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— Vous pouvez joindre Amin ? demanda Malko.

— Oui, il m’a laissé son numéro de portable. On l’appellera quand on approchera.

Et, de nouveau, ce fut « Mad Max ». Cette fois, ils passèrent en trombe le carrefour mortel du kilomètre 4, la voie étant libre, pour tourner dans la Via Lenin. C’est le pick-up Toyota, avec sa mitrailleuse lourde, qui avait pris la tête, roulant une centaine de mètres devant eux. Malko distinguait mal la route, à travers le pare-brise sale et les passagers de l’avant.

Soudain, le conducteur de la Land-Rover donna un coup de frein si violent que le 4 x 4 se mit en travers de la route. Les miliciens s’interpellèrent bruyamment. Hawo se retourna mais n’eut pas le temps de parler. Des rafales de coups de feu venaient d’éclater en avant du convoi. Les voisins de Malko jaillirent du 4x4 comme des fous et filèrent prendre position dans un fossé et derrière les ruines d’une maison.

Les coups de feu continuaient, sporadiques. Le voisin de Malko leva sa Kalach et tira une courte rafale en l’air. Un autre traversa la route en courant, un RPG 7 sur l’épaule et alla se planquer dans les ruines.

Malko voulut descendre, mais un des miliciens resté à bord le plaqua contre son siège avec un grognement furieux. Visiblement, ça craignait...

— Qu’est-ce qui se passe ? lança-t-il à Hawo.

— Je ne sais pas, avoua-t-elle. Le pick-up est bloqué par des tirs.

Soudain, plusieurs silhouettes apparurent sur la route, devant eux. Une demi-douzaine de jeunes, coiffés d’étranges keffiehs roses qui leur donnaient un air de fête, en tenue blanche, le visage dissimulé sous les plis de leur keffieh. Ils barraient la route, armes braquées sur leur convoi. Trois des miliciens du pick-up parlementaient avec eux. Hawo se retourna, les traits tendus.

— Ce sont des Shebabs !

Un des hommes qui discutaient avec les Shebabs accourut et eut une brève conversation avec elle.

— Ils viennent de chasser les miliciens d’Indo Adde liés aux gens de Bakara market. Ils disent que, désormais, ils contrôlent la route.

— Ils refusent de nous laisser passer ?

— Ils discutent entre eux, car ils n’aiment pas le président Youssouf et Darwish leur a dit qu’il travaillait pour lui, mais comme nous sommes nombreux, ils ne veulent pas engager le combat.

— Où est le problème, alors ?

— Ils veulent fouiller les véhicules... S’ils vous trouvent, ils risquent de vous tuer ou de vous emmener.

— On ne peut pas les contourner ?

Autour d’eux, il n’y avait que du terrain plat, du sable et des ruines.

— Non. Trop dangereux. Il y a des mines partout. Il faut négocier. Vous avez cinq cents dollars ?

— Oui, bien sûr.

— Donnez-les-moi.

Il lui donna les billets et, à son tour, elle les donna au milicien du pick-up avec de longues explications.

— Je leur ai dit de leur dire qu’il me transportaient à l’hôpital, avec mes cousins.

Le milicien partit en courant.

Soudain, Malko entendit des vociférations venant de la route. Shebabs et miliciens s’invectivaient en se menaçant mutuellement. Puis, cela se calma d’un coup ! À travers le pare-brise, Malko vit les Shebabs s’écarter. Le milicien descendu du pick-up leur adressa un grand signe, avant de courir vers son véhicule.

Les miliciens couraient vers les leurs.

— Dissimulez-vous le plus possible, recommanda Hawo, il ne faut surtout pas qu’ils vous voient.

Malko obéit, se couchant en travers sur la banquette, de façon à ce qu’on ne voie pas sa tête de l’extérieur. En Somalie, les cheveux blonds n’étaient pas vraiment une valeur ajoutée.

Les véhicules démarrèrent en trombe, passant à la queue leu leu devant les Shebabs. Malko commençait à se détendre lorsqu’une violente fusillade éclata, derrière eux, mais toute proche, assourdissante. La glace gauche arrière de la Land-Rover vola en éclats et Malko entendit un cri étouffé. Un des jeunes miliciens assis à l’arrière avait pris une balle en pleine tête. Son visage n’était plus qu’une masse sanglante.

Geste de mauvaise humeur des Shebabs...

Un de ses camarades, éructant des injures, cassa avec le canon de sa Kalach la glace arrière, et commença à arroser la route derrière eux...

Puis tout le convoi tourna à gauche, dans une piste courant à travers un quartier détruit où erraient encore quelques vaches.

Malko se redressa, choqué. Le milicien, après avoir vidé son chargeur, continuait à éructer des insultes. Ils zigzaguaient dans un lacis de pistes qui les ramenèrent sur Lenin road. Quelques instants plus tard, il aperçut la station service démolie, à quelques centaines de mètres devant eux. Là où les attendait, théoriquement, Amin Osman Said.

Nouvel arrêt.

Hawo sortit un portable.

Pendant qu’elle parlait, Malko examinait le terrain autour d’eux. L’interception par les Shebabs l’inquiétait. Et si c’était lié à leur rendez-vous.. Et si Amin Osman Said avait changé de camp ? Hawo se retourna.

— Il nous attend.

Elle jeta quelques mots au milicien assis à côté d’elle et une demi-douzaine sautèrent à terre, se déployant autour du convoi arrêté. Deux miliciens sur leurs talons, Hawo et Malko partirent en direction de la station-service. Tout semblait calme. Peu de circulation. Malko était pourtant tendu comme une corde à violon : l’incident des Shebabs avait montré que le danger pouvait surgir très vite. Et, dans ce paysage plat comme la main, on les voyait de loin.

Jusqu’à une dizaine de mètres des débris de la station-service, Malko ne vit personne. Puis, une silhouette frêle surgit de derrière un mur de béton écroulé.

Un jeune homme très maigre, flottant dans une chemise jaune, barbu, qui s’appuyait sur une canne.

Lorsqu’il arriva à leur hauteur, Malko reconnut la photo affichée sur l’écran de l’ordinateur de la CIA. C’était bien Amin Osman Said, l’ancien collaborateur de « Wild Harry ». Le jeune Somalien lui tendit la main, sans sourire.

— Welcome, fit-il, sans se rendre compte de son humour involontaire. Venez avec moi.

Us le suivirent dans un dédale de poutrelles tordues, de murs écroulés, jusqu’à un espace protégé par des pans de mur. Par terre, il y avait une couverture, une bouteille d’eau minérale, et ce qui ressemblait à un sac de couchage sur lequel était posée une Kalachnikov. Équipement standard en Somalie.

— Vous vivez ici ? demanda Malko.

— Je suis sorti de l’hôpital tout à l’heure. Je vais rester là quelques jours, pour surveiller ma maison.

Amin Osman Said s’accroupit sur ses talons et Malko s’installa en face de lui. Le jeune Somalien l’enveloppa d’un regard curieux.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-il, de sa voix douce. C’était le moment de se jeter à l’eau.

— Un ami de Harry.

— Vous travaillez avec lui ?

— Cela m’arrive.

Ils se fixèrent en silence quelques instants, puis Malko enchaîna.

— Hawo m’a dit que vous vouliez quitter Mogadiscio ?

Le jeune Somalien inclina affirmativement la tête.

— Oui, la vie est impossible ici.

— C’est si difficile de partir pour le Kenya ?

Amin Osman Said eut un sourire triste.

— C’est presque impossible. D’abord, il faut de l’argent, et surtout, un visa pour le Kenya. Les Kenyans sont très stricts. Et puis, je veux emmener ma femme et mes deux enfants qui sont à Baidoa.

D se tut et but un peu d’eau minérale. Malko comprit que c’était inutile de tourner autour du pot.

— Harry m’a beaucoup parlé de vous, dit-il, et des services que vous lui aviez rendus. Je continue son travail. Hawo m’a dit que vous aviez des contacts avec les Shebabs. C’est exact ?