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— Oui.

— Ils vous tiennent au courant de leurs projets ?

— Pas de tout, mais de ce qui touche aux opérations de piraterie effectuées avec le clan Majarteen d’Hobyo. D’ailleurs, il y a quelque chose en préparation.

— Quoi ?

— Je ne sais pas encore exactement. Il s’agit d’attaquer un très gros navire, un pétrolier, je crois, mais pas pour réclamer une rançon.

— Pour quoi faire, alors ?

— Une opération spectaculaire. Une sorte d’attentat.

Malko l’aurait embrassé : c’était exactement le genre d’information qu’il était venu chercher à Mogadiscio. Qui confirmait les soupçons de la CIA.

— Pensez-vous en apprendre assez sur cette opération pour nous permettre de la contrer ?

Amin Osman Said frotta brièvement sa courte barbe.

— Oui, c’est possible, dit-il. L’adjoint de Robow m’a déjà prévenu qu’il aurait recours à moi très vite.

— Pour quoi faire ?

— Recevoir une information d’une de leurs sources, dans le golfe persique, qui ne parle pas somalien.

Une rafale de vent brûlant balaya les ruines de la station service, les enveloppant d’un nuage de poussière jaunâtre. Malko échangea un regard avec Hawo qui ne dissimulait pas sa nervosité.

— Il ne faudrait pas trop s’attarder, dit-elle.

— OK, conclut Malko. Voilà ce que je vous propose : dès que vous serez en possession de cette information, vous me prévenez. Je vais vous donner plusieurs numéros où me joindre.

— Et ensuite ? demanda le jeune Somalien.

— J’organiserai votre exfiltration de Mogadiscio dans un délai de vingt-quatre heures.

— Comment ?

— Comme Harry procédait avec ceux qu’il kidnappait. Il faudra nous fixer un lieu de rendez-vous où un hélicoptère viendra vous récupérer.

— Et ma famille ?

— Vous irez les chercher ensemble. Baidoa est une zone à peu près safe. Ensuite, vous serez transféré au Kenya. Je m’occuperai de vos visas, pour vous et votre famille.

Amin Osman Said lui jeta un long regard inquiet.

— Vous ne me laisserez pas tomber ?

Malko sourit.

— Vous serez en possession d’une information très importante pour nous...

Le Somalien hocha la tête.

— Mister Harry ne m’a jamais trahi. Je vous fais confiance. Vous allez le voir ?

— Oui, bien sûr.

— Dites lui que je serai si content de le revoir...

Il se leva et serra longuement la main de Malko, mais pas celle de Hawo. Celui-ci voulut obtenir une dernière information.

— Vous ne savez rien de plus, à ce stade, sur ce que les Shebabs projettent ?

Amin Osman Said regarda autour de lui, comme s’il y avait des fantômes et baissa la voix.

— Le secrétaire de Robow m’a dit qu’ils allaient faire quelque chose d’aussi spectaculaire que le 11 septembre ! Afin de montrer au monde que les taliban somaliens sont Ses plus forts.

Même en tenant compte du lyrisme africain, c’était inquiétant...

— Vous m’avez parlé du Golfe persique, insista Malko. C’est très loin... Les pirates peuvent aller jusque-là ?

— Oui. Le « mother-ship » qui participe à l’opération a déjà quitté Hobyo. Il peut aller à plus de 800 miles.

Autrement dit, à la sortie du détroit d’Hormouz...

— Il faut y aller, conseilla Hawo.

Le Somalien et Malko échangèrent une dernière poignée de mains. Et ils s’éloignèrent en direction du convoi. Lorsque Malko se retourna, Amin Osman Said avait disparu derrière les tas de gravats. Le convoi repartit à fond la caisse, effectuant un grand détour par le nord, afin d’éviter une nouvelle confrontation avec les Shebabs. Malko se pencha vers Hawo, et cria pour dominer le vacarme du convoi.

— Vous pensez que c’est sérieux ?

— Oui, dit-elle. Il est sérieux et veut absolument quitter Mogadiscio.

— J’espère que personne n’apprendra ce contact, soupira Malko. Sinon, il est mort.

* * *

Lorsque la Land-Rover stoppa devant l’hôtel Ramada, Malko aperçut Darwish entouré de ses gardes du corps. Le Somalien se précipita vers lui dès qu’il mit pied à terre.

— Vous avez fini votre travail ?

— Oui, je pense. Pourquoi ?

— Nous avons eu des informations : les Shebabs veulent attaquer la « green zone » de l’aéroport demain matin. Alors, nous avons avancé le vol à aujourd’hui. Il faudrait partir immédiatement.

— Pas de problème, assura Malko.

Dix minutes plus tard, ils contournaient la « green zone » de la Villa Somalia pour gagner Muka Al Mukaraba road puis Airport road. À un train d’enfer.

Visiblement, les Ougandais de la Force Interafricaine étaient sur leurs gardes, nerveux, retranchés derrière leurs sacs de sable.

Le vieil Ilyouchine 19 était devant l’aérogare, en train d’embarquer ses passagers.

Hawo et Malko montèrent parmi les derniers, après une chaleureuse étreinte avec Darwish qui les assura qu’il serait toujours heureux de les recevoir à Mogadiscio...

Malko s’écroula dans son siège. Épuisé nerveusement. Déjà, les turbo-props sifflaient. L’appareil s’ébranla en direction de la piste. Soudain, il aperçut plusieurs véhicules militaires ougandais qui filaient en direction du grillage entourant le périmètre de l’aéroport. D’abord, il ne comprit pas, puis, il aperçut de l’autre côté du grillage, dans le no man’s land jouxtant la médina, un gros camion qui fonçait droit vers la clôture. Lorsqu’il l’atteignit, sans ralentir, il passa carrément au travers et continua en direction de la piste d’où allait décoller l’Ilyouchine.

Hawo poussa une exclamation terrifiée.

— Un kamikaze !

Le camion se trouvait encore à un kilomètre, environ. Malko sentit l’adrénaline lui geler les artères. Si le camion kamikaze arrivait à proximité de l’Ilyouchine 19 et se faisait exploser, c’était terminé...

Des cris de terreur montaient de tous les sièges. Tous ceux qui étaient assis du « bon » côté, pouvaient suivre la progression du camion en direct...

Comme une volée de moineaux, les « Technicals » des Ougandais convergeaient vers le camion, tirant de toutes leurs armes. Son conducteur fit un écart, essayant de les contourner. À cause du bruit des réacteurs, la scène était totalement silencieuse, ce qui la rendait encore plus surréaliste.

Malko ne pensait plus, le regard glué au camion.

Soudain, il y eut une énorme déflagration qui couvrit le hurlement des tubo-props et le camion se désintégra dans une gerbe de flammes et de fumée.

Quelques instants plus tard, l’Ilyouchine 19 prit de la vitesse. Malko comptait les secondes. Ils pouvaient encore recevoir un obus de mortier. Enfin, ils furent au dessus de l’eau et il eut l’impression que son cœur se remettait à fonctionner normalement.

De Mogadiscio, il ne distinguait plus qu’une étendue jaunâtre, plate, lunaire. Il repensa au fragile jeune Somalien terré dans les débris de la station-service. Allait-il être vraiment le grain de sable dans la mécanique infernale des Shebabs ?

CHAPITRE XX

Malko s’ébroua intérieurement. Ayant du mal à réaliser que son séjour à Mogadiscio avait duré à peine quarante-huit heures. Le brouhaha des conversations, la musique, les visages détendus des dîneurs du Tamarind paraissaient presque artificiels...

Il croisa le regard de Hawo. Indéchiffrable. Elle était arrivée en compagnie de « Wild Harry », toujours aussi attentionnée. Ce dernier avait accueilli Malko avec chaleur et participé à son debriefing en compagnie de Mark Roll. Ce dernier leva sa flûte de Champagne Taittinger et lança, euphorique.