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Il avait envie de vomir.

* * *

Depuis vingt-quatre heures, Amin Osman Said se trouvait à Harardhere, à une centaine de kilomètres de Hobyo, là où les Shebabs avaient établi leur QG, en liaison avec les pirates. Les hommes de Robow étaient venus le chercher dans sa station-service en 4x4, pour l’amener jusque-là. Il disposait d’une chambre dans le bâtiment où se trouvait le groupe de protection de Robow. Avantage : c’était plus confortable que le sac de couchage. Inconvénient : il était étroitement surveillé par les Shebabs sourcilleux constituant la garde rapprochée du chef islamique. Non parce qu’ils se méfiaient de lui, mais parce qu’ils se méfiaient de tout le monde.

Un jeune Shebab pénétra dans sa chambre, portant un bol de lait de chamelle et une assiette de riz.

— Comment va ton genou, mon frère ? demanda-t-il affectueusement.

— Je souffre beaucoup. Il faut que j’aille me faire soigner au Kenya.

L’autre le regarda, intrigué.

— Comment vas-tu aller là-bas ?

Amin ne se démonta pas. Depuis son arrivée à Harardhere, il avait réalisé que le plan échafaudé avec l’ami « Wild Harry » était impossible à mettre en œuvre. Pas question de fixer un rendez-vous à un hélicoptère américain à Harardhere. Il avait donc imaginé une autre solution.

— Mes cousins d’Hobyo, expliqua-t-il, partent pêcher tous les jours. Ensuite, ils vont vendre leurs poissons à Mombasa. Je pense qu’ils accepteront de m’emmener là-bas.

— Comment feras-tu ensuite ?

— J’ai une cousine qui a un magasin à Mombasa. Elle m’aidera. Peux-tu demander à Cheikh Robow pendant combien de temps il a encore besoin de moi ?

— Je vais le faire, mon frère, promit le Shebab.

Il fut de retour trois heures plus tard pour annoncer.

— Cheikh Robow approuve ton désir de te faire soigner au Kenya. Ici, nous ne pouvons rien pour toi. Il te fait dire que d’ici deux ou trois jours, nous aurons le contact que nous attendons avec notre frère de Bahrein. Ensuite, tu pourras partir. Nous t’emmènerons à Hobyo.

— Qu’Allah et le Prophète bénissent le Cheikh Robow, fit Amin.

— Allah ou Akbar, conclut le jeune Shebab, avant de ressortir.

Resté seul, Amin Osman Said se mit à réfléchir. Si le navire que comptaient attaquer les Shebabs partait de Bahrein, c’était probablement un pétrolier. Comme celui « hijacké » par une autre équipe avec ses deux millions de barils, en plein océan Indien.

C’était bizarre. Si les Shebabs voulaient commettre un attentat avec un pétrolier, ils en avaient un sous la main. Pourquoi aller en attaquer un autre ?

Il cessa de penser, traversé par une douleur aiguë. Maladroitement, il essaya de masser son genou, pensant à sa famille à Baidoa. Priant pour que ses amis de Nairobi l’aident à la faire venir.

* * *

Malko tournait comme un lion en cage, entre le Serena, l’ambassade américaine et les rares boutiques du centre ville. Deux jours d’inactivité totale, sauf la piscine. « Wild Harry » et Hawo n’étaient toujours pas revenus. Mark Roll appelait toutes les heures pour avoir des nouvelles. Le « Mac Arthur », le patrouilleur des « Blackwater », était arrivé de Djibouti et s’était ancré en face du nouveau port de Mombasa. Il ne manquait plus que l’essentiel : l’information de Amin. Malko n’osait pas lui téléphoner. Il fallait attendre et prier... Il sursauta : une longue liane noire venait de s’installer sur le transat voisin. Une ravissante pute en deux pièces fuschia, avec de longues cuisses fuselées, une poitrine bien refaite et un regard caressant.

— Jambo ! Tu es seul, Bwana demanda-t-elle.

— Oui.

— Tu as l’air fatigué. Tu ne veux pas que je te masse ?

Malko sourit, pensant au genre de massage pratiqué.

— Ici ?

— Oh, non, Bwana, je sais que tu as une très belle chambre. Je peux te rejoindre là-haut.

Elle s’était tournée vers lui, toute sensualité. Magie de l’Afrique et de ce regard soumis et provoquant : Il avait presque envie d’accepter l’offre de cette Miss Sida... La sonnerie de son portable l’arracha à sa brève rêverie. Aucun numéro ne s’affichait. Il prit la communication.

— Mister Malko ? L’adrénaline manqua l’étouffer.

— Yes.

— C’est Amin. Je n’ai presque plus d’unités. Vous pouvez me rappeler dans deux heures, exactement. Deux heures.

Discrète, la pute s’était éloignée dans un balancement langoureux.

— Deux heures, répéta Malko. No problem.

— Ça y était ! Maintenant, il restait à dire la vérité au jeune Somalien. Il appela Mark Roll.

Le chef de Station explosa de joie.

— Fantastique ! Je viens d’avoir Harry. Il est enfin rentré. Je le préviens.

« Wild Harry » appela dix minutes plus tard. La voix fatiguée.

— Je suis crevé ! dit-il. Quatre cents kilomètres de piste depuis ce matin. Je vous envoie Hawo.

— Qu’est-ce qu’on va dire à Amin ?

— La vérité, fit le vieil Américain. Il faut toujours dire la vérité. On va trouver un truc.

* * *

Hawo frappa à la porte de la chambre de Malko à six heures moins le quart. Les traits creusés, le regard éteint, en jean et longue tunique marron.

— Harry s’est endormi comme une masse, dit-elle.

J’ai cru qu’on ne reviendrait jamais.

Malko la mit au courant.

— On va lui dire de gagner Baidoa, dit la Somalienne. De là, il y a des vols pour Nairobi et pour Addis Abbeba, en Ethiopie. Sinon on devrait pouvoir lui envoyer un avion d’ici. J’ai soif, vous pouvez me donner quelque chose ?

Malko prit un jus de mangue dans le minibar et elle le but avidement. Elle semblait détachée, comme s’ils se connaissaient à peine. Quand elle reposa le verre vide, il ne put s’empêcher de s’approcher d’elle et de passer un bras autour de sa taille ; miracle, elle ne se dégagea pas, et, même elle s’appuya contre Malko. Son regard avait changé.

— Je me sens sale. Je suis morte, dit-elle doucement.

Malko baissa les yeux sur le cadran de sa Breitling. Six heures pile.

— Il faut appeler Amin, dit-il.

Il dut composer cinq fois le numéro avant d’accrocher. Le jeune Somalien répondit en une fraction de seconde, d’une voix hachée, tendue.

— Il faut changer nos plans, fit-il, je suis trop surveillé. Je vais venir avec des cousins pêcheurs. Ils me déposeront à Mombasa.

— Quand ?

— Je ne sais pas encore, très vite, je crois.

— Comment vais-je vous retrouver ? demanda Malko.

— J’ai une cousine à Mombasa. Elle s’appelle Lui. Voilà son portable : 0733 6573961. Dès que j’arriverai, elle sera prévenue. Ne m’appelez surtout plus. Maintenant, c’est l’heure de la prière, je suis seul.

Il avait coupé. Brutalement. Malko transmit le message à Hawo qui sembla soulagée.

— C’est bien qu’il vienne de cette façon, conclut-elle.

Leurs regards se croisèrent.

— Je vais prendre une douche, dit Hawo.

— Bonne idée.

En un clin d’œil, il l’eut débarrassée de sa longue tunique. Puis de son soutien-gorge. Elle apparut torse nu, seins dressés, n’ayant plus que son jean. Doucement, sans même le lui ôter, Malko l’entraîna jusqu’à la douche et y entra avec elle.

Hawo ferma les yeux tandis qu’il massait ses seins gonflés, comme pour en ôter la fatigue. Puis, il fit glisser le jean trempé, la culotte, et se colla contre la jeune femme, sous la gerbe d’eau tiède. Sans un mot, elle eut un petit sursaut lorsqu’il la pénétra, debout derrière elle, et dut se retenir à la douche pour ne pas tomber.