CHAPITRE XXI
Malko avait l’impression de vivre un remake. Le Boeing 737 des Kenyan Airways venait de décoller de Nairobi, à destination de Mombasa, comme dix jours plus tôt. Même horaire, même destination, seulement la femme assise à côté de lui n’était plus la blonde Anna Litz mais Hawo, la compagne de « Wild Harry ». C’est d’ailleurs le vieil Américain qui l’avait déposée à l’aéroport, pour la plus grande gêne de Malko.
À la suite de la conversation avec Amin Osman Said, il avait été décidé que, dans un premier temps, Malko se rendrait à Mombasa pour y rejoindre les « Blackwater » accompagné par Hawo, qui, elle, prendrait contact avec la cousine d’Amin Osman Said. Ce qui serait plus discret. « Wild Harry » arriverait plus tard, pour accueillir Amin. Prudent, il s’était renseigné sur Hadj Aidid Ziwani et avait appris que le milliardaire, qui avait encore tenté de faire assassiner Malko à Mogadiscio, se trouvait à Dubai. Pour l’instant, il ne risquait donc pas d’interférer avec leurs projets.
— À quel hôtel allons-nous ? demanda Hawo d’une voix égale.
Entre deux étreintes, elle se comportait comme une simple camarade de travail...
— Au Serena Beach, dit Malko, c’est un peu loin, mais, à Mombasa, il n’y a rien.
Ils n’échangèrent plus un mot jusqu’à l’atterrissage à l’aéroport de Mombasa. La voiture de l’hôtel les attendait et ils retrouvèrent presque la chaleur de Mogadiscio. Hawo ne fit aucun commentaire en s’installant dans la suite comportant deux chambres.
— Appelez cette Lui, conseilla Malko. Qu’on établisse le contact.
Hawo s’exécuta. La conversation fut brève et lorsqu’elle raccrocha, Hawo annonça.
— Je lui ai annoncé que j’avais vu son cousin à Mogadiscio et que je voulais lui donner des nouvelles.
Elle m’a dit de passer demain à sa boutique, dans Mzizima street, au numéro 29.
Un problème résolu.
Ils allèrent dîner au restaurant situé sur la plage, un peu moins sinistre que celui de la piscine. Et, quand ils regagnèrent le bungalow, Hawo lui dit simplement « bonsoir » avant de gagner sa chambre.
Hawo était partie seule à Mombasa prendre contact avec Lui. Malko composa le numéro donné par Mark Roll, celui du responsable des « Blackwater » qui devait se trouver désormais à Mombasa.
Une voix au fort accent sud-africain lui répondit aussitôt.
— This is Malcolm ? demanda Malko.
— Speaking.
— My nome is Malko. We are supposed to meet.
— Right, confirma le « Blackwater ». Nous sommes ancrés dans Kilindiri Harbor.
— OK, dit Malko. Descendez à terre, prenez un taxi et faites-vous conduire au Serena Beach Hôtel. Demandez le bungalow 43.
Le dispositif de la CIA se mettait en place. Seulement, si Amin Osman Said ne parvenait pas à s’échapper de Somalie, ils pourraient avoir un porte-avions, cela ne changerait rien.
Hawo réapparut une demi-heure plus tard.
— C’est fait ! annonça-t-elle. J’ai rencontré Lui, elle a une boutique de souvenirs dans le quartier somalien. Amin, son cousin, lui a effectivement dit qu’il allait essayer de venir, mais elle ne sait encore rien de précis. Je lui ai donné mon portable, elle me préviendra dès qu’elle aura du nouveau.
— Bravo ! approuva Malko. Moi, j’attends les « Blackwater ».
Hawo eut une petite grimace.
— Vous n’avez pas besoin de moi. Je vais à la piscine.
Elle ressortit de sa chambre dans un deux-pièces noir très pousse au viol. Hélas, le téléphone sonnait. La réception.
Ils étaient deux. L’un, blanc, déjà très musculeux, dix centimètres de plus que Malko. L’autre, on se demandait à quelle race il appartenait. Il ressemblait à Hulk, le géant vert des bandes dessinées. Tout noir, un peu plus de deux mètres, des épaules moulées par un tricot de corps d’un blanc immaculé, le front bas, des mains comme des battoirs et le reste à l’avenant.
— C’est Mike, annonça Malcolm. Mon second. Il vient de Capetown et c’est un formidable combattant.
Ils avaient été s’installer dans le petit bar dominant la piscine. Les rares clients de l’hôtel présents les regardaient, éberlués. Ce n’était pas vraiment le profil de la clientèle.
Pour plus de discrétion, ils gagnèrent la pelouse qui descendait jusqu’à la plage. A chaque pas, Malko se demandait si Mike n’allait pas s’amuser à arracher un cocotier, juste pour rire.
Face à l’océan Indien, Malko entreprit de faire le point.
— Combien avez-vous d’hommes à bord ?
— Quinze. Plus les deux pilotes d’hélicoptère.
— De quel armement disposez-vous ?
— Deux canons à tir rapide Gatling, des RPG7 et l’hélico a des missiles « hellfire ». Quatre.
— D’où tenez-vous tout cela ?
— On était en Irak avant... Qu’est-ce que vous attendez de nous ?
Malko leur expliqua le principe de l’opération. Dès qu’ils auraient pris en charge le navire ciblé par les pirates, il faudrait intercepter ces derniers et les détruire, avant qu’ils ne puissent monter à bord de leur cible.
— La seule façon de faire, conclut Malcolm, c’est de se coller dans le sillage du navire-cible et d’intervenir lorsqu’ils montent à l’assaut. Avec l’hélico, c’est faisable. Seulement, on n’aura pas beaucoup de temps...
— Les bateaux des pirates vont partir d’un « mother-ship », objecta Malko, ce ne serait pas plus simple de s’attaquer à celui-ci avant qu’il n’ait envoyé les pirates ?
— Sure ! reconnut Malcolm, seulement, tant qu’il n’a pas lâché ses esquifs d’attaque, le « mothership » ressemble à n’importe quel chalutier. Il ne possède pas d’armement apparent. Il faut donc attendre un commencement d’exécution. En plus, nous devons rester en retrait jusqu’au dernier moment. Les pirates sont méfiants : s’ils nous aperçoivent, ils vont faire demi-tour... Il faut donc qu’on intervienne au dernier moment. Cela va se jouer dans une demi-heure, au plus. Pourvu que la mer soit belle.
— Ils ne peuvent pas vous repérer grâce à l’AIS ?
— Le nôtre sera coupé.
Tout cela n’était pas simple.
— Je risque de connaître le nom du navire et son port d’attache peu de temps avant son départ, expliqua Malko. Je pense qu’il viendra du Golfe Persique.
Combien de temps vous faut-il de Mombasa pour le prendre en charge dès qu’il pénétrera dans l’Océan Indien ?
Malcolm réfléchit rapidement.
— Nous filons à 35 nœuds, dit-il. On a 2000 miles d’autonomie. Nous sommes prêts à appareiller dans l’heure. Tout l’équipage est à bord. Il nous faut un jour et demi de mer pour traverser l’Océan Indien. Au maximum.
Malko faisait ses comptes et ce n’était pas réjouissant. Si le « mothership » des pirates se trouvait, lui, déjà à la sortie du Golfe Persique, il aurait le temps de lancer son attaque bien avant que le « Marc Arthur » ait rallié la zone.
En dépit des réticences de la CIA, il allait peut-être devoir faire appel à la Ve Flotte US. À condition qu’elle ait des navires disponibles sur la zone.
Soudain, il se rendit compte que « Hulk » était en train de se décrocher la mâchoire, le regard fixe. Il suivit son regard et découvrit au bout Hawo, qui remontait de la plage, avançant vers eux d’une démarche dansante. Avec le contre jour, elle avait l’air nue.
Les yeux de « Hulk » lui sortirent de la tête lorsqu’elle se pencha vers Malko, ce qui permit d’admirer la plus grande partie de ses seins, et dit d’une voix douce.