.

Tout cela était typique d’une opération clandestine.

Les téléphones qui ne répondent plus, les gens qui n’ont jamais existé...

— Que lui avez-vous dit de vos liens avec Harry ?

— Le moins possible, fit-elle, que nous étions associés et, qu’à l’occasion de mon voyage ici, il m’avait demandé de me renseigner sur Amin.

— Il l’a cru ?

— Je pense, oui. Il était ému aux larmes lorsque j’ai mentionné son nom. Tout de suite, il m’a demandé si Harry pourrait l’aider à quitter la Somalie.

C’était plutôt bon signe. Pourtant, Malko était méfiant.

— Dites m’en plus, insista-t-il. Pourquoi veut-il quitter la Somalie s’il travaille pour les Shebabs ? Si c’est vrai...

— C’est vrai ! confirma la jeune femme, mais c’est une histoire incroyable. Personne ne sait qu’il a travaillé avec Harry. On l’a toujours considéré comme un journaliste et un informaticien. Il a vécu de journalisme comme correspondant de The Nation, pendant pas mal de temps. Puis, les choses se sont gâtées. Les Islamistes lui ont reproché certains articles qu’il avait écrits. Ils l’ont menacé. Par prudence, il a envoyé sa femme et ses deux enfants à Baidoa, pour les mettre à l’abri. Il a été obligé de quitter son bureau de Bakara market. C’était trop dangereux. C’est alors qu’il a été contacté par un de ses cousins, du clan de Hobyo, qu’il allait voir régulièrement. Cet homme lui a demandé s’il voulait travailler avec les pirates d’Hobyo.

— Comme pirate ? Hawo sourit.

— Non, comme interprète ! Aucun ne parle anglais et ils sont désormais tout le temps en contact avec des étrangers pour discuter des rançons. Eux, ne savent même pas ce qu’est un compte en banque. C’est comme ça qu’il a commencé une nouvelle vie, entre Mogadiscio et Hobyo. Chaque fois, on lui donne un petit pourcentage sur les rançons.

— Donc il ne travaille pas avec les Shebabs ?

— Il ne travaillait pas... Seulement, ceux d’Hobyo avec qui il est en contact, depuis quelques mois, se sont associés avec les Shebabs pour certaines opérations. Pour ne pas être rackettés. Les Shebabs, eux, ont besoin d’argent. Donc, Amin s’est trouvé pris dans l’engrenage. Il a même rencontré Robow, qui, bien entendu, ne sait rien de son passé. Il le considère comme un membre du clan d’Hobyo.

C’était incroyable. Si c’était exact.

— Donc, tout va bien pour lui, conclut Malko.

Hawo secoua la tête.

— Non, il donnerait n’importe quoi pour quitter Mogadiscio. Il me l’a dit.

— Pourquoi ?

— D’abord, ici, il est séparé de sa femme et de ses enfants. Mogadiscio est trop dangereux. Ensuite, il a peur tout le temps et il pense que les Shebabs vont prendre le pouvoir et instaureront la charia. Il ne veut pas vivre comme ça. En plus, depuis son accident de moto, il y a son genou. Le médecin de l’hôpital lui a dit que si on ne l’opérait pas rapidement dans un vrai hôpital, il resterait infirme : il boiterait toute sa vie. Il m’a demandé si je pouvais faire quelque chose pour lui...

Malko avait envie de se pincer. Tout cela était inespéré... Presque trop beau pour être vrai.

— Que lui avez-vous dit ?

— Que je connaissais peut-être quelqu’un...

Un ange passa et s’enfuit, épouvanté. Hawo se leva et alluma une cigarette. Malko pensa soudain à quelque chose.

— Pourquoi ne pas lui avoir fait vous-même une proposition ?

Hawo eut un sourire désarmant.

— Je ne suis pas crédible, je suis une femme. Dans ce pays, les femmes ne se mêlent pas de ce genre d’affaires. C’est vous qui devez lui parler.

— Comment ?

— Il nous attend aujourd’hui, à quatre heures de l’après-midi, dans la station service détruite à côté de sa maison.

* * *

Leurs regards se croisèrent.

— Vous pensez qu’il y a un risque ?

Hawo ne cilla pas et dit d’une voix douce.

— Bien sûr qu’il y a un risque. Il m’a peut-être menti. Même s’ils ne sont pas convertis à l’idéologie des Shebabs. il sait très bien qu’un Américain, ici, cela vaut une fortune ! Il pourrait être tenté de vous livrer à ses amis.

— Comment le savoir ?

Hawo eut un geste fataliste.

— Il n’y a qu’un seul moyen : le rencontrer. En sachant que cela peut être un piè£e. Donc, en y allant avec une protection solide.

Malko demeura silencieux.

Le jeu en valait la chandelle. Si ce n’était pas un piège, il avait une chance de remplir sa mission impossible en Somalie. Ou, au moins, d’essayer.

— Il parle anglais ? demanda-t-il.

— Très correctement.

— Très bien, conclut-il, je vais aller à ce rendez-vous, mais c’est vous qui allez rester ici. Si les choses se passent mal, je ne veux pas que vous soyez entraînée dans une sale affaire. Ils vous tueront s’ils découvrent que vous travaillez avec des Américains.

Hawo secoua la tête.

— C’est vrai, il y a un risque, mais je ne veux pas vous laisser y aller tout seul. Les hommes de Darwish ne parlent que somalien. Il faut pouvoir s’expliquer.

Lourd silence. Il sentit qu’il ne pourrait pas la faire changer d’avis.

Soudain, Hawo se pencha vers lui et il sentit sa bouche se poser sur la sienne.

— Nous avons encore un peu de temps pour faire quelque chose d’agréable, murmura-t-elle. Nous ne partirons d’ici que dans deux heures.

Malko laissa sa main courir le long de ses reins. En quelques secondes, il sentit sa tension se dénouer. Puis Hawo enfonça sa langue dans sa bouche, lentement et profondément, et son corps se souda au sien. S’il devait risquer sa vie ou pire, un peu plus tard, autant profiter de la vie avant.

Carpe Diem...

Hawo était déjà en train de faire glisser son bafto sous lequel elle était nue. Le contact de sa peau tiède et lisse embrasa Malko. Il ne savait toujours pas pourquoi elle aimait faire l’amour avec lui, mais cela n’avait pas d’importance. Lorsqu’elle bascula sous lui et ouvrit doucement les cuisses, il oublia le rendez-vous à haut risque qui l’attendait deux heures plus tard.

CHAPITRE XIX

Allongé de tout son long sur le corps moite de Hawo, Malko demeurait immobile, plongé dans une espèce de sérénité sensuelle, déconnecté du monde extérieur. Encore fiché au fond de la jeune femme.

Immobile, sentant le sang battre dans son ventre, délicieusement.

Hawo, tenant le lit à deux mains, comme elle aurait étreint un autre amant, cambrée, les jambes ouvertes, n’arrivait pas à se rassasier de sexe, comme si elle avait des années de manque à rattraper. Malko se souleva légèrement et elle émit un petit cri de protestation.

— Non !

— C’est l’heure, dit-il, après un coup d’œil à sa Breitling.

Ils se retrouvèrent sous la douche. Dix minutes plus tard, ils étaient en bas. Les quatre véhicules de Dar-wish étaient déjà là, les miliciens mâchant leur khat, le regard dissimulé derrière leurs lunettes noires fantaisie.

Hawo et Malko prirent place dans la première Land-Rover. Elle, à l’avant, la tête couverte, lui, à l’arrière, entre les miliciens.