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— J’ai reçu l’ordre de neutraliser le « Venus Star ». Par tous les moyens.

Malko en eut froid dans le dos.

— Soyez plus explicite, demanda-t-il. Qu’entendez-vous par « neutraliser » ?

— Vous m’avez très bien compris, rétorqua Mark Roll. Il faut le détruire.

— Avec son équipage ? demanda Malko, horrifié. Il y a vingt-six marins à bord.

— Pas nécessairement, admit Mark Roll, mais cela ne doit pas être un obstacle infranchissable. Utilisez les moyens dont vous disposez.

Malko ne répondit pas. Il se trouvait en bout de chaîne et c’était à lui d’accomplir le sale boulot.

— À propos, continua l’Américain, à partir de cet instant, c’est vous qui commandez, je vais prévenir les « Blackwaters ». Les décisions doivent être prises par vous, et vous seul. Vous m’avez compris ?

— Je vous ai compris, répondit Malko.

Tout en parlant, il contemplait l’énorme super-gazier filant paisiblement à quelques encablures...

— Alors, ne perdez pas de temps, conclut l’Américain.

Il coupa la communication. Malko se tourna vers Malcolm.

— Faites revenir l’hélico.

— On décroche ?

— Non, je veux monter à bord.

Rapidement, il lui expliqua les ordres. Le Sud-Africain était blême.

— Vous vous rendez compte ! C’est un crime auquel vous me demandez de participer.

— Je vais le commander, fit froidement Malko. Ce n’est pas la guerre en dentelles : le « Venus Star » représente un risque colossal. Je vais vous poser une question : si, le 11 septembre, on avait pu détruire les deux appareils avec leurs passagers, qui se sont jetés sur les tours du World Trade Center, pensez-vous qu’on aurait hésité ? Nous allons essayer de limiter la casse, conclut Malko. Appelez le « Venus Star » sur la VHF. J’espère que vous tomberez sur un membre d’équipage.

— Qu’est-ce que je leur dis ?

— Que le navire va être détruit : que tous les marins qui le peuvent abandonnent le bord. Qu’ils sautent à la mer. Il fait jour et il n’y pas trop de houle. Nous allons les recueillir et les hélitreuiller ici. Et ensuite...

Il n’eut pas besoin de continuer : l’autre avait déjà empoigné sa radio. Malko suivit tant bien que mal la conversation. D’abord en anglais, puis en arabe. Elle fut très courte.

— J’ai eu le commandant, annonça Malcolm. J’espère qu’il a compris. Je lui ai répété ce que vous m’aviez dit. Ensuite, les pirates lui ont pris le micro.

— Il n’y a plus qu’à prier ! soupira Malko. Prévenez l’hélico.

* * *

Adam Salad Adam n’en crut pas ses yeux lorsqu’il vit le commandant du « Venus Star » sortir de la dunette, descendre sur le pont, parler à plusieurs marins, enjamber le bastingage et sauter à la mer d’une hauteur de dix mètres !

Il était déjà debout, éructant, menaçant de son pistolet l’homme de barre, un Yéménite.

— Qu’est-ce qui se passe ? hurla-t-il. Terifié, le Yéménite bredouilla.

— Il paraît que le navire va sauter... Le Shebab pointa son arme sur sa tête.

— Si tu bouges de ton poste, je te tue ! Accroché à sa barre, le Yéménite se dit qu’il allait mourir de toute façon. À travers les glaces du cockpit, il vit trois des marins sauter à leur tour par-dessus bord.

Décontenancés, les pirates ne réagirent d’abord pas. Puis l’un d’eux lâcha une rafale dans le dos d’un marin en train d’enjamber le bastingage, qui tomba comme une masse dans la mer et ne réapparut pas.

Dans la dunette, Adam Salad Adam cuvait sa fureur, impuissant. Tant qu’il aurait l’homme de barre sous la main, il avait une chance d’accomplir sa mission.

* * *

— Ça en fait seize ! annonça Malcolm. Deux ont été abattus par les pirates. Les autres ne donnent pas signe de vie.

Il manquait donc huit marins, dont l’homme de barre. Le commandant du « Venus Star » venait d’être hélitreuillé à bord, encore choqué. Malko attendit la dernière rotation de l’hélicoptère puis monta à bord, installé dans le troisième poste du cockpit.

Ils redécollèrent et prirent de l’altitude. C’était une lourde décision à prendre. Il décida d’attendre encore une demi-heure. Mais aucun marin ne se montra sur le pont du « Venus-Star » : ou ils avaient été abattus par les pirates ou ils n’avaient pu être prévenus. Les pirates, eux, faisaient les cent pas sur le pont, tirant parfois une rafale en direction de l’hélico, heureusement trop éloigné pour être atteint...

Malko baissa les yeux sur sa Breitling Bentley. Encore une demi-heure de jour.

Il se tourna vers le pilote.

— Vous allez tirer d’abord un « Hellfire » sur le flanc bâbord du « Venus Star ». Si cela ne suffit pas, vous tirerez le second...

Le pilote sursauta.

— Tout va exploser !

— C’est le but recherché, fit simplement Malko.

— Il y a encore des gens à bord...

— Je sais, mais nous n’avons pas le choix. C’est un ordre de la Maison Blanche. Nous devons l’exécuter, afin d’éviter une catastrophe beaucoup plus grave.

L’hélico s’inclina, s’éloignant du « Venus Star », puis se positionna à plus d’un mile du super-gazier.

— Ça va secouer ! avertit le pilote. Accrochez-vous.

Malko serra au maximum son harnais de sécurité.

Il vit le missile partir en laissant une traînée de fumée derrière lui, droit sur la coque noire. Un objectif facile. Malko retenait son souffle. Quand le missile perça la coque noire, il eut l’impression de recevoir le choc lui-même.

* * *

Adam Salad Adam hurlait des insultes sans discontinuer, en suivant des yeux le missile qui se rapprochait à toute vitesse du « Venus Star ». Sans même s’en rendre compte, il vida le chargeur de son pistolet sur l’homme de barre, qui tomba comme une masse, foudroyé.

* * *

Malko avait beau s’y attendre : la puissance de l’explosion dépassa tout ce qu’il avait pu imaginer. Une gigantesque boule de feu, comme un champignon atomique, s’éleva dans le ciel et un souffle violent balaya l’espace aérien. Le « Bell 206 » fut emporté comme un fétu de paille et le pilote n’en garda le contrôle que par miracle.

À la place du « Venus Star », il ne restait qu’une énorme boule de feu surmontée de volutes de fumée noire, comme l’explosion d’un volcan sous-marin. La déflagration avait dû se voir à des centaines de kilomètres. Il eut une pensée pour ceux qui étaient restés piégés à l’intérieur du super-gazier, puis essaya d’imaginer ce qui aurait pu se produire si l’attentat avait été mené à bien.

Une fois de plus, il s’était sali les mains. Dans son métier, on faisait rarement des omelettes sans casser des œufs.

Il avait un goût de cendre dans la bouche, tous les muscles lui faisaient mal et il se demanda si le combat contre ces fous de Dieu qui préféraient la mort à la vie cesserait jamais.