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— Bravo à vous et à Hawo ! Vous avez accompli un travail formidable !

Ils cognèrent leurs flûtes au verre de Pimm’s de « Wild Harry » qui grommela.

— Il y a encore beaucoup à faire...

— Vous pensez que cet Amin Osman Said va réellement tenir ses engagements ? demanda le chef de station de la CIA.

— Quand il travaillait avec moi, coupa « Wild Harry », il a toujours « délivré »... Dès demain matin, il faut mettre en place le dispositif de récupération avec la Navy.

— Cela passe par le CentCom de Bahrein, précisa Mark Roll. Je vais les alerter.

— Vous n’allez pas demander leur aide pour contrer l’opération des pirates, lorsque nous aurons les éléments nécessaires ? interrogea Malko. La Ve Flotte est très présente dans le coin.

— C’est vrai, reconnut l’Américain, mais je dois en parler d’abord à Langley...

— Vous n’avez pas de navires de guerre à la CIA, objecta Malko.

Mark Roll sourit.

— C’est vrai, mais nous pouvons utiliser les « Blackwater ». Ils ont positionné un navire à Djibouti, le « Mac Arthur », et ils le louent pour escorter des navires de commerce. Ils ont un hélicoptère et une quinzaine de types très bien armés à bord.

— C’est quand même moins efficace qu’un porte-avions, objecta Malko.

— C’est vrai, reconnut Mark Roll, mais je vous rappelle qu’il s’agit d’une « covert opération » et que l’Agence voudrait la mener seule de bout en bout... Enfin, c’est Langley qui décidera... D’ailleurs, je suis étonné par les révélations de cet Amin. Il a parlé d’un pétrolier détourné. Quel genre d’attentat peut-on commettre avec un pétrolier ? Le pétrole est quelque chose qui s’enflamme difficilement...

— Je ne suis pas un expert, répliqua Malko, un peu agacé, mais je pense que c’est la réponse à la question que vous vous posiez : savoir ce que manigancent les Shebabs...

Mark Roll piqua du nez dans son assiette.

— C’est vrai ! reconnut-il, mais vous êtes certain qu’il n’a pas inventé l’histoire uniquement pour se faire exfiltrer ? Je n’ai pas confiance dans ces Somaliens.

Malko crut que « Wild Harry » allait sauter à la gorge du chef de Station.

— Amin a pris des risques insensés pour nous aider ! protesta-t-il. S’il est traqué aujourd’hui, c’est à cause de nous, des familles de ceux qu’il a aidé à capturer et qui sont à Guantanamo. C’est un type O.K.

Je me porte garant de lui. Nouveau silence. Lourd.

— OK, conclut Mark Roll, on verra tout cela demain. Vous devez être fatigués.

C’était une litote...

Devant le restaurant, Malko déposa un chaste baiser sur la joue de Hawo qui monta dans le vieux 4x4 de « Wild Harry » dont la glace était toujours bloquée.

Mark Roll déposa Malko au Serena, qui bruissait encore de musique et d’animation. Le bar était bourré. Malko gagna sa chambre et se déshabilla. Quelque part, il espérait qu’Hawo lui téléphonerait, mais rien ne se passa. La récréation était terminée. Il n’avait plus qu’à attendre le coup de fil d’Amin Osman Said.

S’il venait.

* * *

Malko avait dormi jusqu’à dix heures. C’est Mark Roll qui le réveilla.

— Nous avons un meeting à quatre heures, au bureau, annonça-t-il. D’ici là, j’aurai tous les éléments.

Malko faillit appeler « Wild Harry » pour l’inviter à déjeuner, mais il se sentait un peu gêné. Et il n’avait pas vraiment faim. Il se traîna jusqu’à la piscine et s’allongea au milieu des quelques putes de service qui le couvaient des yeux. Un muzungu seul et pas d’âge canonique, c’était une proie de choix...

La voiture de l’ambassade Ils arriva à trois heures et demie. Malko avait encore du mal à chasser Mogadiscio de sa tête.

Mark Roll semblait s’être bourré d’amphétamines, tant il paraissait anormalement nerveux. Et ce n’était pas le café américain qu’il avalait à longueur de journée qui le mettait dans cet état.

— Vous voulez les good news ou les bad news ? demanda-t-il dès que Malko fut installé dans son bureau.

— The bad news ! laissa tomber Malko.

— La Navy refuse catégoriquement de coopérer en envoyant un hélicoptère chercher des Somaliens. Ce n’est prévu que pour des individus recherchés par le FBI.

Première douche glaciale.

— Donc, je suis allé là-bas pour rien, conclut Malko.

— Attendez, tempéra l’Américain, on va sûrement trouver une solution avec « Wild Harry ». En tout cas, j’ai l’accord des Kenyans pour les visas de la famille Amin.

— Si on ne peut pas les faire venir... Vous avez d’autres « bonnes » nouvelles ?

— Oui. Comme je le pensais, Langley ne veut pas mêler la Navy à notre « covert opération ».

— Cela ne va pas simplifier les choses...

— J’ai parlé avec les « Blackwater » répliqua Mark Roll. Ils sont d’accord pour travailler avec nous sur ce coup. Leur patrouilleur, le « Mac Arthur », quitte aujourd’hui Djibouti pour rejoindre Mombasa. Il sera là dans moins de quarante-huit heures. Pour ne pas attirer l’attention des Somaliens, il ne débarquera personne.

— Pourquoi le faire venir à Mombasa ?

— Ces pirates opèrent à partir de Haradhère, c’est très au sud de Djibouti, beaucoup plus près d’ici.

— C’est vrai, reconnut Malko, mais dans notre cas, il ne s’agit pas d’emmener un navire « hijacké » dans un port somalien, mais de s’en servir comme arme pour commettre un attentat. Dont nous ignorons tout... Cela peut viser l’Arabie Saoudite, le Yemen, un navire de guerre dans l’océan Indien, un autre pétrolier...

Mark Roll se leva pour aller se planter devant la grande carte de la région, occupant tout un pan de mur.

— À partir de Mombasa, dit-il, le « Mac Arthur » peut gagner l’entrée du golfe d’Oman en trente-six heures au plus. Il file 35 nœuds. Or, s’il s’agit d’un pétrolier, il passera forcément par là, quelle que soit sa route. En plus, je tiens à ce que vous embarquiez, le moment venu, sur le « Mac Arthur » pour suivre cette opération jusqu’au bout. Il n’est pas question de laisser aux « Blackwater » la maîtrise de l’opération.

— Pour l’instant, trancha Malko, il n’y a pas d’opération. Pas tant que nous n’aurons pas trouvé un moyen d’exfiltrer Amin.

— J’ai essayé de joindre Harry, fit Mark Roll, mais il est parti avec sa copine à Niery pour ses trucs de fleurs.

— Bien, conclut Malko, je n’ai plus qu’à retourner à la piscine pour attendre l’appel d’Amin. Et lui annoncer la « bonne » nouvelle.

Mark Roll sursauta.

— Ne lui annoncez rien du tout ! Ce qui serait bien...

Malko lui jeta un regard glacial.

— Ce serait qu’il me communique au téléphone l’information et que je lui annonce que, finalement, on ne peut pas venir le chercher et qu’on lui enverra une lettre d’excuses. Je ne pense pas qu’il soit assez idiot pour ça.

— On va trouver une solution, promit le chef de Station de la CIA. Nous avons un peu de temps devant nous...

— Pas beaucoup ! avertit Malko. Si Amin appelle, je serai bien obligé de lui dire la vérité.

Mark Roll l’accompagna jusqu’à l’ascenseur, défait.

— On va y arriver ! jura-t-il. Harry aura sûrement une idée...

Malko secoua la tête, sombre.

— Si on rate cette opération, ce sera à cause de la connerie des bureaucrates, lâcha-t-il. Moi, je m’étais engagé auprès d’Amin.